Chroniques écarlates (11)

Sapristi, revenue de sa surprise, restait perplexe. Le sourire d’Ivy avait quelque chose de dérangeant.
Même pour une morte-vivante.
« Je me souviens, murmura soudain Amongzedeath à ses côtés, d’une voix où se mêlaient horreur et stupéfaction. Non…

Par tous les dieux…

Celle qui a tué Dame Windrunner…
C’est…

C’est elle !!! »

La prêtresse tourna lentement la tête vers le mage, tentant de comprendre le sens de ses paroles. Et soudain, la lueur glacée de la compréhension illumina son esprit, et un irrépressible frisson d’angoisse la parcourut.
Ses yeux s’écarquillèrent tandis qu’elle hurlait d’une voix stridente :

« NE VOUS APPROCHEZ PAS D’ELLE !!! »

Les Saigneurs Ecarlates étaient stupéfaits. L’attaque d’Ivy avait été si rapide qu’ils essayaient encore de comprendre ce qui se passait.
« Tu es lente, Sapristi, dit doucement Ivy, le bras dégoulinant du sang du troll. Si tu avais été plus rapide, Skandasan serait certainement encore vivant… Mais que peut-on attendre d’autre d’une mortelle ? » ajouta-t-elle négligemment en léchant ses doigts ensanglantés, avec un plaisir non dissimulé.
Spectacle qui souleva le cœur de nos compagnons.
- Par tous les dieux, Ivy… Qu’as-tu fait ? » s’exclama Osiatus d’une voix blanche.

Ce fut Amongzedeath qui parla, dispensant la démoniste d’une explication.
« Ivy… Tu es revenue de son côté, n’est-ce pas ? » lui lança-t-il.
Ivy se contenta d’acquiescer, un sourire moqueur aux lèvres. Ses yeux rouges fixaient ses anciens compagnons avec intensité.
« Tu veux dire que… Non, ce n’est pas vrai ! Pas elle aussi !!! gémit Elerin.
- Je ne te croyais pas capable de descendre aussi bas, dit Fichtres avec dégoût à celle qui avait sacrifié sa vie pour eux.
- Je me souviens… s’écria soudain Yuggoth, les yeux écarquillés. C’est elle qui commandait Wodo… Et c’est elle qui… » s’interrompit-il soudain, refusant de croire ce qu’il venait de se rappeler.
A ses côtés, ses compagnons morts-vivants étaient frappés de la même stupeur horrifiée.

« Ivy a été ramenée à la vie par Kel’Thuzad, pour servir la cause du Fléau, compléta Amongzedeath d’une voix sourde.
Et…

C’est elle qui a tué Dame Sylvanas. ».

Le silence qui suivit cette effroyable révélation permit à chacun de mesurer la portée du pouvoir du Maître de Naxxramass et de sa nouvelle et terrible servante.
La démoniste attendait sans bouger, continuant à les fixer de ses yeux de sang, son sourire malsain toujours au coin des lèvres. A ses pieds, le corps inerte de Skandasan était une horrible confirmation des paroles d’Amongzedeath.

« Ivy… Comment as-tu pu passer au service de Kel’Thuzad ? demanda Elerin, consternée.
- Qu'est-ce qui vous fait croire que j'ai eu le choix ? demanda Ivy, toujours souriante, sans que la lueur moqueuse ne cesse de briller dans ses yeux aux reflets démoniaques.
- Nous avons toujours le choix, répondit brusquement Sheogorath d'une voix sombre. C’est même moi qui te l’ai appris... il n’y a pas si longtemps. » ajouta-t-il avant de retomber dans son mutisme.

Ivy éclata d'un rire dément, qui glaça le cœur de ses anciens compagnons (les vivants, du moins). La femme qui leur faisait face n'avait plus rien à voir avec la vaillante démoniste qui avait si longtemps combattu à leurs côtés.
« C'est exact, répondit-elle. J’ai eu le choix. Et quel choix ! Etre seule dans le noir, sans souvenirs, sans sensations, dans le néant, oubliée de tous… Ou revenir… Revenir et continuer à exister, dit-elle avec haine.

Son Altesse Kel’Thuzad m’a rendu la vie, reprit-elle après un instant de silence.
Il m’a dotée d’une puissance bien plus grande que ce que Sylvanas elle-même ne peut concevoir. En comparaison, mon cher, lança-t-elle à Sheogorath qui ne lui répondit que d’un haussement de sourcils dédaigneux, tes pouvoirs ne sont rien !!! Grâce à mon Maître, continua-t-elle, la domination du Fléau sera totale d’ici peu, et nous règnerons sur ce monde !

J’ai autrefois perdu la vie de manière stupide, parce que je n’étais pas assez puissante, continua-telle d’une voix basse et sifflante, les yeux plissés. J’avais là une occasion unique de rattraper mon erreur…
Qu’auriez-vous fait à ma place ? » demanda-t-elle d’un ton curieusement doux.

Un silence de mort accueillit cette étrange question.
Mais, de manière tout à fait inattendue, c’est Sheogorath qui le brisa de sa voix glacée.
« Certainement la même chose que toi, Ivy, répondit-il le plus sérieusement du monde. Mais en empruntant cette voie, tu es devenue notre ennemie. Mon ennemie. Et tu dois donc disparaître.

- Je n’en attendais pas moins de mes anciens confrères, conclut Ivy en fermant un instant les yeux. Sylvanas, elle aussi, a voulu se dresser sur mon chemin, et elle l’a payé très cher. Malheureusement pour vous, votre attachement à elle et à la Horde sera votre perte. Vous allez comprendre à quel point il est vain de s’opposer à moi !!! »
Sans quitter son sourire mauvais et supérieur, la jeune femme claqua des doigts.

Et nos compagnons virent avec horreur les quatre familiers d’Ivy, ceux qu’elle avait l’habitude d’invoquer à son aide du temps où elle faisait encore partie des Saigneurs Ecarlates, se matérialiser soudain à ses côtés. Comme leur maîtresse, ils semblaient habités par une terrible volonté de destruction.
Pagtik, le diablotin facétieux et bavard qui ne pouvait s’empêcher d’abreuver de ses réflexions insolentes sa maîtresse dès que celle-ci l’envoyait au combat, avait laissé la place à une caricature goguenarde, corrompue et malfaisante.
Thokthak, le marcheur du vide, fidèle gardien protecteur muet de la démoniste, ce colosse qui avait si souvent lutté en plein cœur de la mêlée aux côté des guerriers des Saigneurs Ecarlates, était devenu une imposante brute qui dégageait une impression de force et de sauvagerie hors du commun.
Dowmena, la séduisante succube qui s’était liée à Ivy et qui troublait si souvent le cœur de la plupart des mâles, affichait à présent le même air vicieux et sadique que sa maîtresse, plus mortellement belle et dangereuse que jamais.
Khiidom, l’effrayant cavalier corrompu qu’Ivy avait affronté et fini par apprivoiser dans la Balafre Impure des Terres Foudroyées, paraissait encore plus monstrueux et féroce qu’il ne l’était auparavant. Habitué à se nourrir de la magie que lui offrait sa maîtresse, il n’en avait l’air que plus affamé, et fixait déjà les mages de son étrange regard jaune, avec une avidité dérangeante.

Sheogorath leva à nouveau un sourcil étonné, sans pour autant décroiser les bras. Contrairement à ses compagnons, il ne semblait pas disposé à se battre pour l’instant.
« Tous en même temps ? murmura-t-il. Impressionnant… »

Ivy, sans relever la remarque, claqua une nouvelle fois des doigts. Ses familiers démoniaques se jetèrent sur les Saigneurs Ecarlates.

Un terrible combat fratricide allait commencer.

Rapidement, les Saigneurs Ecarlates firent une désagréable découverte.
Toutes les attaques portées par les héros à l’encontre des quatre démons semblaient les traverser de part en part sans les affecter, qu’il s’agisse de coups ou de sortilèges.

Malheureusement, l’inverse n’était pas vrai.

Thokthak semait la panique parmi les combattants de ses puissants bras qui fouettaient l’air tels deux gigantesques piliers de pierre, et Khiidom semblait littéralement vampiriser énergies magiques et vitales des lanceurs de sorts autour de lui. Quant à Dowmena, elle paraissait avoir hypnotisé plusieurs des héros, qui, incapables de détacher leurs yeux de son envoûtant regard, n’arrivaient ni à bouger ni à se libérer de son emprise démoniaque. De son côté, Pagtik s’était élevé dans les airs et bombardait les héros de ses traits de feu ravageurs.

La panique commençait à gagner les héros encore valides qui n’arrivaient pas à trouver une solution pour combattre les serviteurs de leur ancienne alliée.
« Impossible de les toucher ! » cria Looping dans le tumulte, évitant de peu le poing ravageur du marcheur du vide.
Il tourna son regard vers Sheogorath, qui restait immobile, se contentant de fixer sa vieille rivale avec intensité.
Puis, lentement, sans pour autant quitter Ivy des yeux, comme s’il se désintéressait de tout le reste, le démoniste leva sa main artificielle et désigna le ciel. Ou plutôt, songea Looping en suivant la direction que montrait la main d’adamantite, le diablotin qui voletait au-dessus d’eux telle une malfaisante chauve-souris.
« Mais bien sûr ! » entendit-il marmonner à côté de lui. Il se retourna.
Morteville se tenait à ses côtés, et fixait lui aussi Pagtik. Une lueur vivace brillait dans ses yeux.
« La phase ! marmonna-t-il sans que Looping ne comprenne ce que cela signifiait. C’est lui qui provoque cela !! C’est le diablotin qu’il faut neutraliser en premier !!!
- Qu’est-ce que tu racontes ??? demanda Looping en bloquant de justesse de son bouclier un projectile enflammé expédié par la créature en direction de Morteville.
- Ce maudit démon a le pouvoir d’envoyer ses alliés dans une dimension parallèle, d’où il nous est impossible de les atteindre… S’il tombe, les autres seront vulnérables !
- Et comment songes-tu éliminer un adversaire que tu ne peux toucher ? demanda Looping, alarmé.
- Je m’en occupe, répondit le démoniste. Couvre-moi pendant que j’incante. Et ensuite… Ecartez-vous tous.

Cela risque d’être dangereux. » conclut l’orc avec inquiétude.



« Combattre le feu par le feu. »

Les paroles de Gan’Rul résonnaient depuis toujours dans le cœur de Morteville. Il en avait fait sa propre devise.
Morteville n’avait jamais rencontré Ivy. Elle avait péri plusieurs mois avant qu’il ne revienne à Orgrimmar et ne rejoigne le groupuscule démoniste des Saigneurs Ecarlates.
Maintenant, il commençait à comprendre pourquoi ses compagnons parlaient encore maintenant de la puissance prodigieuse dont elle avait fait preuve au Pic Blackrock.

Mais il était maintenant évident qu’elle aussi avait rejoint les rangs du Fléau, relevée à nouveau de la mort par le terrible Kel’Thuzad. Et la jeune femme semblait avoir également une maîtrise des démons hors du commun.

Mais elle n’était pas la seule à maîtriser les démons, songea-t-il.
Il savait que rappeler à lui l’Affameur serait loin d’être une partie de plaisir…

Mais seul un démon tel que lui pourrait vaincre la forme corrompue des serviteurs démoniaques qu’Ivy venait d’invoquer, songea-t-il en effleurant discrètement la cicatrice gangrenée de son bras droit.

Morteville ressentit subitement la violente douleur qui accompagnait toujours l’entrée dans ce plan du terrible démon avec lequel il avait signé ce pacte de sang si particulier.
Tout en conservant le plus grand secret autour de ses activités (Thrall, Gan’Rul et a fortiori Neeru Fireblade étaient les trois seules personnes au courant du fait que Morteville avait asservi Taragaman), il s’était longuement entraîné à contrôler ce monstre, au grand déplaisir de celui-ci, mais tous ses efforts ne lui avaient pas permis de le garder sous son emprise plus de quelques minutes. Il était ensuite contraint de renvoyer le gangregarde dans sa prison dimensionnelle pour une longue période, sous peine de le voir échapper à son contrôle.
Il allait donc devoir faire très vite pour se débarrasser des serviteurs diaboliques d’Ivy.

Taragaman l’Affameur se matérialisa à côté du démoniste, et jeta à l’assemblée des Saigneurs Ecarlates un coup d’œil empli de haine et de rage.
Les héros regardèrent avec stupéfaction la terrible créature qui venait d’apparaître parmi eux.
« Qu’est-ce que c’est que ça ??? s’écria Elerin avec des yeux écarquillés.
- Un gangregarde… C’est incroyable… » murmura Yuggoth.

Même la terrible démoniste qui servait maintenant le Fléau parut un instant décontenancée par l’apparition, avant qu’un sourire amusé ne fleurisse à nouveau sur ses lèvres.
D’un geste muet, se désintéressant momentanément des Saigneurs Ecarlates encore valides, elle lança ses propres serviteurs à l’assaut du nouveau venu.

Sans jeter plus qu’un coup d’œil distrait aux quatre créatures qui se ruaient sur lui, le gangregarde prit la parole.
« Trop minables pour livrer vos batailles vous-mêmes ? interrogea le démon avec mépris, en contemplant les Saigneurs Ecarlates plus que mal en point.
Très bien. Puisque je n’ai pas le choix, je vais vous montrer quelle est la puissance de Taragaman l’Affameur !!! »
Puis il continua d’un air sinistre, en fixant Morteville avec insistance :

« Mais un jour…

Vous subirez le même sort. »

Thokthak, le premier, fut au contact du gangregarde. Levant les bras pour écraser purement et simplement son adversaire au sol, le colosse fantomatique poussa un rugissement bestial en abattant ses énormes poings sur sa cible, creusant un cratère dans le sol qui souleva en l’air roches et poussière, et cacha un instant les deux démons à la vue des combattants.
Lorsque celle-ci retomba, quelques secondes plus tard, Taragaman était passé dans le dos du marcheur du vide, et lui tournait le dos, s’en désintéressant totalement, fixant de ses yeux reptiliens le diablotin qui flottait dans les airs à quelques mètres au-dessus d’eux.
Avec un grognement de rage, Thokthak voulut se retourner… Et se figea brusquement, les yeux exorbités. Il tenta d’ouvrir la bouche… Sans succès.
Après un instant, il se fendit en deux, sous les yeux effarés des Saigneurs Ecarlates. Les deux parties de son corps tombèrent mollement à terre et se volatilisèrent en quelques secondes.
« Quoi ??? s’exclama le diablotin qui fixait la scène du ciel. Qu’est-ce que… »
Il n’eut pas le temps d’en dire plus.
Avec un sourire diabolique, le gangregarde s’exclama, à l’intention de ses confrères démons : « Qu’est-ce qui est arrivé à votre ami ??? »
En un éclair, Taragaman avait bondi en l’air devant Pagtik figé de stupeur, brandissant sa sinistre hache luisante au-dessus de lui.
Il l’abattit avec force sur la créature avant de se réceptionner au sol, tandis que dans les airs le diablotin était à son tour séparé en deux moitiés qui se volatilisèrent dans l’air, les yeux écarquillés d’incrédulité.
Le démon reprit la parole.
« Réponse : La même chose que ce qui va vous arriver. » dit-il avec un rire cruel en se relevant.

« Comment peut-il les toucher ? » demanda Yuggoth au sol, aux côtés de Looping et de Morteville.
- Lui non plus n’existe pas réellement dans cette dimension. » répondit le démoniste orc d’une voix lointaine.
Yuggoth tourna son regard vers son confrère, dont les traits tirés accusaient tous les signes d’une intense et douloureuse concentration.
« Où as-tu trouvé une telle créature ? demanda le mort-vivant avec dans la voix ce qui pouvait bien être de l’admiration.
- Crois-moi, ami, tu ne voudrais pas le savoir, répondit Morteville entre ses dents. Je ne vais pas pouvoir le tenir beaucoup plus longtemps… Il va falloir en finir rapidement. »

Devant eux, Taragaman s’était redressé, et contemplait à présent les deux démons survivants.
Derrière eux, le visage d’Ivy était impénétrable, mais le sourire s’était effacé de son visage.
Dowmena, la succube, se tourna un instant vers sa maîtresse, l’incertitude le disputant à la peur dans son regard. De loin la plus intelligente des démons de la morte-vivante, Dowmena comprenait visiblement qu’elle avait cette fois affaire à un adversaire de taille.
Ne lisant rien d’autre dans le regard sanglant de sa maîtresse que son implacable volonté de destruction, la succube se retourna vers Taragaman, et d’un geste, envoya à l’assaut du démon le cavalier corrompu qui grondait à ses pieds. Puis elle fit une rapide passe de la main droite et disparut dans un léger éclair scintillant.

Taragaman resta quelques secondes sans réaction face au monstre qui se ruait sur lui, se contentant de fixer Ivy de ses yeux de serpent.
Puis, alors que Khiidom n’était plus qu’à cinq ou six mètres de lui, il empoigna en un éclair sa hache et se rua sur le côté, coupant la trajectoire du cavalier corrompu sans pour autant s’arrêter. Puis, sous les yeux ébahis des Saigneurs Ecarlates, il fit décrire à son arme un large cercle avant de frapper un point bien précis dans l’air. Le tout n’avait même pas pris trois secondes.
Un bruit sourd retentit, le bruit bien connu par les guerriers d’une lame qui perce la chair.
Et réapparut brutalement au bout de la lame du monstre la succube, qui ouvrait des yeux incrédules d’avoir été localisée si facilement malgré son sortilège d’invisibilité. Derrière eux, le cavalier corrompu s’était lui aussi figé. Avec un frisson, il s’écroula en même temps que Dowmena, lui aussi tranché en deux par la terrible hache du gangregarde qui l’avait transpercé alors même que celui-ci se ruait sur Dowmena.
Les corps des deux démons se volatilisèrent immédiatement.

Taragaman, se désintéressant des quatre créatures qu’il venait d’abattre en seulement quelques secondes, se tourna vers son maître, et lui jeta avec dégoût :
« Tu me fais vraiment perdre mon temps, petit orc. Profite-en tant que tu le peux… Car un jour, je prendrai plaisir à te voir mourir.

Et de ce que j’en vois, ce jour est peut-être même venu. » ajouta-t-il avec un sourire diabolique en tournant son regard vers Ivy, qui se tenait toujours immobile face à eux. La perte de ses démons ne semblait pas l’avoir perturbée outre mesure.
Les Saigneurs Ecarlates virent avec un frisson le monstrueux démon s’incliner respectueusement devant Ivy, qui ne lui accorda cependant pas le moindre regard. Elle continuait à fixer les Saigneurs Ecarlates de ses yeux rouges flamboyants.

« Va-t-en, tonna Morteville avec une grimace de douleur, en esquissant fébrilement une passe de la main droite. Ta tâche est accomplie. »
Le gangregarde commença soudain à devenir transparent, et à s’estomper rapidement. Son visage n’était que mépris et haine pour celui qui avait réussi, contre toute attente, à lui imposer cet esclavage forcé.
Sa voix résonna encore une fois de manière sinistre avant qu’il ne disparaisse totalement, tandis que Morteville, épuisé, tombait à genoux, rapidement soutenu par Looping et Yuggoth.

« Je reviendrai. »


Un silence étrange retomba soudain, tandis que les héros tentaient de revenir de leur surprise devant la puissance du terrible démon que Morteville semblait maîtriser avec difficulté. Là où eux étaient totalement impuissants, la créature s’était débarrassée des quatre adversaires sans le moindre effort !
Fichtres, en particulier, était ulcéré. En tant que l’un des proches de Thrall, il était bien entendu au courant de l’existence du clan de la Lame Ardente et du rôle qu’y avait joué le démon Taragaman. Même s’il fallait bien admettre qu’il leur avait vraisemblablement sauvé la vie aujourd’hui (contraint et forcé), le vieux chaman était horrifié d’apprendre de cette manière que non seulement le démon avait survécu, mais qu’il était en plus en semi-liberté sous la houlette de l’un des démonistes de la Horde !!!
Comment Thrall avait-il pu lui cacher une chose pareille ? Certes, il savait sans doute que le tauren aurait catégoriquement désapprouvé de conserver sous influence une créature aussi dangereuse, mais…
Si le chef de guerre avait été à leurs côtés, il n’aurait pu qu’admettre que les démonistes étaient source de bien des problèmes, songea-t-il en regardant leur ancienne alliée qui se dressait devant eux.

« Vous vous débrouillez plutôt bien, mes amis, ricana soudain Ivy. Je ne vous croyais pas capables d’abattre mes familiers… Surtout avec ce type de démon, ajouta-t-elle à l’intention de Morteville qui se relevait péniblement. Mais, reprit-elle avec un sourire mauvais, vous n’êtes pas les seuls à avoir appris de nouveaux tours… Laissez-moi vous présenter mon nouveau compagnon de jeu !!! » lança-t-elle en claquant à nouveau des doigts.
Un sourd grondement se fit entendre, tandis que le ciel s’obscurcissait subitement. Sous les yeux ébahis des compagnons, un énorme météore s’abattit brusquement à côté d’Ivy, qui ne broncha pas. Tous se protégèrent hâtivement contre le souffle de l’explosion, qui souleva des volutes de poussière autour d’eux. Ils entendirent des rochers se briser autour d’eux sous la force de l’impact. La muraille de Stratholme commença à s’effondrer sous l’impact avec fracas. Du fond du cratère fumant creusé par le choc, on entendit soudain un mugissement inhumain s’élever… Et une gigantesque créature de pierre et de feu bleu se dressa d’un seul coup, qui tourna son regard de flammes vers les combattants.
« Détruis-les. » dit Ivy d’une voix douce, curieusement sonore malgré le tumulte.
La créature poussa un nouveau mugissement, et s’avança lentement en direction des aventuriers. Chacun de ses pas faisait vibrer le sol. Le monstre posa un pied sur le large pont de pierre qui marquait l’entrée de la cité ; le pont trembla, mais tint le coup malgré la masse imposante qui le piétinait.
« Qu’est-ce que c’est que ça ??? s’exclama Talnya, horrifiée.
- Un infernal ! cria Osiatus pour couvrir les rugissements de la chose qui se dirigeait pesamment vers eux. Un des démons de la Légion Ardente !
- Non… Ce n’est pas un simple infernal !!! » coupa Yuggoth d’une voix blanche.

Les Saigneurs Ecarlates, oubliant le monstre d’une quinzaine de mètres de haut qui marchait lentement vers eux, tournèrent un instant leur regard vers l’orc, qui fixait la créature avec des yeux écarquillés.
Même Sheogorath avait perdu son air indifférent. Pour la première fois, il regardait Ivy et son nouveau démon avec dans le regard ce qui pouvait être de l’intérêt…
Ou de l’inquiétude.

Devant le silence de Yuggoth, Sapristi demanda :
« Qu’est-ce que tu veux dire ???
- Cette chose est bien trop grande et puissante pour être un infernal, répondit Morteville à la place du mort-vivant, avec épouvante. Mais… C’est impossible… Ca ne peut pas être… balbutia-t-il.
- Un Abyssal, compléta calmement Sheogorath en regardant le monstre.
- Mais… Personne n’a la puissance nécessaire pour asservir un Prince Abyssal !!! gémit Morteville.
- Il faut croire que si, répondit sombrement Sheogorath. Elle a réussi à maîtriser un Supremus. »

Derrière les mugissements du gigantesque colosse, tous entendirent le rire cruel de leur ancienne alliée.

« Un… Supremus ??? répéta Looping sans comprendre.
- Peut-être la pire création de la Légion Ardente, lâcha Morteville dans un souffle. Un démon supérieur… Bien plus puissant qu’un millier d’infernaux !!!
- Un millier de fois plus lent, également, jaugea le guerrier en dégainant une fois de plus son épée et en se tournant en même temps vers leur nouvel adversaire. Ca nous laisse une chance de le renvoyer dans ses vertes prairies abyssales. »

Avec un hurlement, l’orc se rua sur la créature, commençant à zigzaguer entre les jambes du colosse pour éviter ses poings qui fouettaient l’air. Ses compagnons le suivirent à l’unisson, sous les yeux amusés d’Ivy, qui se tenait immobile, bras croisés devant le portail dimensionnel de Naxxramass, savourant le spectacle de la lutte désespérée de ses compagnons pour leur survie.

En face d’elle, de l’autre côté du massif pont de pierre sur lequel allait commencer l’affrontement des Saigneurs Ecarlates et du Supremus, tel un étrange reflet de la démoniste déchue, Sheogorath se tenait lui aussi bras croisés, immobile. Lui se désintéressait totalement du gigantesque démon, et n’avait d’yeux que pour Ivy.

« Je ne pensais pas revoir si vite un Supremus, murmura Sheogorath pour lui-même, songeur. Tout cela va devenir…

Très intéressant. »

[Chapelle de l’Espoir de Lumière, Maleterres de l’Est, au même moment]

Lioness abattit son épée sur la goule qui lui faisait face, la tranchant en deux parties qui s’effondrèrent au sol en gargouillant.
« Tu as changé, Lioness, résonna une voix derrière elle. Qu’y a-t-il ? »
En se retournant, la Matriarche découvrit l’astromancienne Solarian qui la fixait avec inquiétude. Les deux femmes se connaissaient depuis longtemps, et n’avaient que peu de secrets l’une pour l’autre.
Lioness ne répondit pas.

Plus loin en contrebas, les deux elfes pouvaient voir les gardes de l’Aube d’Argent qui mettaient en pièces les derniers morts-vivants que Kel’Thuzad avait envoyés sur eux. La première bataille semblait gagnée… Pour l’instant. Au premier rang, le duc Nicholas Zverenhoff faisait des ravages parmi les morts-vivants. Le corps expéditionnaire de Lioness n’avait pas été long à retrouver le duc et les deux gardes survivants de son groupe, assailli de toutes parts par des morts-vivants nombreux et enragés. Après les avoir secourus, sans même prendre le temps d’explications complémentaires, ils avaient foncé sur la Chapelle de l’Espoir de Lumière, juste à temps pour y organiser une défense hâtive face aux vagues de morts-vivants qui arrivaient maintenant sans discontinuer.
Le duc, malgré son épuisement, protégeait en même temps de son mieux la jeune Teela qui s’était elle aussi jetée dans la mêlée malgré le nombre colossal de leurs impitoyables adversaires. Elle se débrouillait visiblement de mieux en mieux, songea la Matriarche en croisant un instant les yeux verts flamboyants de la jeune elfe. Il fallait absolument que Lioness parle à Zverenhoff de ce qu’elle savait sur Teela, dès que le calme serait revenu. Son instinct lui criait que le duc ne lui avait pas tout dit sur cette étrange aspirante.
Et il ne lui avait pas échappé que le Seigneur Maxwell Tyrosus, qui défendait le flanc ouest, avait lui aussi jeté un regard surpris et intrigué de son œil unique à la jeune elfe lorsqu’ils étaient arrivés en catastrophe à la Chapelle de l’Espoir de Lumière.

Après un instant de silence, Solarian parla à nouveau.

« C’est la mort de Sylvanas qui te trouble, n’est-ce pas ? »
La Matriarche, arrachant soudain son esprit des multiples questions qui se posaient à propos de la jeune Teela, tourna brutalement la tête en direction de son interlocutrice.
Lorsqu’elle vit briller une larme au coin de l’œil vert de Lioness, l’astromancienne comprit qu’elle avait vu juste.

Lioness connaissait Sylvanas Windrunner depuis l’enfance. Toutes deux appartenaient à de nobles lignées rivales au sein de Lune d’Argent, mais cela n’avait pas empêché les deux jeunes filles de s’apprécier et de suivre chacune leur voie au sein de la complexe aristocratie elfique. Ensemble, elles avaient traversé bien des épreuves sans que leur amitié et leur respect mutuel ne s’en trouve entaché.
Lioness comme Sylvanas avaient participé à la défense des forces de Lune d’Argent dès la Deuxième Guerre. A cette époque, Lioness était, tout comme sa sœur Liadrin, lieutenant-général au sein de l’armée royale. Mais là où sa sœur brillait par son remarquable sens du combat rapproché, Lioness était plutôt connue comme l’une des plus grandes guérisseuses de tout Quel’Thalas. Malgré cela, la formation militaire qu’elle avait reçue au sein de sa famille en faisait également une redoutable combattante. Lioness avait à cette époque fait la connaissance de deux elfes aux pouvoirs magiques proprement prodigieux, Rommath et Solarian. De son côté, Sylvanas était déjà devenue la Générale Ranger de Lune d’Argent, puisque sa sœur aînée, Alleria, avait finalement renoncé à cette charge après la mort tragique de leur frère Lirath. La cadette des Trois, Vereesa, avait de son côté suivi le mage Rhonin dans une mystérieuse expédition et l’on était sans nouvelles d’elle depuis longtemps.
Tout au long de la deuxième guerre, Sylvanas et Alleria Windrunner avaient mené contre les trolls Amani une résistance furieuse, épaulées par Lioness et Liadrin, avec qui elles avaient fini par affronter et défaire le meneur Amani, le fameux Zul’Jin, grâce à l’aide de l’Alliance humaine.

Alleria Windrunner s’était par la suite engagée aux côtés du mage Khadgar, au sein d’un groupe de héros que l’Alliance surnommait « l’Expédition ». La disparition de cette compagnie, qui s’était engouffrée dans la Porte des Ténèbres (le portail que Medivh avait ouvert au début de la deuxième guerre pour emmener les orcs en Azeroth depuis Draenor) pour le fermer définitivement, avait porté un rude coup au moral de Sylvanas, qui avait ainsi perdu la seule sœur qui lui restait encore. Lioness avait été présente pour soutenir son amie durant cette pénible épreuve. Pour la première fois, elle avait vu la Générale Ranger de Lune d’Argent pleurer.
Lorsque l’heure de la Troisième Guerre avait sonné, c’est avec tristesse et lassitude que Lioness avait repris les armes pour défendre l’Alliance et Lune d’Argent contre les morts-vivants du Fléau. Elle qui aurait tant souhaité vivre en paix avec la famille qu’elle avait fondée (même si l’identité du père d’Oniri, la fille de Lioness, devait pour l’heure demeurer secrète) s’était vue contrainte de reprendre le combat pour protéger son peuple d’une menace bien différente cette fois de celle des Trolls sanguinaires.
L’une des rares rescapées du massacre de Lune d’Argent, grièvement blessée, impuissante, Lioness avait vu son amie Sylvanas s’opposer courageusement à Arthas, le Chevalier de la Mort, et y laisser la vie.
Le chagrin qu’elle en avait conçu n’avait d’égale que la haine qu’elle vouait depuis aux diaboliques morts-vivants. C’était donc tout naturellement qu’elle avait suivi et épaulé sa sœur Liadrin, elle aussi rescapée de la terrible bataille qui avait vu la destruction du Puits de Soleil, pour former l’ordre des Chevaliers de Sang grâce aux extraordinaires découvertes que le Prince Kael’Thas, pressé de trouver une autre source de magie que le Puits de Soleil, avait faites dans cet autre continent qu’on nommait l’Outreterre.

A la suite de nombre d’évènements, les Elfes de Sang avaient dû changer de camp et se rapprocher de la Horde pour pouvoir garantir leur sécurité. Lioness avait émis d’énormes réserves à ce sujet, notamment lorsqu’elle avait appris que la Horde tolérait certains morts-vivants dans ses rangs.
Quel n’avait pas été le choc de découvrir, quelques temps plus tard, alors que la peine était encore vivace dans son cœur, que Sylvanas Windrunner était revenue à la tête de ces mystérieux « Réprouvés » !!!
Lioness se rappelait encore de la dernière (et seule) entrevue qu’elle avait eue avec celle qui avait été son amie la plus chère.

C’était étourdie, le cœur chaviré par l’émotion, qu’elle s’était présentée devant celle que l’on nommait à présent la Reine des Réprouvés.
Mais c’était finalement des larmes de tristesse, et non de joie, qu’elle avait versées au sortir de son audience avec la Dame Noire, qui n’avait plus rien de commun avec l’amie fidèle et souriante qui avait été la sienne.

« Sylvanas… avait-elle commencé, contemplant les pupilles argentées qui remplaçaient maintenant le fier regard vert qu’arborait autrefois la Générale Ranger de Lune d’Argent.
- Tu as survécu. » avait doucement répondu la Dame Noire, sans continuer. Impossible d’y voir plus qu’une simple constatation. Sylvanas était aussi froide que la glace.

Lioness, qui avant d’entrer s’était imaginé pouvoir étreindre avec joie son amie, commençait à réaliser l’ampleur des changements qui s’étaient opérés en Sylvanas.

« Toi aussi, on dirait, avait-elle repris avec un entrain feint, fantôme des anciennes chamailleries qui peuplaient les discussions des deux amies. Tu…
- Non, avait coupé la Dame Noire d’un ton glacé. Pas moi.
- Qu’est-ce que tu veux dire par là ? Tu es bien là, non ? » avait interrogé la Matriarche. Plus que la tristesse, c’était maintenant un sentiment nouveau qu’elle sentait monter en elle.
La colère.

« Ne sais-tu plus qui tu es ? Toi, Sylvanas Windrunner, l’une des Trois ? As-tu oublié Alleria et Vereesa ??? Et Lirath ??? La Générale Ranger de Quel’Thalas… a-t-elle abandonné Lune d’Argent ???
- En d’autres temps, ces noms avaient un sens pour moi, avait doucement répondu la Reine des Réprouvés, transperçant Lioness de son si étrange et envoûtant regard. Mais depuis, tout a changé.
- Le temps a certes passé, Sylvanas, et je n’ose imaginer quelles tortures tu as dû endurer, avait dit Lioness en soutenant le regard argenté de la Reine des Réprouvés. Mais tout n’est pas mort. Après ce que nous avons traversé ensemble, je refuse d’admettre que tout soit terminé !!!
- Il y a trop de différences entre toi et moi, à présent, avait répondu Sylvanas Windrunner de sa voix glacée. Celle que tu as connue… a péri à Lune d’Argent.
- Tu ne me dis pas tout, Sylvanas. » avait rétorqué Lioness.

Après un instant de silence, la Dame Noire avait repris, avec dans la voix ce qui pouvait être de la colère ou de la tristesse :

« Lioness… Tu sais ce que tu as toujours…

Et que moi, j’ai perdu. »



En ces heures sombres, Lioness songeait tristement à Sylvanas, qui avait une nouvelle fois donné sa vie pour tenter d’arrêter les forces du Fléau.
Elle comprenait à présent pourquoi la Dame Noire avait voulu couper les ponts avec son ancienne vie…
La perte d’êtres chers était un fardeau tellement lourd à porter. Elle ne voulait pas l’infliger à nouveau au peuple des elfes.

C’était peine perdue, songea-t-elle tristement, tandis que les larmes brillaient sur son visage.

Un cri d’alerte résonna soudain parmi les soldats de l’Aube d’Argent.
Une deuxième vague de morts-vivants était en vue, et marchait droit sur la Chapelle de l’Espoir de Lumière.
Lioness, l’une des rares dignitaires hors de l’Ordre de l’Aube d’Argent à savoir quel important secret renfermaient les catacombes de la Chapelle, se redressa avec résolution, ravalant ses sanglots et serrant les dents de rage.

Sa main se crispa autour de la poignée de son épée enchantée, et son aura commença à flamboyer autour d’elle, interrompant un instant les incantations de Solarian, médusée de voir rayonner soudain autant d’énergie.

La mort de Sylvanas serait vengée.

Au centuple !!!

[Devant les portes de Stratholme]

L’air s’était réchauffé.

La seule présence du Supremus avait élevé la température ambiante de plusieurs degrés, et cela ne semblait pas devoir s’arrêter. La créature brûlait d’un feu d’enfer qui n’avait rien de naturel, à tel point que les Saigneurs Ecarlates voyaient avec effarement l’eau des douves de Stratholme qui commençait déjà à s’évaporer, entourant la zone de combat d’une lourde ceinture humide et étouffante.

Les lames et les sortilèges qui bombardaient le monstre n’avait visiblement pas plus d’effet sur lui que des piqûres d’insectes. Heureusement, bien que massive et incroyablement résistante, la créature se révélait effectivement extrêmement lente dans ses déplacements, permettant à la plupart des combattants d’échapper aux terribles coups qu’il abattait du haut de ses presque quinze mètres.
Et c’était heureux, car pas un n’aurait survécu à un choc frontal direct avec une telle masse de pierres et de feu.

Au bout d’un moment, alors qui ni dans un camp ni dans l’autre ne se dessinait une réelle victoire ou défaite, le Supremus sembla changer de tactique. Levant ce qui lui servait de bras droit le plus haut possible, il l’abattit subitement dans le sol, face à lui, manquant d’effondrer le pont de pierres déjà fragilisé.
Un sourd grondement se fit entendre, et la température sembla encore augmenter brutalement.
Les héros virent avec horreur les fissures du sol s’emplir de lave, comme si les flammes infernales qui animaient la créature s’étaient propagées à l’intérieur de la terre elle-même. Subitement, ce furent des dizaines de petits geysers qui apparurent un peu partout, crachant des projectiles en fusion sur les malheureux compagnons. Pris au dépourvus, ils s’abritèrent de leur mieux, mais plusieurs furent grièvement brûlés en quelques secondes.
Miraculeusement, aucun mort ne fut à déplorer, sans doute en grande partie grâce à l’intervention d’Amongzedeath, épaulé par son apprentie, Talnya. Le mage, maître incontesté des puissances du froid, eut le réflexe d’invoquer un puissant blizzard de glace, qui refroidit la plupart des geysers en quelques instants. Talnya l’imita immédiatement, dans des proportions moindres (elle qui était à la base une manipulatrice des Flammes ne maîtrisait les secrets des Glaces qu’à un niveau inférieur à celui d’Amongzedeath). Mais l’effort qu’ils avaient dû fournir pour refroidir instantanément une température aussi élevée les laissa néanmoins étourdis et épuisés, incapables de relancer le même type d’attaque avant plusieurs minutes.

Arràgon contemplait, éberlué, le terrible monstre qui se dressait face à eux, et qui avait déjà mis hors de combat plusieurs de leurs compagnons avec une effrayante facilité.
Cette… Ivy possédait une puissance proprement terrifiante.
Il en avait déjà entendu parler, mais… Il se serait bien passé d’en avoir aujourd’hui une démonstration aussi flagrante !

Comme la plupart de ses congénères de Lune d’Argent, le paladin avait maintes fois entendu parler du fameux Jour du Vol Noir, quelques mois plus tôt, lorsque les Saigneurs Ecarlates étaient revenus à Orgrimmar avec la tête du sinistre Nefarian.
Bien sûr, leur compagnie avait subi des pertes, et il avait effectivement entendu prononcer le nom d’Ivy, celle qui avait libéré face au Seigneur des Dragons Noirs un pouvoir tellement colossal que personne n’avait pu en expliquer la provenance. Arràgon, émissaire des Elfes à Orgrimmar, avait d’ailleurs entendu à ce sujet le discours inquiet du vénérable Fichtres au Conseil des Sages qui avait suivi, dans lequel il soulignait le danger de continuer à tolérer les mystérieuses pratiques des démonistes, dont l’une des membres venait de faire une démonstration aussi puissante que préoccupante, au sein de la Horde. Certes, elle leur avait sauvé la vie à tous, mais il fallait à tout prix réussir à garder le contrôle sur un tel pouvoir… Chose qu’apparemment, elle n’avait su faire.

Il savait que Farfadet, l’époux de la morte-vivante, ne s’était jamais remis de la disparition de sa femme bien-aimée. Arràgon n’avait pas manqué de s’interroger sur un attachement aussi fort entre un vivant et une morte, qui plus est de races héréditairement ennemies, mais cet amour restait pour tous un mystère complet.
En échangeant quelques mots avec les Saigneurs Ecarlates, quelques heures plus tôt, Arràgon avait également constaté que Farfadet, le chef emblématique des Saigneurs Ecarlates, manquait malheureusement à l’appel en ces heures sombres. Nul ne savait ce qu’il était devenu…
Ceci étant, songea-t-il, il valait peut-être mieux que Farfadet ne soit pas là pour voir ce que son épouse était devenue.

La démoniste déchue, immobile, était un barrage incontournable pour ceux qui voulaient approcher le terrible Kel’Thuzad.
Pour pénétrer dans la citadelle de Naxxramass… Il faudrait abattre Ivy.
Un malaise étrange lui étreignait pourtant le cœur.
Il était certain que cette femme n’avait pas donné la pleine mesure de ses pouvoirs, mais ça n’était pas cela qui le préoccupait.
Il avait la curieuse (et sans nul doute fausse) impression…
De la connaître.


Arràgon empoigna son marteau à deux mains.
Le plus urgent, c’était de s’occuper de ce colosse démoniaque qu’elle avait invoqué à son service.
« Oniri, murmura-t-il à la jeune elfe à ses côtés. Ca va être à nous de jouer. Nous allons… »
Mais il s’interrompit.
La fille de Lioness s’était déjà rué à l’assaut du monstre qui se dirigeait lentement vers eux.
Avec un léger soupir, le paladin courut à sa suite en poussant son cri de guerre.


En quelques secondes, Oniri avait atteint le Supremus. Celui-ci baissa les yeux vers l’impudente qui le défiait, avant d’abattre le bras sur elle pour l’écraser. Par réflexe, vive et agile comme un chat, la jeune fille évita de justesse le coup, qui creusa un nouveau cratère dans le pont de pierres déjà fort endommagé.
Sans s’arrêter, Oniri se précipita entre les jambes du monstre et, dans un mouvement gracieux hérité des arts de combat elfiques, les frappa violemment de son marteau l’une après l’autre.
Tout dans sa posture indiquait qu’elle s’attendait au minimum à faire tomber le démon.
Mais le Supremus ne vacilla même pas.
La stupéfaction se peignit soudain sur le visage délicat de la jeune elfe, alors que le monstre, d’un revers du poing qui la cueillit de plein fouet, l’envoyer rouler à terre plusieurs mètres plus loin. Heureusement pour elle, Arràgon la rattrapa dans ses bras avant qu’elle ne se blesse grièvement.
« Qu’est-ce qui te prend, Oniri ? jura le paladin. A quoi te sert une attaque directe en pareil cas ??? Utilise les Sceaux !!!
- Tu me crois stupide ? C’est ce que… je viens de faire ! » répondit la jeune fille en se relevant avec une grimace de douleur.
Le paladin, surpris, tourna son regard vers le monstre qui se dirigeait lentement vers eux, ignorant complètement les autres combattants qui tentaient de le distraire de ces cibles faciles. Après un instant, il comprit.
Un léger sourire apparut sur son visage. « Bien joué, jeune fille, murmura-t-il. Il faut en finir, à présent. »

Il se redressa et se plaça devant la jeune paladin à genoux, commençant à concentrer la puissance de la Lumière dans ses mains. Ses yeux verts se mirent à luire plus fort, tandis que les premiers afflux d’énergie sainte apparaissaient dans son aura.
Oniri se releva elle aussi, et imita son compagnon. Les lanceurs de sorts, ressentant l’apparition de cette énergie étrange et inconnue, tournèrent malgré le danger leurs regards vers leurs nouveaux compagnons elfes. Etanol, qui avait compris où ses frères de sang voulaient en venir, lança soudain, d’une voix étrangement solennelle malgré la situation : « Peuples de la Horde… Admirez la toute-puissance des enfants de Quel’Thalas !!! ».
Ivy n’esquissa pas un mouvement. Elle continuait à contempler l’ensemble de la scène de ses yeux sanglants. En face d’elle, Sheogorath n’avait pas bougé, lui non plus.
Tous deux semblaient se désintéresser complètement de l’existence des autres.

Pointant ses mains crépitantes d’énergie vers le monstre, et plus précisément vers les points de ses jambes qu’elle avait frappées quelques instants auparavant, Oniri lança d’une voix vibrante : « Sceaux de Lumière… ». Arràgon enchaîna de la même voix, levant les bras au ciel : « Jugement !!! »
Les Saigneurs Ecarlates virent alors avec ahurissement une colonne de feu descendre du ciel directement sur le Supremus, qui poussa un hurlement inhumain qui ne pouvait être que de la douleur. Des runes flamboyantes apparurent subitement sur les articulations du démon, aux endroits précis qu’Oniri avait frappés de son marteau, qui se mirent à luire avec intensité, avant de déchaîner des explosions de lumière et de flammes dans un vacarme assourdissant. Le monstre, cette fois, vacilla dangereusement tandis que ses membres s’émiettaient et se craquelaient, brûlés par le feu sacré des paladins.
Après quelques secondes de lutte acharnée du Supremus pour conserver son équilibre, il s’écroula à terre avec un long mugissement. Cependant, malgré ses membres brisés, le monstre continuait à bouger, tentant vainement de se relever, mais réduit à l’impuissance. Une rage sans bornes brûlait dans son regard ardent.

Un soupir de soulagement parcourut les Saigneurs Ecarlates encore debout.
Soulagement qui ne dura pas.

Ils s’aperçurent rapidement que les pierres brisées par l’attaque conjuguée d’Oniri et d’Arràgon, et qui formaient les membres du Supremus, se reconstituaient à grande vitesse.

« Il se régénère, marmonna Oniri entre ses dents. Ca se complique… J’aurais dû poser plus de sceaux.
- Et tu ne serais plus là pour en parler, compléta sombrement Arràgon. Il faut trouver autre chose.
- Dans ces cas-là comme dans bien d’autres, il faut viser la tête, dit Looping à leurs côtés. Je m’en charge. »
Et sans attendre, surprenant tous ses compagnons, l’orc se rua à l’assaut du monstre qui commençait déjà à se redresser. Bondissant directement sur le torse du colosse avec l’intention de l’escalader jusqu’à sa tête, le guerrier fut cependant heurté en plein élan par un revers de poing porté à l’aveugle par le monstre. Looping roula à terre, mais se redressa immédiatement, un mince filet de sang coulant sur son visage.
La rage crispant ses traits, il tourna subitement la tête vers Sheogorath, toujours immobile non loin d’eux. Le dialogue qui s’instaura alors entre eux laissa Arràgon tout simplement sans voix.
« Tu pourrais peut-être nous aider un peu, non ? rugit Looping, exaspéré. Ce serait trop te demander de nous l’immobiliser quelques secondes ??? Ne me fais pas regretter de t’avoir laissé nous accompagner !!!
- Comme si vous aviez eu le choix, répliqua Sheogorath d’un ton cassant et lointain, presque distrait. Vous n’êtes mêmes pas capables de venir à bout de ça ???
- Bien sûr que si ! s’écria le guerrier avec agacement. Mais au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, nous n’avons pas de temps à perdre !!! »
Le sombre démoniste haussa les épaules avec une moue méprisante, puis leva sa main artificielle en direction du Supremus. Celui-ci, qui s’était déjà relevé, tourna son regard ardent vers le mort-vivant, se désintéressant soudain des autres combattants.
« Goûte à la furie de l’Ombre. » murmura le démoniste, sans même fixer sa cible. Il continuait à défier Ivy du regard.

Un violent vortex s’ouvrit soudain avec un sifflement en plein milieu du torse de la créature, aspirant toute matière autour de lui, qui laissa un cratère béant dans la poitrine du Supremus.
Le monstre se figea, impuissant et stupéfait devant cette attaque qui le dévorait de l’intérieur, incapable cette fois même de hurler.
De leur côté, comprenant que ce n’était pas le moment de contempler le sortilège de leur étrange allié malgré ses effets spectaculaires, Oniri et Arràgon se ruèrent à nouveau sur leur cible, armes en main, et posèrent de nouveaux sceaux sur les jambes de pierre reconstituées du démon.
Se reculant hâtivement, ils relancèrent leur Jugement sur le monstre toujours immobilisé par Sheogorath. Cette fois, les membres du Supremus ne firent pas que se craqueler, mais ils explosèrent complètement. La créature, soudain privée de ses membres inférieurs, la poitrine toujours dévorée par un vortex d’énergie noire, se fracassa lourdement au sol.
Looping, lame au poing, bondit cette fois sans encombre jusqu’à la tête de la créature, et, levant bien haut sa lame, tonna : « Amongzedeath !!! »
Le mage, remis du blizzard qu’il avait déchaîné quelques instants plus tôt, comprit immédiatement l’appel de son camarade. Il souffla de sa main une légère brume glacée qui voleta rapidement jusqu’à l’épée du guerrier, entourant en un instant la lame de cristaux de glace.
Avec un terrible hurlement de guerre, Looping enfonça alors profondément sa lame de givre dans la tête de la créature enflammée.

L’effet fut immédiat. Le feu infernal qui faisait brûler le Supremus de l’intérieur s’éteignit subitement, telle une bougie soufflée par un courant d’air. Les pierres qui constituaient les rares membres encore intacts du monstre tombèrent soudain au sol, à présent aussi inertes que celles qui constituaient le pont en ruines de Stratholme. Et les rugissements du démon s’arrêtèrent net.
Un silence de mort tomba sur la scène.

Le Supremus avait été définitivement vaincu.

Looping, debout sur la carcasse du gigantesque démon maintenant inerte, se tourna vers leur ancienne alliée et la toisa avec défi. Soudain, il lança, railleur :
« Nous sommes suffisamment échauffés, à présent ! Que dirais-tu de passer aux choses sérieuses ? »

Ivy ne répondit pas immédiatement.
Elle fixa un moment le guerrier de ses yeux de sang, sans dire un mot.
Puis, le sourire cruel qui avait disparu de son visage à la mort du Supremus, réapparut lentement au coin de ses lèvres.

Elle se redressa avec grâce, passant dans ses longs cheveux blonds ses mains aux ongles si effilés.

« Très bien, dit-elle doucement. Je me suis assez amusée.

Finissons-en. »

[A SUIVRE…]

Toujours aussi sympa^^

Comme la dit Elerin dans l'épisode d'avan need les super sceaux de la mort qui tue ( meme si on serai nerf dans la semaine)

Comme toujour je roxx quand meme alors farf tu me doit le respect je suis un noble de lune d argent Matriarche des paladin et tu fait meme pas de moi un off c pas juste

Sinon gg ivy comme toujour on ve la suite et vite

cool la suite!!

"commence a lire" , !! ouai la suite la suite!!

Mais quel TAAAALENT !!!
Meme si je sais que tu va me répondre que c'est ce que tu te dit tout mes matins devant ton miroir .
T'es génial.

Miam

Ouais Momo superstar

ouai enfin l affameur c qu'un 15/16 elite ya pas de quoi en faire toute une histoire .

Parcontre ivy qui passe d une invoc plus faible qu un 16 elite a un world boss la sa rigole pas

ps c lio

Comme d'habitude, excellent

Mais pas glop quand même (je sais que je suis naif, mais me jeter dans les bras d'une mort-vivante dans ce contexte, faut pas pousser mémé dans la dorépine)

Super !! gg Ivy

Dame Sylvanas a été tuée par Ivy ?
Moi qui croyais qu'elle était morte dans un accident de voiture ...

Sympas ces écrits