Chroniques écarlates (21)

Père et fille

« Votre… Votre fille ??? » balbutia Ivy, ses yeux bleus emplis d’incompréhension.

Les Saigneurs Ecarlates étaient paralysés par une stupeur horrifiée. Nombre d’entre eux, en effet, avaient déjà entendu prononcer, toujours avec un immense respect, le nom de ce héros du peuple des Hommes, peut-être le plus puissant paladin que ce monde ait connu.
Découvrir que même ce fantastique combattant avait succombé à la puissance corruptrice du Fléau était peut-être la pire des nouvelles qu’ils avaient apprise depuis celle de la chute de la Dame Noire.
Et voilà qu’en plus, celui-ci prétendait qu’Ivy…était…

Sa propre fille ???

« Tu as tellement grandi, mon enfant, dit doucement Mograine d’une voix qui aurait pu sembler bienveillante si les yeux du paladin déchu n’avaient pas brûlé de cette lueur sauvage et menaçante qui était l’apanage des serviteurs du Fléau. La dernière fois que je t’ai vue, tu n’étais qu’un bébé dans les bras de ta mère.
- Ma… Ma mère ??? répéta Ivy, désorientée.
- Oui, Solaris, répondit Mograine en acquiesçant lentement. Oh, bien sûr, à cette époque, j’étais encore en vie… Et elle aussi.
- Elle… est morte ? » demanda Ivy dans un souffle.
Son père mit un moment à répondre.
« Oh oui, répondit-il avec un sourire sinistre. Cette idiote a perdu la vie, tout comme moi, pour tenter de défendre ce qui lui était cher dans un combat sans espoir. Elle est morte en défendant sa cité contre les forces du Fléau. Elle est morte… Pour te protéger.
- Me… Mais pourquoi ? cria la démoniste.
- Tu n’as aucune idée de ton véritable potentiel, ma fille, répondit le Généralissime en secouant la tête. Ta mère l’avait compris, et lorsqu’elle a réalisé que j’étais passé au service du Fléau, elle a tout fait pour te cacher… Pour que je ne puisse pas te reprendre. Elle savait que je partirais forcément à ta recherche. Lorsque nous sommes arrivés à Lune d’Argent, il était trop tard. Tu avais déjà disparu, et ta mère a péri sans que nous puissions savoir où elle t’avait envoyée.
- Lune d’… commença Ivy, estomaquée. Mais… Mais alors… »
Elle s’interrompit, incapable de continuer, écrasée par le poids des révélations de son père.

Inexplicablement, ce ne fut pas Mograine qui répondit.
Mais Sheogorath, soudain tiré de son mutisme, et pourtant étrangement hésitant.

« Oui, Ivy, dit-il doucement dans le silence mortel qui s’était installé.
Ton véritable nom est… Solaris Mograine. Et si le prénom que ta mère t’a donné possède de telles consonances elfiques, reprit-il en tournant son regard indéchiffrable vers les yeux bleus écarquillés de la jeune fille, c’est pour une raison très simple.

Tu as vu le jour à Lune d’Argent. »

Depuis la corniche supérieure de la salle, Ivy-Solaris observait silencieusement les aventuriers de ses yeux de sang, amusée de leur surprise devant les révélations de son père.
Le plus drôle était sans doute de contempler cette pitoyable copie d’elle-même aux côtés de Farfadet, abasourdie de découvrir que son père lui-même était devenu un éminent serviteur du Fléau.
Et cette idiote qui s’entêtait à servir les forces du Bien…
Kel’Thuzad lui avait rendu un fier service en s’arrangeant pour extirper d’elle cette part de sa personnalité qui l’affaiblissait.
Depuis leur séparation, Ivy-Solaris sentait revenir en elle bien des souvenirs et des savoirs auxquels elle n’avait pas accès auparavant. En revanche, il était à présent clair, au vu de la réaction de la démoniste aux ailes de cygne devant les révélations combinées de Mograine et de Sheogorath, que, contrairement à Ivy-Solaris, l’Ivy Blanche n’avait pas accès à ces mêmes souvenirs.

Ce qui donnait un avantage indéniable à l’Ivy Noire sur sa sœur.
La pauvre était loin de se douter que…

La démoniste aux ailes de chauve-souris eut un regard furieux et amer pour Misswar, qui se tenait aux côtés de Kharneos. Ivy-Solaris était hors d’elle de constater que le corps de Démétria, même animé d’une âme nouvelle, s’opposait à nouveau à ses projets. La traîtresse avait même réussi à retourner contre elle celui qui aurait dû être l’arme ultime du Fléau : Kharneos, le côté noir de Farfadet… Et au lieu de ça, elle voyait Kharneos et Farfadet lutter côte à côte, prêts à tout pour protéger cette pathétique Ivy aux ailes blanches.
Peu importait.
La misérable trahison de Misswar l’avait prise de court, certes…
Mais Mograine et ses compagnons allaient s’occuper des Saigneurs Ecarlates. Elle n’aurait même pas à se salir à nouveau les mains.

Avec un sourire cruel, elle se concentra à nouveau sur le sire Zeliek, lui arrachant un nouveau gémissement tourmenté. Indépendamment des expériences qu’elle avait menées elle-même à Naxxramass avec la bénédiction du Maître, elle avait découvert grâce à celui-ci qu’il était ridiculement facile de contrôler les morts-vivants et de leur imposer sa propre volonté, même pour un paladin à l’âme aussi pure que Zeliek.
D’un seul coup, songea-t-elle, la Dame Noire paraissait bien moins impressionnante.
Ivy, le côté blanc de sa personnalité du moins, s’était toujours sentie pleine d’admiration et de respect pour le pouvoir de sa Reine, mais avec le recul, bien qu’elle se rappelât avoir assisté à l’écrasante victoire de la Reine des Réprouvés face à Sheogorath, plusieurs mois auparavant, Ivy-Solaris se rendait à présent compte qu’elle avait largement surestimé le pouvoir de Sylvanas Windrunner.
Après tout, Ivy-Solaris n’avait-elle pas elle-même réduit Sheogorath à l’impuissance en quelques instants, lors de leur duel à l’entrée de Naxxramass ? Ce même Sheogorath qui ouvrait aujourd’hui des yeux horrifiés en contemplant l’Ashbringer Noire et son Porteur ?

Son sourire s’élargit.
Oui… Contrôler les morts-vivants lui serait sans doute très utile.
Pour la suite.

Ivy, une demi-elfe !

La surprise était totale dans l’assemblée. Ivy avait une apparence similaire à une simple humaine, même pour Farfadet qui l’avait déjà croisée de son vivant, dans la dimension temporelle de Southsore, sept ans plus tôt.
Mais il devait l’admettre : elle avait justement quelque chose de plus qu’une simple humaine.

D’un seul coup, Farfadet s’expliquait mieux l’envoûtante beauté dont avait toujours rayonné la démoniste, même dans la mort. Une grâce presque surnaturelle qui avait fait sensation au sein de la Cour Royale de Lordaeron, des années plus tôt, du temps de la trop courte vie de la jeune femme. Même si celle-ci l’avait à présent oublié.
Cela expliquait également l’étonnante affinité aux arcanes magiques, dont lui seul l’avait vue faire preuve dans le passé, lors du combat contre Epoch, l’émissaire du Vol Infini : elle avait littéralement la magie dans le sang…
Farfadet, éberlué, songea un instant à Nathanos Blightcaller, le défunt Champion de la Dame Noire. Le guerrier devait forcément savoir… Que diable leur avait-il caché d’autre sur Ivy ???

Ainsi, Ivy Isabella Valentine était en réalité Solaris Mograine, la fille du Porteur de l’Ashbringer.
Ce qui faisait d’elle la descendante d’une des lignées les plus puissantes des combattants de la Lumière.
Quelle ironie de constater qu’une part d’elle-même s’était matérialisée pour servir les forces des Ténèbres…
Tout comme son propre père, qui s’était relevé de la mort pour servir le Mal.

« Tu en sais bien plus sur elle que tu ne le devrais, Sheogorath, dit Mograine d’une voix intriguée, en posant son regard de mort sur le démoniste. Comment ??? »
Avec un sourire froid, celui-ci répondit :
« J’ai mes sources. L’une d’entre elles est Fairbanks.
- Fairbanks !!! s’exclama l’ancien Généralissime de la Croisade Ecarlate, amusé. Il est toujours en vie ???
- Pas exactement, répondit le démoniste. Mais il m’a tout raconté… sur vous.
- Sur moi ! coupa à nouveau Mograine, de plus en plus amusé. Voyez-vous cela !!! »
Jetant un coup d’œil aux Saigneurs Ecarlates, l’homme eut un sourire méprisant.
« Explique-leur, Sheogorath. Conte-leur toute l’histoire. La plupart des inconscients qui t’accompagnent ne comprennent même pas de quoi tu parles. »

Sans quitter le chevalier déchu des yeux, Sheogorath s’exécuta, d’une voix froide et dénuée de la moindre émotion.

Alexandros Mograine.
Aucun nom ou presque n’inspirait autant de respect dans le monde des Hommes.

Fils de la Lumière, l’un des meilleurs paladins de Lordaeron, l’un des rares à avoir triomphé d’Uther Lightbringer en combat singulier, Alexandros Mograine avait vaillamment combattu lors de la Deuxième Guerre contre l’invasion des Orcs d’Orgrim Doomhammer. A cette époque, le chevalier venait de perdre son épouse Elena, morte en couches en donnant naissance à leur fils cadet, Darion, alors que l’aîné, Renault, n’était guère plus qu’un jeune adolescent. Alexandros avait eu bien du mal à se trouver une raison de survivre à son épouse, mais la menace des Orcs l’avait malgré tout poussé à prendre les armes pour défendre sa patrie.

Lors d’une terrible bataille, tentant de renforcer le flanc des armées d’Uther en grande difficulté du côté du sinistre Pic Blackrock, le chevalier s’était accidentellement emparé d’une mystérieuse orbe noire jusque-là manipulée par les démonistes du Conseil des Ombres de Gul’dan. La victoire fut finalement emportée par les Hommes, malgré de lourdes pertes, et cette bataille décisive marqua le début du déclin de la Horde au sein du conflit. Une fois qu’une fragile paix fut à nouveau instaurée, Mograine et ses compagnons (Abbendis, Fairbanks, Doan, Isilien et Dathrohan, noms qui évoquèrent immédiatement bien des choses aux Saigneurs Ecarlates qui écoutaient, fascinés malgré eux, l’histoire contée par Sheogorath), intrigués par l’artefact maléfique, commencèrent à l’étudier. Ils avaient en cela une bonne raison d’agir : des rapports alarmants, venus des quatre coins de la contrée, parlaient de morts qui se relevaient de la tombe pour attaquer les vivants. Même s’ils l’ignoraient encore à l’époque, la Troisième Guerre n’était pas loin.

Après de multiples recherches, ils découvrirent que l’orbe, un cristal en réalité, semblait entrer en résonance avec les pouvoirs de la Lumière. Mograine ne fut pas long à concevoir l’idée de faire de cette orbe purifiée une arme qui fendrait en un éclair les morts-vivants que l’on commençait à surnommer « le Fléau ».
Mograine, accompagné du prêtre Fairbanks, son compagnon le plus fidèle, se rendit donc en Ironforge à la rencontre du roi Magni Bronzebeard, laissant le commandement des forces armées de Lordaeron au Grand Croisé, Saiden Dathrohan. Le roi des nains, de toute son habileté, forgea le cristal en épée, offrant au Généralissime l’arme qu’il ne tarda pas à appeler l’Ashbringer, la « porte-cendres » capable de ne laisser que des os carbonisés des morts-vivants qu’elle pourfendait. Alexandros était entré en totale harmonie avec son arme, à tel point que bientôt, ce fut l’homme lui-même que l’on surnomma le Porteur de l’Ashbringer, car il était le seul capable d’éveiller complètement le potentiel dévastateur de l’arme sacrée.

Avec l’assassinat du roi Terenas par son fils Arthas devenu fou, Lordaeron bascula à nouveau dans la guerre. Le renfort d’Alexandros et de son épée légendaire devint rapidement la pierre angulaire de l’Ordre des Chevaliers de la Main d’Argent, orphelin depuis la mort d’Uther Lightbringer. Toutefois, malgré ses efforts, Alexandros ne parvenait pas à endiguer l’inquiétante montée, au sein même de son ordre, de mouvements bien plus radicaux que lui-même ne l’avait jamais été, menés entre autre par le Général Abbendis, sa fille Brigitte, ainsi que ses vieux compagnons Doan et Isilien. A l’époque, seuls le prêtre Fairbanks, le Duc Zverenhoff, et dans une moindre mesure le Seigneur Maxwell Tyrosius, semblaient montrer plus de tolérance que les autres dirigeants envers les races non-humaines qu’étaient les elfes et les nains. Tirion Fordring, le plus vieil ami d’Alexandros, avait disparu sans laisser de traces, accusé de haute trahison par ses anciens camarades pendant le voyage d’Alexandros à Ironforge.

Un jour où Alexandros revenait d’une mission de reconnaissance en compagnie de Fairbanks, il fut rejoint par son fils aîné, Renault, qui lui révéla, affolé, que son frère Darion était tombé dans un piège et se trouvait retenu à Stratholme par les forces du Fléau. N’écoutant que son cœur, Alexandros se précipita vers l’endroit où se trouvait son fils cadet, suivi par Fairbanks.
Hélas ! Darion n’était pas à Stratholme. Il était en réalité bien vivant et en liberté, parti en expédition à la Main de Tyr, l’une des places fortes de la résistance humaine à l’invasion du Fléau, inconscient des funestes évènements qui se tramaient derrière son dos.
Car sans le savoir, Alexandros venait d’être entraîné dans un piège mortel.

La suite, commenta simplement Sheogorath, il la tenait de la bouche de Fairbanks lui-même.
Alexandros et le prêtre étaient arrivés devant Stratholme sans trouver la moindre trace de Darion… Mais les troupes du Fléau les attendaient. Submergés par le nombre, les deux hommes voyaient leur espoir de s’en sortir faiblir… Mais l’Ashbringer était tellement puissante qu’il finirent par croire qu’ils avaient encore une chance. Malheureusement, Fairbanks, gravement blessé, finit par s’effondrer, assistant impuissant à la lutte désespérée du Généralissime contre ses ennemis les plus haïs.
Bien qu’il n’en crût pas ses yeux, le prêtre agonisant vit son compagnon pourfendre l’un après l’autre mille et mille morts-vivants, sans un instant pour reprendre son souffle. Malgré ses multiples blessures, l’homme se prit à nouveau à espérer… Jusqu’à ce que Mograine, projeté à terre par un gigantesque colosse de chair, lâche la poignée de l’Ashbringer. Il se releva aussitôt, invoquant une colonne de feu divin sur son adversaire qui s’effondra en cendres… Mais Fairbanks vit alors avec horreur la lame de l’épée légendaire jaillir du torse d’Alexandros dans une gerbe de sang.
Le Généralissime tomba à genoux, sa vie s’échappant de sa poitrine, une expression incrédule figée à jamais dans le regard. Et le prêtre, aux portes de la mort, assista alors à un spectacle bien plus atroce que tout ce qu’il aurait pu imaginer. Car il reconnut avec une horreur sans nom celui qui s’était emparé de l’Ashbringer pour en transpercer Mograine.
Il s’agissait de Renault.
Alexandros avait été trahi par son propre fils.

Laissé pour mort sur le champ de bataille, Fairbanks avait vu Renault Mograine, abandonnant l’Ashbringer fichée dans le torse de son père, s’enfuir en direction du camp de base d’Alexandros et de ses compagnons.
Le prêtre avait finalement réussi à revenir lui aussi au camp, pour y trouver Dathrohan, Renault et les autres en train de réorganiser complètement l’Ordre de la Main d’Argent en ce qui allait devenir la Croisade Ecarlate, ayant appris la funeste nouvelle de la mort du Généralissime. Les accusations que le prêtre avait proférées à l’encontre de Renault n’avaient trouvées aucun écho parmi ses anciens compagnons, du fait du témoignage du Grand Croisé Dathrohan qui avait juré que Renault n’avait pas bougé du camp. Fairbanks n’avait pas compris quel terrible complot avait pu se fomenter pour que pas un de ses compagnons ne puisse soupçonner Renault, mais ses suppliques et ses appels désespérés n’avaient servi à rien. Fairbanks avait été enfermé à tout jamais dans l’une des plus sombres geôles de ce qui deviendrait bientôt le quartier général de la Croisade Ecarlate : le Monastère Ecarlate.

De son côté, Kel’Thuzad n’avait pas mis longtemps à ramener à Naxxramass le corps du défunt paladin… Et, dans le plus grand secret, il l’avait relevé dans les rangs du Fléau, avec son épée maintenant corrompue par l’ignoble trahison du fils parricide.

« Ainsi, Fairbanks avait survécu… » murmura Mograine.

Le Généralissime avait écouté avec patience le récit du démoniste.
A ses côtés, Korth’azz affectait de ronfler bruyamment, visiblement peu intéressé par l’histoire tragique du père d’Ivy. Lady Blaumeux, elle, était restée complètement immobile, sans faire le moindre mouvement, mais son aura noire continuait à pulser dans la salle tel un souffle glacé. Des larmes amères coulaient silencieusement le long des joues du Sire Zeliek, seul combattant à vouloir résister encore à la corruption du Fléau sans y parvenir.

« Oui, répondit crûment Sheogorath. Je l’ai retrouvé là-bas, au Monastère Ecarlate, et il a fini par me dire ce qu’il savait.
- Est-il toujours là-bas ? demanda Alexandros, amusé.
- Oui, répondit le démoniste d’un ton neutre. Le libérer n’aurait rien changé. »

Ce destin tragique n’arracha qu’un sourire méprisant au Généralissime déchu.
« Ce pauvre Fairbanks… Il n’a jamais eu de chance. »
Il paraissait légèrement songeur, tandis qu’il jouait avec sa lame au tranchant si acéré.

Etrangement, la vue de l’épée légendaire parut consterner Sheogorath.
« Quelle tragédie ! s’exclama-t-il avec un regret sincère dans la voix. L’épée a été définitivement souillée, et plus personne ne pourra jamais l’utiliser sans être corrompu et dévoré par elle. Même moi, je ne…
- L’épée ne te servirait à rien ! coupa Mograine d’un ton de défi. Cette lame m’est liée pour l’éternité ! Je suis le seul Porteur de l’Ashbringer !!!
- Oui, c’est vrai, répondit Sheogorath après un long moment, en regardant Alexandros droit dans les yeux. Et en te détruisant, nous scellerons à jamais cette arme abominable.
- Voilà un projet bien présomptueux, ricana le père d’Ivy en levant son arme d’un air menaçant vers le démoniste. Approchez, héros ! Venez affronter la puissance des Quatre !!! »

Comme un seul homme, les Saigneurs Ecarlates se ruèrent à l’assaut des quatre cavaliers, en groupe compact, les guerriers ouvrant la charge.
Avec un sourire méprisant, Korth’azz leva son marteau, qui commença à rougeoyer d’une lueur menaçante.
« Dispersez-vous, tas de cloportes !!! » tonna-t-il en frappant le sol de son arme.
En un éclair, une boule de feu jaillit de celle-ci pour filer droit sur le groupe compact des aventuriers, explosant au beau milieu d’eux et les projetant douloureusement à terre.
Il ajouta, d’un rire moqueur :
« J’aime ma viande bien cuite. »

Se relevant d’un bond, Farfadet lança ses consignes à ses compagnons. En un instant, le groupe se sépara en quatre groupuscules distincts, chacun d’entre eux affrontant l’un des terribles Cavaliers de la Mort. Looping s’était rué sur Korth’azz, Yashna sur Dame Blaumeux, Oniri sur Zeliek et Farfadet sur Mograine lui-même.

La lame de Looping bloqua in extremis la masse du thane Korth’azz alors qu’elle allait de nouveau heurter le sol. Un duel de force s’engagea alors, qui tourna bien vite à la défaveur du guerrier. Projeté en arrière, il ne put empêcher son adversaire de projeter vers lui et ses compagnons une nouvelle gerbe de feu, qu’Amongzedeath annula de justesse d’un trait de glace tellement puissant que le mage en resta un instant étourdi. Tandis qu’il se relevait en grimaçant, Looping entendit son ennemi le railler : « La prochaine fois, amène plus de copains, mauviette !!! », avant de repartir à la charge avec un rictus de fureur.

Yashna, de son côté, n’en menait pas plus large. Il y avait quelque chose de saisissant à voir le tauren massif et puissant face à la gracile et mortelle Dame Blaumeux, qui n’avait de frêle que l’apparence. Le guerrier avait été très désagréablement surpris de la force de son adversaire dès leurs premières passes d’armes. Non seulement elle avait bloqué sans effort les violentes attaques du tauren, mais elle l’avait également projeté à plusieurs mètres en arrière, par la seule force des arcanes maléfiques qu’elle semblait manier à la perfection. Yashna n’avait dû sa survie qu’à l’intervention de Sapristi et d’Elerin, qui avaient de leur mieux bloqué les noires malédictions de la sorcière avec leurs protections sacrées.
Tandis que le guerrier repartait en hurlant à l’assaut de sa terrible adversaire, celle-ci s’écria, d’un ton joyeux horriblement déplacé, qui montrait à quel point elle trouvait la situation divertissante : « Le premier mort est pour moi !!! On parie ??? »

Oniri, elle non plus, n’était pas dans une position plus sûre. Zeliek était lui aussi un redoutable adversaire. De plus, la jeune paladin était extrêmement troublée de combattre un homme qui appartenait visiblement encore à la Lumière, même s’il ne contrôlait pas ses actes. Elle sentait le chevalier tenter de toutes ses forces de stopper le combat, sans y parvenir. La fille de Lioness esquiva d’extrême justesse la lame du paladin, qui siffla quelques centimètres au-dessus de sa tête. Les rares attaques qu’elle réussissait à placer étaient immédiatement contrée par son ennemi, qui semblait anticiper tous ses mouvements et connaître parfaitement son répertoire de combat. D’un geste de la main, qu’Oniri eut à peine le temps de reconnaître comme un dérivé du sceau d’Inquisition que sa mère lui avait enseigné, il envoya à son tour la jeune fille rouler à terre, et ce furent les soins d’Arràgon qui l’empêchèrent de perdre totalement connaissance.
« Cessez cette folie !!! supplia-t-il en voyant Oniri se relever en serrant les dents. Fuyez tant qu’il en est encore temps !!! »

Mais si la situation des trois groupes précédents était pour le moins critique, elle n’avait rien de commun avec celle du groupe emmené par Farfadet, qui affrontait Mograine : eux se trouvait dans une position proprement désespérée. L’Ashbringer n’avait pas volé sa réputation d’arme légendaire.
Le Généralissime était un combattant hors pair, et malgré le renfort inattendu de Kharneos, venu instinctivement seconder le guerrier, Farfadet ne parvenait pas à ne serait-ce qu’effleurer son adversaire. De son côté, celui-ci bloquait les terribles coups qui lui étaient portés sans le moindre effort, de sa lame à l’éclat malsain, qui semblait presque animée d’une volonté propre.
D’un coup, Mograine, du plat de l’Ashbringer, toucha Kharneos en pleine poitrine, le projetant avec une force inouïe au milieu des lanceurs de sorts regroupés derrière Farfadet et lui. Ceux-ci réussirent à s’écarter à la dernière seconde, et Kharneos continua à filer droit dans ce qui aurait dû être la porte de la salle… Mais Sheogorath, tendant la main, le bloqua en plein vol, sans même reculer d’un pas. L’orc laissa échapper un grognement de douleur lorsque le démoniste le lâcha sans ménagement à terre.

Il se redressa, jetant un coup d’œil aux deux seules personnes qui n’avaient pas esquissé le moindre geste depuis le début du combat : Ivy, qui paraissait bouleversée par ce qu’elle venait d’apprendre…
Et Sheogorath, celui qui en savait justement si long sur Mograine, et qui, sans que l’on ne sache pourquoi, restait sans rien faire, les yeux brillants de…
Mais oui, il s’agissait bien de fureur.

« Qu’est-ce que tu attends ??? » lança-t-il au démoniste de sa voix d’outre-tombe. Ayant hérité de souvenirs qui n’étaient pas les siens, l’orc mort-vivant savait néanmoins à quoi s’en tenir en ce qui concernait le sinistre compagnon qu’était Sheogorath.
La réponse de celui-ci fut plus qu’inattendue.
« Je dois partir. » dit-il simplement.

Il leva son étrange main mécanique, et disparut dans un éclair violet avant que Kharneos ait pu faire le moindre mouvement, abandonnant les Saigneurs Ecarlates ébahis à une mort presque certaine.
Le rire du Généralissime résonna fort dans la pièce, comme un présage funeste :
« Vous ne trouverez aucun repos dans la mort. »

[Kalimdor, désert de Sillithus]

Sheogorath se rematérialisa sur une dune, dans un éclair verdâtre.
Il leva un instant les yeux vers la voûte céleste, étrangement obscurcie en ces lieux sombres et déserts où il s’était téléporté.
Loin, très loin de Naxxramass.
Sheogorath était arrivé en Kalimdor, dans la région désertique qui environnait la mythique cité d’Ahn Qiraj.

Devant lui, les cristaux scintillaient doucement dans la semi-pénombre qui régnait toujours ici, en dépit de l’accablant soleil qui restait seul maître du désert de Sillithus.

Il détailla sans le voir les restes du camp du Marteau du Crépuscule, qu’il avait ravagé depuis quelques temps déjà. Le temps semblait s’être arrêté en ces terres abandonnées, comme si rien n’avait changé depuis son combat et le massacre des sectateurs qui s’étaient rassemblés pour tenter de l’arrêter.
Seul Dimitrian avait survécu.
Parce que Sheogorath l’avait bien voulu.
Parce qu’il savait que l’homme serait utile lorsque l’heure serait venue pour le démoniste d’accomplir ses plans.

Et voilà qu’aujourd’hui, tous ses espoirs venaient de se ruiner en un instant !!!
Le démoniste posa un regard noir de colère vers Dimitrian, qui, ayant repéré l’arrivée de celui qui l’avait épargné lors de l’horrible carnage qui l’avait rendu à moitié dément, s’était approché, humble et tremblotant.

« Que… Que faites-vous ici, Seigneur ? » interrogea Dimitrian d’une voix emplie d’un respect terrorisé.
Sheogorath ne répondit pas immédiatement. Les poings crispés de rage, il semblait ne pas avoir entendu la question de l’homme. Celui-ci préféra prudemment ne pas la répéter, attendant simplement que le démoniste daigne lui adresser la parole.
Oh, bien sûr, songeait Dimitrian, cet homme n’était pas son Maître, et il savait qu’il n’avait pas d’ordres à recevoir de lui…
Sauf que le Maître était profondément endormi… Et que tout au fond de lui-même, une part angoissée de Dimitrian ne pouvait s’empêcher de penser que même la puissance colossale de son Maître ne pourrait venir à bout du terrifiant adversaire qui avait massacré tous les Sectateurs du Crépuscule en une seule attaque.

Soudain, Sheogorath parla, d’une voix basse où bouillait une colère mal contenue :
« Réveille-le. »

Dimitrian mit un moment à digérer l’ordre, tant il paraissait incongru.
« Que… Comment ??? s’étrangla-t-il. C’est… C’est impossible, Seigneur !!! Le Maître…
- Silence !!! » tonna Sheogorath. Dimitrian se tassa sur lui-même devant le mot qui venait de claquer plus vite qu’un coup de fouet.

Le démoniste posa sur l’homme un regard noir de fureur.
« Fais ce que je te dis, où tu le regretteras. » ajouta-t-il à voix basse.

Dimitrian, affolé, tentait de réfléchir à toute vitesse. Il fallait absolument empêcher cela !
« Seigneur, bredouilla-t-il, essayant de raisonner son vis-à-vis. Vous n’êtes pas… Vous n’êtes pas prêt à cela… Vous n’êtes pas encore entier, et vous le savez !!! Vous ne pourrez pas…
- Lorsque j’aurai besoin de ton avis, je te le demanderai. » répondit le démoniste du même ton bas et menaçant, tout en se désintéressant ostensiblement de lui.
Il leva les yeux vers le ciel sombre. Un curieux sourire, mélange de haine et d’un regret presque nostalgique, apparut sur son visage.
« Quel dommage, soupira-t-il pour lui-même. Si l’Ashbringer n’était pas réapparue, je n’aurais sans doute pas eu besoin de faire ça dès maintenant… »
Dimitrian blêmit devant ces paroles.
« L’A… L’Ashbringer ??? répéta-t-il d’une voix étranglée. Mais…
- L’Ashbringer Noire, répondit doucement Sheogorath en posant à nouveau ses yeux où brillait une lueur menaçante sur le sorcier. Comprends-tu maintenant, pourquoi tu dois le réveiller ? »

Dimitrian, pâle comme la mort, acquiesça. La terreur avait annihilé toute volonté de résistance dans son esprit.
Lentement, il commença le rituel d’invocation.

Si Executus, Grand Chambellan de Ragnaros, avait encore été de ce monde, il aurait parfaitement reconnu le rituel en question. Il s’en était lui-même servi pour éveiller le Prince Elémentaire du Feu, dans le but d’éliminer les Saigneurs Ecarlates, de longs mois auparavant.
Dimitrian, à son tour, allait tenter de réveiller son Maître…

Le Prince Elémentaire de l’Air.

Lord Thunderaan.

Des vents violents se levèrent subitement un peu partout dans la vallée des Cristaux, soulevant des volutes de sables et arrachant des fragments scintillants aux pierres étranges et froides qui gisaient en ces lieux.
Un gigantesque vortex hurlant ne tarda pas à se former devant les deux hommes, qui paraissait s’élever jusqu’à la voûte du ciel. Dans le ciel, les nuages tourbillonnaient à toute allure, déchirés de toutes parts par la venue de Thunderaan.
Sheogorath se tenait calmement au milieu de cette violente tempête, parfaitement immobile malgré les bourrasques qui sifflaient à leurs oreilles. Dimitrian avait du mal à conserver son équilibre. Il regardait avec une terreur extatique la colossale silhouette du Maître des Vents qui se dessinait de manière de plus en plus précise au milieu du cyclone qui menaçait de ravager la vallée.
Une voix d’outre-tombe résonna soudain dans le vacarme, pareille à un coup de tonnerre si puissant qu’elle fit saigner les tympans de Dimitrian.
« ENFIN !!! JE SUIS… DE RETOUR !!! MON POUVOIR… RENAIT !!! »

Dimitrian tomba à genoux, en adoration devant la magnificence de son Maître.
Sheogorath, quelques pas devant lui, ne tourna même pas la tête, continuant à fixer avec intérêt l’apparition géante. Pourtant, bien qu’il n’ait pas élevé la voix au-delà du murmure, Dimitrian l’entendit distinctement.

« Je n’ai plus besoin de toi, à présent.
Et même si, comme tu l’as si bien dit, je ne suis pas encore entier…

Je préfère ne pas laisser en vie quelqu’un qui connaît ma véritable identité. »

La lame d’ombre qui décapita Dimitrian, projetant une vaste gerbe sanglante qui fut aspirée par le cyclone de Thunderaan, fut si vive que l’homme ne comprit qu’il était mort que lorsque sa tête, tombée au sol, lui renvoya l’image de son corps mutilé.
« Vous êtes un dément !!! voulut-il articuler sans y parvenir. Vous venez de damner ce monde !!! »

Puis sa vision s’obscurcit, le projetant dans un néant glacé.

[Naxxramass, Salle de l’Assemblée des Quatre]

Farfadet roula à terre, aux pieds d’Ivy, laissant échapper un cri de douleur.
Encore une fois, le Généralissime venait de le repousser avec un effrayante facilité.
L’éclat de l’Ashbringer, sombre et malade, projetait sur les Saigneurs Ecarlates le spectre de leur mort imminente. L’épée, par ce simple rayonnement malsain, arrivait même à absorber les attaques magiques des lanceurs de sorts, les annihilant purement et simplement.

De leur côté, les adversaires des trois compagnons de Mograine n’étaient pas en meilleure posture. Le duel que Looping avait engagé avec le thane Korth’azz tournait clairement à sa défaveur, malgré tous les efforts du guerrier orc. La petite taille du nain était trompeuse : il avait la force d’un géant. Looping, alarmé et épuisé, commençait secrètement à se demander s’il n’allait pas devoir une nouvelle fois avoir recours aux Yeux… Mais il savait qu’il risquait, ce faisant, d’attirer sur le monde une menace bien plus mortelle que Kel’Thuzad et ses sbires réunis. Non… songeait-il. Il fallait tenir, coûte que coûte !

Il tourna un instant la tête vers Ivy. La jeune fille, bouleversée des terribles révélations qui s’abattaient l’une après l’autre sur ses frêles épaules, n’arrivait toujours pas à se résigner à combattre. Elle s’était accroupie pour tenter de relever Farfadet, tombé à ses pieds.
Reprends-toi, Ivy, songea-t-il, au bord du désespoir.
Cette épreuve n’est que le commencement de ce que tu devras endurer.

Comme si elle l’avait entendu, la jeune fille redressa la tête, et ses yeux bleus emplis de tristesse croisèrent ceux de l’orc. Celui-ci acquiesça lentement de la tête, avant de se ruer à nouveau sur Korth’azz avec un hurlement de rage.

Farfadet secoua la tête, encore étourdi. Voyant Ivy à ses côtés, il bondit cependant sur ses pieds, tandis qur Mograine considérait le couple d’un air amusé.
« Approche !!! tonna le Généralissime, repoussant d’un mouvement brutal de la main Kharneos qui avait pris le relais lorsque Farfadet était tombé. Ceci n’était qu’un échauffement. Il est temps de te réveiller ! Je veux voir le véritable potentiel de mon gendre !!! »

Oniri évita d’un bond la lame de Zeliek. Le même désespoir brillait toujours dans le regard spectral du paladin, mais il ne semblait pas faiblir pour autant. Les attaques et les provocations de la jeune fille paraissaient à peine l’affecter, et les plus puissants sortilèges des aventuriers ne semblaient pas capables de transpercer les sorts de protection du serviteur forcé de Kel’Thuzad.

Un nouveau rire, féminin cette fois, résonna de manière lugubre dans la salle. Dame Blaumeux avait fait le vide autour d’elle. Les malheureux qui s’étaient frottés à elle gisaient pour la grande majorité à terre, inconscients… voire pire.
Seuls Yashna et Sapristi tenaient encore debout, le guerrier soutenu par les soins de la prêtresse au bord de l’épuisement.
« Navrant, vraiment, s’exclama la cavalière en toisant Zeliek avec mépris. Si vous ne tentiez pas si inutilement de résister à la voix du Maître, vous en auriez déjà fini avec eux ! »
L’intéressé se redressa vivement, et dans un suprême effort, projeta vers Dame Blaumeux un marteau qui semblait composé formé d’une lumière aveuglante. La femme, amusée, leva sa main gauche, celle qui ne tenait pas l’épée qui lui servait à parer les attaques désespérées de Yashna, et attrapa en plein vol le projectile du paladin.
Lorsqu’elle serra le poing, le marteau de lumière se brisa et des particules de lumière s’envolèrent avec un bruit cristallin.
« Quand comprendrez-vous ? soupira-t-elle. Vous n’avez pas plus de chance de vous libérer…
Que ces pauvres fous d’échapper à la mort. »

Sans même un regard en arrière, elle s’accroupit subitement, plus souple qu’un chat, pour éviter Looping, une nouvelle fois violemment projeté en arrière par Korth’azz. Yashna, de son côté, ne disposait pas des mêmes réflexes et c’est malheureusement lui qui servit de terrain d’atterrissage à la fusée-Looping.
D’un prodigieux bond en arrière, Dame Blaumeux se mit hors de portée des derniers combattants encore debout et entreprit négligemment de se recoiffer, tandis que Korth’azz, avec un cri de guerre terrifiant, se ramassait sur lui-même avant de se ruer sur eux, brandissant sa masse qui se mit à nouveau à rougeoyer de ses flammes maléfiques.

Le nain allait abattre son marteau, lorsqu’une flèche le coupa dans son élan. Mû par de prodigieux réflexes, il réussit cependant à écarter suffisamment le visage pour ne pas recevoir la déflagration de plein fouet (car l’auteur du tir, Gorghotha, avait utilisé l’une de ses plus puissantes flèches explosives), mais le tir suffit néanmoins à le forcer à s’arrêter, sauvant sans doute du même coup les vies de Looping et de Yashna, qui n’avaient pas encore eu le temps de se redresser.
Korth’azz se tourna d’un bond vers le chasseur, le toisant de ses yeux morts.
« Tu vas me payer ça, crétin !!! » rugit-il.

Il se rua sur l’orc, qui n’avait pas encore eut le temps d’armer son prochain tir… Mais, alors que le thane n’était plus qu’à un mètre du chasseur, sa masse d’armes prête à lui fracasser le crâne, une nouvelle intervention vint briser l’élan du serviteur de Kel’Thuzad.
Ses pieds se nimbèrent soudain d’une épaisse glace scintillante.
« Quoi ??? » s’étrangla Korth’azz, tandis que la glace montait et s’épaississait à toute vitesse autour de son corps.
Il n’eut que le temps de tourner la tête pour voir Amongzedeath, secondé par Talnya, qui achevait son sort de Cercueil de Glace autour de leur adversaire. Les yeux du mage et de son apprentie luisaient d’une féroce concentration, devant la difficulté qu’ils avaient à maintenir le froid autour de Korth’azz.
Malgré les efforts du Thane pour s’extraire de cette gangue mortelle, il fut bientôt totalement immobilisé.
Looping se redressa, ébahi, avant de se tourner à nouveau vers Dame Blaumeux, qui avait observé la scène avec intérêt.
Fait inquiétant : même l’emprisonnement de son collègue ne l’avait pas fait s’arrêter de se recoiffer. Et Looping comprit rapidement pourquoi.

La glace qui entourait Korth’azz commençait déjà à se fissurer.

Avant que les mages aient pu faire le moindre geste, la glace explosa, libérant Korth’azz qui éclata d’un rire tonitruant.

Rire qui se figea d’un seul coup, lorsqu’il découvrit les pointes de trois flèches explosives à quelques centimètres de son visage, au bout d’un arc dont la corde était tellement tendue qu’elle aurait déjà dû rompre.
Gorghotha le regardait, une lueur de défi dans les yeux.
« Evite celles-là. » dit-il calmement, en lâchant la corde de son arc.

L’explosion qui s’ensuivit ridiculisa la précédente. Gorghotha fut projeté contre le mur arrière, et resta là, sans conscience.
Korth’azz, la tête pulvérisée par la déflagration, tomba lourdement à genoux. Son corps décapité tenta une nouvelle fois de se redresser… Puis il finit enfin par admettre qu’il était mort, et s’effondra à terre, agité de tremblements convulsifs, derniers soubresauts de cette âme noire qui venait d’être renvoyée en enfer.

Soudain, Dame Blaumeux cessa de se repeigner.
Dans son regard noir, l’incrédulité le disputait à la fureur.

[Sillithus]

Sheogorath contemplait la carcasse inerte du Prince élémentaire Thunderaan, reprenant péniblement son souffle.
Les vents de Sillithus soufflaient sans répit sur la contrée désertique, emportant avec eux le corps élémental qui s’effritait peu à peu. Bientôt, Lord Thunderaan aurait complètement disparu… Et contrairement à Ragnaros, il ne reviendrait jamais.
Sheogorath l’avait définitivement annihilé.

Certes, songea-t-il en contemplant sa main gauche carbonisée, le combat avait été terriblement éprouvant.
Au bout de quelques instants, ne voyant pas le phénomène de régénération auquel il s’était habitué se mettre en marche sur sa main blessée, il essaya de bouger les doigts. Impossible. Il grimaça, à la fois de douleur et de dépit.
Il allait mettre un moment à s’en remettre. Il avait dû déployer la majeure partie de son pouvoir pour empêcher le déchirement des dimensions provoqué par la venue en ce monde du Prince Elémentaire, et le monstre ne lui avait fait aucun cadeau lors de leur affrontement.
Il essuya sans y penser le filet de sang qui coulait de sa bouche.
Peu importait, pensa-t-il. Il avait risqué sa vie… Mais Lord Thunderaan n’était plus.

La seule chose qui restait de lui… Qui resterait dorénavant de lui…
C’était elle.

Le démoniste posa les yeux sur l’arme gigantesque que le monstre avait laissé échapper en même temps que son dernier soupir.
La Thunderfury.

« Que comptes-tu faire de cette arme ? » demanda une voix derrière lui.
Il se retourna, et leva un sourcil étonné en reconnaissant la femme translucide devant lui.
« Cela faisait longtemps, Mère. » répondit-il d’une voix neutre.

L’intéressée lui retourna un regard inquiet.
« Que comptes-tu faire de la Thunderfury ? » répéta-t-elle.
Un sourire froid se dessina sur le visage du démoniste.

« Que faire d’une arme aussi puissante ? demanda-t-il A votre avis, Mère ?
- Ne commets pas à nouveau les erreurs du passé, mon fils, répondit l’apparition en secouant la tête. Souviens-toi de ce que tes actes ont déjà déclenché sur Azeroth !!! »
Sheogorath haussa les épaules.
« Cette épée peut renverser le cours du destin, répliqua-t-il. Pourquoi nous en priver alors que l’Ashbringer Noire vient de ressurgir ?
- Tu ne me dis pas toute la vérité, mon fils. Comme toujours.
- Pour qui me prenez-vous ??? répondit-il, glacial. Ne me croyez-vous pas capable de vaincre, avec cette arme à mon poing ???
- Si, bien sûr, mon fils, répondit son interlocutrice d’une voix sombre. Mais comme le disait cet homme que tu as tué, tu n’es pas entier… Et par ta soif de pouvoir, tu te damneras une fois encore. Tu précipiteras à nouveau ce monde dans les tourments qui l’ont déjà déchiré autrefois par ta faute !!! »

Après un moment, le démoniste secoua la tête.
« Je suis déjà damné, et rien de ce que je ferai ne pourra changer cela. Je n’ai que trop payé pour mes actes !!! »
Il ajouta d’une vois sinistre :
« Et si je n’ai pas droit à la rédemption…
C’est peut-être que ce monde ne mérite plus d’exister. »

Après un long moment de silence, la femme répondit, d’une voix empreinte d’une dignité solennelle :
« Les héros que tu accompagnes tentent de tout faire pour nous prouver le contraire. Ne souhaites-tu pas qu’ils aient raison ??? »

Ce fut cette fois Sheogorath qui mit un moment à répondre.
« A votre aise, Mère, dit-il en haussant les épaules avec un sourire rusé. Après tout, j’ai d’autres cartes en réserve. »

La femme spectrale regarda son fils droit dans les yeux, tandis qu’elle devenait de plus en plus transparente jusqu’à disparaître complètement.
« Je le sais, mon fils. Je continuerai à te surveiller. »

Resté seul, le démoniste leva lentement les yeux vers le ciel.
« Faites donc, murmura-t-il, le même sourire froid aux lèvres.

Vous n’êtes pas la première qui a cru pouvoir m’arrêter. »

[Naxxramass, Salle de l’Assemblée des Quatre]

« Korth’azz… Vous n’êtes qu’un imbécile. » soupira Dame Blaumeux, avec un regard consterné pour le corps sans vie de son allié.
Elle lâcha son épée, qui tomba au sol avec un bruit métallique, se désintéressant complètement de son arme. Elle leva les mains, qui se mirent à scintiller d’une lueur noire et tourbillonnante.

Yashna et Looping se tenaient côte à côte, protégeant du rempart de leurs corps leurs compagnons de la menace de la Cavalière maléfique.
« Fuyez, héros ! Vite !!! lança Zeliek d’un ton désespéré, non sans cesser de combattre malgré lui Oniri et ses alliés. Vous avez provoqué la colère de Dame Blaumeux… Vous n’avez aucune idée de ce que vous venez de libérer !!!
- Parce que tu crois encore qu’ils ont une chance de m’échapper, Zeliek ? » ricana la sorcière en déployant ses doigts squelettiques aux ongles aiguisés.

Elle projeta subitement vers les héros un tourbillon d’énergies noires qui filèrent à toute vitesse tels de minces serpents d’énergie au travers de la salle. Transpercés par ces aiguilles mortelles, la plupart des Saigneurs Ecarlates s’effondrèrent à terre, frappés d’une atroce douleur.

De son côté, Farfadet n’en menait pas plus large face à Mograine.
« Vas-y !!! le raillait le Généralissime, évitant sans efforts les passes d’armes du guerrier et de Kharneos, qui s’était lui aussi relevé pour seconder son « frère » face à leur adversaire. Déchaîne ce fameux pouvoir qui est en toi !!!
- Ce… Quel pouvoir ? demanda Farfadet, hors d’haleine, mais se figeant malgré lui.
- Le Pouvoir des Dragons Rouges, celui qui intéresse tant notre Maître ! » répondit Mograine d’un ton moqueur.
Sans répondre, Farfadet se rua à nouveau sur son adversaire, qui le repoussa d’un violent coup de pied.
Farfadet, laissant échapper son épée, tomba à genoux, aussitôt couvert par Kharneos, dont le regard fantomatique brûlait cependant de la même résolution que celui de l’orc dont il était une grossière réplique.
Mograine toisa les deux guerriers d’un air méprisant.
« J’ai tué nombre de dragons, autrefois, dit-il, menaçant. Aujourd’hui, je vais à nouveau mériter ma réputation !!! »
Avec un coup d’œil sardonique pour sa fille aux ailes blanches, qui hésitait toujours à attaquer son père, il ajouta :
« Quelle ironie, tout de même, que la descendante d’un Tueur de Dragons se soit éprise d’un Héritier de leur race… »

Fichtres, le corps couvert de plaies sanglantes provoquées par les tirs noirs de Dame Blaumeux, tentait de se relever en grimaçant. Quelle puissance effroyable ! songeait-il. Mais bien plus que la sorcière, c’était le Généralissime qui inquiétait le plus le vieux chaman. Cette arme épouvantable qu’était l’Ashbringer…
Maintenant que Sheogorath s’était enfui, aucun d’entre eux ne pourrait rivaliser avec une arme aussi terrifiante et son porteur, en harmonie totale avec sa lame maudite.
Aucun…

Sauf Ivy.
La Tourmentée.
Le vieux chaman croyait enfin avoir compris les dernières paroles de Celestian. Il pensait avoir compris de qui elle parlait.
Cette scission de la démoniste en deux personnalités distinctes… Cela reflétait si bien le nom que la défunte chamane avait donné à Ivy ! La jeune femme était partagée entre le Bien et le Mal… Et si la personnalité noire d’Ivy, cette Solaris aux yeux de sang et aux ailes de chauve-souris, apparaissait comme leur plus mortelle adversaire, le tauren était à présent convaincu que l’Ivy aux yeux bleus, celle qui s’était tenue résolument à leurs côtés après avoir été vomie par l’Ivy noire… Cette Ivy angélique qui n’avait jamais cessé d’aimer Farfadet, et qui versait de nouvelles larmes à chaque découverte des atrocités commises par sa jumelle maléfique…
Cette Ivy-là était la clé de leur victoire. Elle seule pouvait affronter et vaincre son père.
Fichtres n’avait pas oublié l’Ivy aux yeux d’argent qui les avait libérés de la menace mortelle de Nefarian.

« Ivy… murmura-t-il péniblement. Tu dois l’affronter… »
Ivy tourna la tête vers lui. Ses yeux bleus pleins de larmes et d’incertitude croisèrent le regard épuisé du vieux chaman.
« Je… Je ne peux pas… C’est… C’est mon père…
- Peut-être, répondit Fichtres d’une voix haletante. Mais quoi qu’il en soit, crois-tu qu’un monstre comme lui puisse vivre ? Que crois-tu qu’il se passera, lorsqu’il nous aura vaincus ? Le héros qu’a été ton père est mort, et ne reste aujourd’hui de lui qu’une carcasse sans âme au service du Fléau. Veux-tu réellement laisser cet homme détruire le monde ???
- Mais…
- Une part de toi souhaite la victoire des forces du Mal, Ivy. Cette Solaris... Ta jumelle. Elle s’est rangée du côté des Ténèbres, et sert à présent Kel’Thuzad. Tu n’es pas comme elle, Ivy. Reprends-toi !!! Il est temps de combattre la noirceur qui habite ton âme et celle de ton père ! Tu dois le libérer de l’emprise du Fléau !!! »
Ivy tourna à nouveau les yeux vers Mograine, qui se jouait toujours des deux guerriers, parant leurs attaques avec la plus grande facilité. Les larmes brillaient toujours dans son regard… Mais une énergie nouvelle se mit soudain à pulser autour d’elle.

Misswar était l’une des rares démonistes toujours valide. Elle avait dans un premier temps attaqué Zeliek, avant de se rendre compte que même les sortilèges les plus noirs que lui avait appris son ex-Maîtresse ne parvenaient pas à percer l’aura de sainteté qui émanait de l’infortuné paladin.
En désespoir de cause, elle s’était donc rabattue sur Dame Blaumeux, mais avait elle aussi eu le corps percé par les aiguilles noires projetées par la sorcière.
Moins sensible à la douleur que ses compagnons, de par la nature artificielle de la réanimation de son corps, elle s’était redressée rapidement pour prêter main-forte aux rares combattants encore debout après cette terrible rafale maléfique.
Elle avait rapidement concentré ses dernières forces pour créer une boule d’énergie noire, qu’elle projeta en direction de Dame Blaumeux. Celle-ci, surprise de voir quelqu’un se redresser si vite après son assaut, ne fut pas assez rapide pour éviter le projectile, et tendit la main pour la bloquer. Le choc fut violent et projeta un souffle chaud et malsain dans toute la salle, mais la Cavalière réussit à immobiliser la boule d’énergie, avant de la renvoyer directement à celle qui l’avait lancée.
Misswar, à son tour, se mit en position pour bloquer l’attaque… Mais Dame Blaumeux projeta à son tour un trait mortel au travers même du projectile, le faisant exploser et projetant toute l’assistance à terre. Le trait poursuivit cependant sa course et transperça également Misswar tel une balle. La démoniste réanimée s’effondra à son tour, terrassée par la violence de l’attaque.

Le tir désespéré de Misswar n’avait cependant pas été inutile. Yashna avait profité de ce court répit pour se ruer sur Dame Blaumeux, et, avec un hurlement terrifiant, transperça la morte-vivante de son épée. Celle-ci se figea, stupéfaite, tandis qu’un sang noir jaillissait de sa poitrine. Malgré sa terrible blessure, elle agrippa la gorge du tauren, serrant celle-ci avec une telle force que ses ongles effilés crevèrent la peau du guerrier, faisant là aussi gicler le sang.
Un sourire malveillant sur le visage de la sorcière, malgré la plaie béante de son torse.
« Tou… Touché. » murmura-t-elle, les dents serrées. Un mince filet de sang glissa du coin de sa lèvre.

D’un geste brusque, elle projeta Yashna sur le côté. Le guerrier, à moitié asphyxié, s’écrasa sur la paroi de pierres de la salle, sans pouvoir se relever. Malgré cela, un étrange sourire flotta un instant sur son visage, avant qu’il ne se crispe à nouveau de douleur.
Car l’attaque du tauren avait masqué à son ennemie les véritables intentions du guerrier. Hors de la vue de la Cavalière, masquée par le corps massif de Yashna, Sapristi avait rapidement canalisé entre ses mains une énergie blanche d’une clarté aveuglante. A l’instant même où la prêtresse apparut à la vue de Dame Blaumeux, celle-ci sentit une énergie proprement colossale se déployer autour de la trollesse. Elle écarquilla les yeux.
« Qu’est-ce que… » commença-t-elle. Elle voulut s’enfuir, mais la blessure infligée par Yashna quelques secondes auparavant l’empêcha de se mouvoir aussi rapidement qu’elle l’aurait souhaité.
« Repends-toi, dit Sapristi d’une voix calme. Ton temps sur cette terre touche à sa fin !
- Non !!! hurla son adversaire en lançant à nouveau une salve de traits noirs sur Sapristi.
- Pénitence. » murmura la prêtresse.
Une salve de lumière, parfaite réplique inversée de l’attaque de Dame Blaumeux, jaillit des paumes de Sapristi pour filer à la rencontre des projectiles maléfiques de la morte-vivante. L’attaque lumineuse de la prêtresse noya les traits noirs dans sa blancheur, et transperça de mille pointes le corps de la Cavalière, qui s’effondra au sol comme une masse, les yeux emplis d’incrédulité.

Non !!!

Ivy-Solaris, blême de rage, toujours juchée sur l’estrade supérieure de la salle, contemplait les Saigneurs Ecarlates, en contrebas, qui venaient d’abattre Dame Blaumeux sans se douter de la présence de la démoniste aux ailes noires.
Comment pouvaient-ils ???

Certes, elle les savait puissants… Mais elle ne pensait tout de même pas que deux des Quatre pourraient ainsi tomber sous leurs coups, vu leur état d’épuisement !
Elle se reprit. La rage lui faisait perdre sa concentration, et le Sire Zeliek continuait à tenter de résister à ses ordres.
Elle devait se reprendre.
Elle devait…

Soudain, une douleur intense lui vrilla la tête, au point qu’un mince filet de sang commença à couler de sa bouche. Elle retint un hurlement.
Que se passait-il ???
Elle éprouva soudain une grande sensation de froid, et se retrouva sans savoir comment plongée dans l’obscurité.

Qu’est-ce que…
Subitement, l’obscurité se dissipa, et Ivy-Solaris se retrouva dans une pièce qu’elle connaissait bien.
La Salle du Trône d’Undercity. Ce ne pouvait être qu’une illusion, mais…
Et soudain, elle comprit.

« Ne vous mêlez pas de ça !!! » s’écria-t-elle, ses yeux rouges flamboyant dans la lueur lugubre qui régnait toujours dans cette pièce.
Une silhouette sortit de la pénombre. Lorsqu’elle releva la tête, ses yeux d’argent croisèrent le regard sanglant de la démoniste.
« Arrête, Solaris, dit doucement Sylvanas Windrunner d’une voix calme et triste. Il est encore temps. »
Tout d’abord, Ivy-Solaris, estomaquée, garda le silence. Puis, elle éclata d’un rire diabolique.
« Impressionnant, répondit-elle. Vous êtes prisonnière du Maître… Et pourtant, vous arrivez à vous projeter mentalement jusqu’ici. »
La Dame Noire ne répondit pas, se contenant de fixer son ancienne servante de ses yeux au reflets si étranges. Celle-ci fit battre ses ailes de chauve-souris, comme pour défier son ancienne Maîtresse.
« Mais vos tours de passe-passe sont inutiles, gronda-t-elle. Vous ne faites que gagner quelques misérables secondes de répit pour les Saigneurs Ecarlates !!! Dès que je me serai libérée de votre illusion, Zeliek et Père ne feront qu’une bouchée d’eux ! »
A nouveau, la Reine des Réprouvés garda le silence. Pourtant, un léger sourire flotta un instant sur son visage délicat.
« Que… commença Ivy-Solaris, agacée.
- Tu as énormément progressé, Solaris, répondit doucement Sylvanas Windrunner. Tu as su me réduire à l’impuissance à Undercity…
Mais si vous croyez que je m’avoue vaincue pour autant, vous vous trompez lourdement, Kel’Thuzad et toi !!! »

Les yeux de la Dame Noire se mirent soudain à flamboyer de leur lueur argentée, tandis que l’illusion se dissipait d’un coup. Une nouvelle douleur atroce vrilla la tête d’Ivy-Solaris, qui s’effondra à genoux sur la corniche de la Salle de l’Assemblée des Quatre.
Sous le coup de la surprise et de la souffrance, elle sentit le lien qui la reliait à Zeliek qui faiblissait… Jusqu’à se briser totalement, malgré tous ses efforts pour le conserver tandis que le sang coulait à nouveau de sa bouche.

NON !!! hurla-t-elle mentalement, impuissante.

Plus bas, elle entendit le cri de victoire du paladin.
« Enfin… s’écria-t-il d’une voix emplie de soulagement. Je suis libre !!! »

Les Saigneurs Ecarlates qui affrontaient jusque-là le Sire Zeliek se figèrent un instant, interdits, devant le cri de victoire étrange de leur adversaire.
Oniri, la première, sentit l’afflux d’énergie qui rayonnait autour du paladin. D’un cri, elle arrêta ses compagnons qui levaient à nouveau leurs armes sur lui. Quelque chose avait changé en lui… La Lumière était devenue bien plus forte que les ombres qui obscurcissaient jusque-là son esprit.
Zeliek lui lança un regard empli de gratitude… Avant de se ruer sur Mograine, qui continuait à affronter Farfadet et Kharneos sans la moindre difficulté. Le Généralissime, surpris, n’eut pas le temps de réagir lorsque le paladin, arrivé dans son dos, l’entoura de ses bras et le serra de toutes ses forces. Il lâcha l’Ashbringer, qui se planta profondément dans le sol en vibrant.
« Qu’est-ce que… commença Mograine en se débattant.
- Alexandros Mograine ! tonna Zeliek derrière lui. Je ne peux supporter de voir un héros tel que toi au service des forces du Mal… Je vais te libérer, ami !!!
- Qu’est-ce que cela signifie ??? s’écria Mograine. Solaris !!! appela-t-il. Tu l’as relâché ??? »
Il paraissait ne pas prêter attention aux paroles de Zeliek. Toujours prisonnier de la poigne du paladin, le Généralissime semblait cependant concentré sur tout autre chose que le piège qui s’était refermé sur lui. Il regardait vers les hauteurs de la pièce.
En suivant son regard, Farfadet découvrit l’existence d’un balcon supérieur qui faisait visiblement le tour de la salle, comme une sorte de chemin de ronde. Et sur cette estrade, tentant péniblement de se redresser…
L’Ivy aux ailes noires, qui les toisait, ses yeux rouges emplis de haine et de rage.

« Je suis désolée, Père ! s’écria Ivy-Solaris, ignorant elle aussi les Saigneurs Ecarlates et Zeliek.
Sylvanas… Elle a brisé le lien !!! »
Les Saigneurs Ecarlates, surpris de croiser à nouveau la jumelle maléfique d’Ivy, l’étaient cependant encore plus par le nom qu’elle venait de prononcer.
« Sylvanas… répéta Fichtres.
- Elle est vivante ? demanda Elerin. Est-ce possible ??? »
Amongzedeath, en entendant prononcer le nom de la Dame Noire, avait immédiatement tourné la tête vers Ouch, et l’avait observé quelques instants. Celui-ci le toisait d’un regard froid, malgré les blessures graves qui parsemaient son corps.
« Tu aurais dû nous le dire. » dit le mage d’une voix glacée, chargée de reproches.
Le Faucheur haussa les épaules avec un sourire méprisant.
« Je n’en étais pas sûr, rétorqua-t-il. Et cela n’aurait rien changé. »

Mograine n’avait visiblement que faire de la stupéfaction des Saigneurs Ecarlates à l’annonce de la survie de la Reine des Réprouvés.
Ni (et c’était sans doute là le plus inquiétant) du fait que Zeliek le maintenait toujours prisonnier.
« Ecartez-vous, héros !!! s’écria Zeliek. Je n’ai plus qu’une seule solution… Je vais libérer le mot du Dernier Jugement, pour nous libérer tous les deux de l’emprise du Fléau ! C’est le moins que je puisse faire pour racheter nos âmes !!! »
A peine avait-il prononcé ces paroles qu’il commença à se nimber d’une aura dorée, tandis qu’une énergie colossale commençait à tourbillonner autour de lui.
D’un cri, Arràgon enjoignit aux Saigneurs Ecarlates de se mettre à couvert derrière Oniri et lui. La jeune fille, inquiète, demanda à son compagnon :
« Qu’est-ce que tu veux faire ???
- Invoque le Sanctuaire !!! tonna Arràgon pour couvrir le tumulte de l’énergie qui continuait de s’accumuler autour de leur ancien adversaire. La Lumière nous protègera !!! »
De son côté, après s’être vainement débattu pour échapper à l’emprise de son ancien allié, Mograine parut soudain se résigner. Subitement immobile, ignorant complètement la menace de Zeliek et de l’énergie qui s’amassait autour d’eux deux, il leva les yeux vers sa fille démoniaque et dit d’une voix très calme :
« Tu ferais mieux de suivre son conseil, ma fille. »

Une lumière blanche emplit soudain la pièce, jaillissant du corps de Zeliek, projetant en tous sens un souffle brûlant de feu sacré. En une seconde, l’explosion noya les silhouettes des deux chevaliers dans ses flammes d’or. Les héros, hâtivement regroupés derrière Oniri et Arràgon, furent cependant épargnés par la déflagration, protégés par une bulle de lumière invoquée par les deux paladins.
Avant que la scène ne disparaisse totalement dans cette lumière sainte d’une intensité insoutenable, ils eurent cependant encore le temps de voir Ivy-Solaris disparaître dans un éclair vert, échappant d’extrême justesse à la colossale explosion libérée par le valeureux Zeliek, non sans leur lancer un nouveau regard haineux de ses yeux de sang.

Lorsque la blancheur se dissipa enfin et qu’ils purent à nouveau ouvrir les yeux sans risquer de brûler leurs pupilles, les héros constatèrent que Zeliek et Mograine avaient disparu, totalement vaporisés par l’explosion sainte libérée par le paladin. Même l’Ashbringer avait disparu.
« Le Dernier Jugement… Le Mot de Pouvoir ultime… murmura Oniri, impressionnée. Je n’aurais jamais cru ça possible.
- Seuls les cœurs les plus purs peuvent déchaîner de telles puissances sacrées, dit sentencieusement Arràgon. Zeliek devait être un grand homme. »

Après un instant de recueillement à la mémoire du héros tombé pour les sauver, les Saigneurs Ecarlates se détournèrent de la scène pour se tourner vers la porte qui leur avait permis de pénétrer dans la salle de l’Assemblée des Quatre.

Seule Ivy n’avait pas bougé, continuant à fixer la scène de la bataille, immobile. Farfadet, intrigué, se retourna vers elle. Il comprenait sa douleur. Elle venait de découvrir le terrible secret de sa naissance… et de perdre à jamais toute chance de revoir son père quelques instants seulement après avoir appris son existence. Il voulut lui murmurer quelques mots de réconfort, sachant pertinemment que rien de ce que qu’il dirait ne pourrait atténuer la peine de la jeune femme, mais…

Un instant.
Ce n’était pas de la tristesse qu’il lisait dans les yeux bleus de la démoniste aux ailes de cygne.
C’était de l’horreur.

Suivant son regard, Farfadet leva à son tour la tête vers l’arche où ils avaient aperçu Ivy-Solaris quelques minutes plus tôt.

Debout sur la rambarde de pierres du balcon, l’Ashbringer en main, Alexandros Mograine les observait tranquillement.
« Tu as raison : Zeliek était effectivement un grand homme, dit-il gravement, avec cependant un léger sourire. Mais même lui n’a jamais compris à quel point je lui étais supérieur. Désolé de ce petit contretemps, mes amis.

Nous allons pouvoir reprendre là où nous en étions restés. » ajouta-t-il en sautant de l’estrade pour atterrir en souplesse devant Farfadet et Ivy, projetant sur le couple l’ombre menaçante de l’Ashbringer Noire.

Sans attendre, Farfadet se rua à nouveau sur Mograine, lame en avant, prêt à tout pour empêcher l’homme de s’en prendre à la démoniste aux ailes de cygne.
Sans même avoir l’air de s’intéresser à lui, le dernier Cavalier de la Mort leva la main gauche et projeta sur l’orc une boule d’énergie scintillante qui le repoussa violemment plusieurs mètres en arrière, laissant Ivy sans protection. Kharneos, de son côté, toujours à terre suite à la dernière estocade de leur adversaire, ne pouvait rien lui non plus, et les autres aventuriers étaient trop loin de l’ennemi pour pouvoir tenter quoi que ce soit.

Cette fois-ci, Ivy était seule face à son père.

Mograine, sûr de son triomphe, toisa la moitié blanche de sa fille avec intensité, tandis que l’Ashbringer Noire projetait son ombre menaçante sur elle.
Ivy fixait elle aussi son père, l’air sombre et résolu. Ses ailes blanches étaient repliées dans son dos, et elle semblait presque attendre la mort.
« Ainsi, vous avez réellement décidé de tuer votre fille. » constata-t-elle tristement.
Le paladin déchu se figea un instant, puis secoua la tête.
« Tu ne comprends donc toujours rien, dit-il avec regrets. Ma fille est bien vivante ! Tu n’es qu’une part d’elle, insignifiante, faible, pathétique ! Pour que Solaris, ma fille, accomplisse son destin, c’est toi, et toi seule, qui dois disparaître !!!
- Solaris non plus n’existe pas, Père, rétorqua Ivy d’une voix ferme. Pas plus que moi. Nous ne sommes que les deux faces d’une même pièce. C’est vous qui ne comprenez pas ! Vous avez perdu le droit d’être mon père lorsque vous avez basculé au service du Fléau !!!
- De quel droit… commença Mograine, stupéfait de l’aplomb de sa fille.
- Ma mère, au moins, a semble-t-il conservé jusqu’au bout sa détermination à protéger les siens, continua Ivy en relevant la tête, ses yeux bleus scintillant de fureur dans la pénombre. Vous… Vous avez renié tous les principes que vous défendiez autrefois !!! Mes parents adoptifs, ceux qui m’ont élevée, ont fait de moi la magicienne qui a péri en tentant de s’opposer aux forces de votre Maître. Elle s’appelait Ivy Isabella Valentine, et n’a jamais porté le nom de Solaris Mograine !!! »
Elle avança d’un pas. Inexplicablement, ce fut son père qui recula, décontenancé.
« Vous aurez beau me tuer, cela ne changera rien, tonna-t-elle, implacable, en déployant ses ailes blanches. Solaris ne sera jamais libérée de moi… Comme je ne serai jamais libérée d’elle !!!
- Que…balbutia le Généralissime, levant l’Ashbringer, presque comme un bouclier.
- Ivy Isabella Valentine ne reposera jamais en paix, reprit-elle, tandis que des larmes mouillaient à nouveau ses yeux bleus toujours brillants de colère. Mais je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir…
Pour vous permettre, à vous, de quitter enfin ce monde et cette existence corrompue qui est la vôtre !!! »

Les yeux d’Ivy se mirent soudain à flamboyer. En un éclair, elle décocha à bout portant un trait d’ombre à son adversaire, le noyant totalement dans une véritable déflagration noire de fumées et de poussières. Misswar, éberluée, contemplait avec stupéfaction l’autre moitié de son ancienne Maîtresse. Elle avait pourtant toujours cru que seule Solaris avait bénéficié du décuplement de pouvoirs du Nécromancien… Mais il s’avérait en cet instant qu’Ivy, elle aussi, semblait capable de manier d’impressionnants pouvoirs.
D’un seul coup, la morte-vivante se surprit à penser que Solaris sous-estimait sans doute gravement les ressources de sa sœur jumelle.

Lorsque le nuage se dissipa, Ivy se figea, stupéfaite.
Mograine, protégé par l’Ashbringer qui avait dévié le tir, n’avait pas la moindre égratignure.
« Tes efforts sont louables, dit-il d’une voix faussement navrée. Mais ni toi ni tes amis n’êtes en mesure de m’arrêter. »
Il brandit à nouveau l’arme déchue, avec l’intention très nette de décapiter la démoniste.
« Tu t’obstines pour rien, ma fille, reprit-il. Je ne peux plus être sauvé ! Finissons-en, maintenant. Tout ceci n’a que trop duré. ».
L’Ashbringer décrivit une boucle mortelle en direction de la tête d’Ivy.
Celle-ci regarda filer la lame vers elle, sans bouger. Elle ferma les yeux, tandis qu’une dernière larme coulait sur sa joue.

Les Saigneurs Ecarlates voulurent crier…
Mais le choc de deux lames s’entrechoquant violemment les prit tous par surprise.

Sheogorath, revenu de nulle part en brandissant une étrange épée translucide crépitante d’énergie de sa main métallique, s’était tout à coup interposé entre Ivy et son père et venait de bloquer l’attaque du Généralissime.
De larges étincelles blanches et jaunes jaillirent du tranchant acéré des deux armes, et un sourd grondement se fit entendre, comme si le tonnerre était tombé dans la pièce.
Mograine écarquilla les yeux de surprise… et de colère.

« Pas si vite, Général. » dit calmement le démoniste, en fixant Mograine avec un sourire amusé.

[A SUIVRE…]

La suite ! c'est bieeeennnnn ! Quel serrar, thunderfury, ashbringer, quel combat de légendes !

Toujours aussi plaisant Smile

Top, comme d'hab !!!!

study

c long mais Bon au faite preum s

Invité

Ouais ! Ouais ! Ouais !

La suiiiteuuuuh =)

mm soeur frère fille , ça sent le "Gala " ou "paris match", mourf, a quand des révélation sur qui est le frère de Loop ou sa soeur?, qui couche avec qui?, qui fait quoi comme régime?, ou parte t'il en vacance?! tongue

mais non je rigole geek

... quoi que Twisted Evil

comme toujours c'est un plaisir a lire et découvrir tout ça, merci Ivy I love you

Pas si mauvais que cela pour finir tongue

Rien a redire
C'est du Yvi quoi , elle est trop forte.

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