Chroniques écarlates (19)

Frères ennemis

[Naxxramass, Salle de Réanimation, au cœur de l’Aile des Assemblages]

Misswar contemplait Farfadet, inconscient à présent, enfermé dans son sarcophage, et perforé de toutes parts par les seringues qui lui injectaient les produits qui feraient bientôt de lui la nouvelle arme de mort au service du Nécromancien.

Elle leva soudain la tête. Une énergie colossale venait de disparaître d’un coup.
L’un des intrus venait de tomber.

Le Seigneur Noth également, constata-t-elle après un instant.

Elle n’éprouva rien, continuant à contempler en silence le guerrier orc inconscient dans sa prison de verre.

Des pas derrière elle la firent se retourner. Reconnaissant sa Maîtresse, elle s’inclina légèrement.
« Il semblerait que Yuggoth ait réussi à emporter Noth avec lui, commenta simplement l’Ivy aux ailes noires d’un ton nonchalant. Où en sommes-nous ? demanda-t-elle en portant son regard sanglant sur le corps de son époux prisonnier.
- Le transfert avance, ma Dame, répondit lentement Misswar. Mais il n’est pas encore terminé.
- Contrariant, reprit Ivy-Solaris d’une voix absente. Les Saigneurs Ecarlates progressent plus vite que je ne l’aurais cru…
- Il est regrettable que Noth les ait laissés passer. » dit Misswar.
Sa Maîtresse tourna vivement la tête vers elle, légèrement agacée. Misswar la regarda, sans aucune expression sur le visage.
« Regrettable, en effet, reprit Ivy. Mais je savais que le Porte-Peste ne pourrait, dans le meilleur des cas, que les ralentir. Les Saigneurs Ecarlates sont puissants, et il nous faudra des adversaires puissants pour en venir à bout. Cela tombe très bien, ajouta-t-elle avec un sourire sadique qui découvrit ses dents aiguisées.
Je vais pouvoir tester ma dernière création. »
Misswar tourna la tête vers l’arrière de la salle. Dans la pénombre, immobile entre deux électrodes géantes, un colosse de chair se tenait immobile. La gigantesque créature attendait toujours l’activation finale de sa diabolique créatrice, et pourtant les chairs mortes dont elle était composée, prélevées sur des centaines de femmes et d’enfants, malheureuses victimes des armées du Fléau, paraissaient hurler, emplissant les lugubres couloirs de la citadelle des cris de terreur d’âmes torturées.
« Lui avez-vous finalement trouvé un nom ? interrogea Misswar.
- Oui. Je l’appellerai… Thaddius. »

Dans le dos d’Ivy, ses ailes de chauve-souris battirent l’air avec grâce.
Elle s’avança jusqu’à toucher la paroi du sarcophage, fixant intensément son Farfadet toujours sans connaissance.
« Tu l’as vue ? demanda-t-elle sans se retourner.
- Oui, Maîtresse, répondit Misswar d’une voix toujours aussi neutre. J’ai vu l’autre… Vous.
- Penses-tu qu’elle se rappelle quoi que ce soit de ce qui s’est passé avant notre… séparation ? »
La servante mit un instant à répondre.
« Je ne pense pas, ma Dame, répondit-elle lentement. Elle a eu l’air extrêmement surprise de me retrouver en ces lieux, et je ne crois pas qu’elle sache qu’elle a déjà assisté à ma… A ma renaissance. Elle a reconnu le corps qui est le mien… Mais ne comprend pas ce qu’il fait ici.
- Excellent, dit Ivy avec une évidente satisfaction. Puisque nous étions encore une seule entité lorsque nous avons créé Thaddius, il aurait été ennuyeux qu’elle s’en souvienne. Mais puisque ce n’est pas le cas, nous allons pouvoir l’activer. Il devrait les occuper suffisamment longtemps pour que le nouveau Farfadet soit opérationnel. »
Misswar s’inclina respectueusement, et se dirigea vers le colosse inanimé et la batterie de machines qui l’entouraient.

Ivy resta seule à contempler Farfadet dans ce qui deviendrait son cercueil dans peu de temps.

Intéressant, songea-t-elle.
Elle avait bien entendu épié l’intervention de Misswar face aux Saigneurs Ecarlates lors de l’enlèvement du guerrier. Même si elle ne doutait pas de la fidélité de la nouvelle Misswar-Démétria, ce n’était pas pour autant qu’elle allait faire entièrement confiance à quelqu’un d’autre qu’elle-même.
Elle était d’accord avec sa suivante : l’autre Ivy ne semblait effectivement se souvenir de rien.
Ou presque.
Mais Misswar, de son côté, ne semblait pas s’être rendue compte du fait que lorsqu’elle avait menacé l’Ivy blanche, c’étaient les souvenirs de Démétria qui l’avaient poussé à agir, et non ceux de l’elfe qu’elle avait été auparavant.
Décidément, l’expérience Misswar fournissait des résultats extrêmement instructifs, songea-t-elle en contemplant distraitement le reste de l’installation reliée au sarcophage qui emprisonnait Farfadet.
A plusieurs mètres de là, relié au premier par un enchevêtrement d’innombrables tuyaux et de machineries compliquées, un deuxième sarcophage contenant le cadavre d’un orc ronronnait doucement, avec un bruit métallique.

Elle posa doucement la main sur la paroi de verre qui enfermait Farfadet, presque comme une caresse glacée. Dans sa torpeur, l’orc gémit.
Oui, songea à nouveau Ivy, ses yeux de sang passant alternativement de son époux au corps dans l’autre sarcophage, qui recevrait bientôt l’âme du guerrier orc.
Une fois le transfert d’âmes terminé…
Elle pourrait lancer le nouveau Farfadet contre ses anciens alliés.

« Toi aussi, il va falloir que je te trouve un nouveau nom, mon chéri. » dit-elle d’une voix douce, tandis qu’un sourire à la fois tendre et cruel flottait sur son visage.

[Naxxramass, Salle du Trône]

Kel’Thuzad était partagé.

D’un côté, l’échec de Noth le Porte-Peste, qui n’avait réussi à emporter avec lui dans la mort que son ancien élève, le démoniste Yuggoth, sans parvenir à arrêter ni même à ralentir la progression des Saigneurs Ecarlates au sein de la forteresse, le contrariait profondément.

D’un autre côté, il voyait avec une grande satisfaction les progrès de sa plus terrible élève, Solaris, qui semblait avoir appris avec une facilité presque effrayante, et à tout le moins déconcertante, les sombres enseignements de Kel’Thuzad.
Le meilleur exemple était encore ce qu’elle se préparait à faire subir à celui qui avait été son époux dans sa vie au service de Sylvanas.

Le Maître de Naxxramass, siégeant sur le trône de l’ancienne crypte nérubienne, croisa ses longs doigts squelettiques devant son visage.
Avec une telle apprentie contre eux, la disparition des Saigneurs Ecarlates n’était plus qu’une question d’heures. Ce qui lui permettait donc de se concentrer sur d’autres sujets.
Il se mit à songer avec convoitise au Bâton des Gardiens de Tirisfal.

Atiesh.

Bientôt, le précieux artefact serait en sa possession. Il sourit méchamment. Le destin réservait parfois de bien étranges surprises…

Il n’aurait jamais cru que le hasard seul lui redonnerait la piste du Bâton des Gardiens. Après l’avoir cherché en vain pendant tant d’années, même à l’époque lointaine où son corps était encore celui d’un faible mortel, il n’en revenait toujours pas.
Qui aurait pu penser qu’attirer à lui l’une des Elues aurait de telles conséquences ?

Relever Ivy dans le camp du Fléau avait été la première étape de cet incroyable enchaînement d’évènements.
Il se rappelait la première fois qu’il avait perçu l’étrange pouvoir qui émanait de l’ex-Réprouvée.

[Plusieurs mois plus tôt]

Le groupe d’aventuriers des Saigneurs Ecarlates était à l’époque en route pour Stratholme. La méditation de Kel’Thuzad avait été soudain brisée lorsqu’il avait perçu deux forces étonnamment puissantes en approche.

L’une d’elle était celle de Sheogorath.
Rien de surprenant à cette visite.

Kel’Thuzad avait tout organisé lui-même.

Il n’était pas peu fier de son stratagème qui, si tout se passait comme il l’avait planifié, le débarrasserait à la fois des encombrants Nathrezims, Varimathras et son frère aîné Balnazzar (il ne doutait pas que ces héros, bien qu’insignifiants à ses yeux de glace, élimineraient sans trop de mal ce dernier, quitte à ce que Sheogorath leur donnât discrètement un léger coup de pouce) et de l’impudente Sylvanas Windrunner, la sacrilège qui avait osé lever la main sur le Seigneur Arthas et se dresser contre le Roi Liche (à l’époque où ceux-ci constituaient encore deux entités séparées, bien entendu).
Sheogorath était une recrue de valeur, intelligent et calculateur, et il était très satisfait d’avoir ramené ce démoniste assoiffé de pouvoir dans les rangs du Fléau. Son aide avait été précieuse, et le triple jeu qu’il avait joué avec un brio exceptionnel envers les Nathrezims d’une part et les Réprouvés et leur maudite souveraine d’autre part s’avèrerait sans aucun doute payant dans un très proche avenir.

Quant à l’autre force…
C’était totalement inattendu, et c’était cela qui avait tiré Kel’Thuzad de sa transe.
C’était un monstre qu’il sentait venir à lui. Une puissance diabolique incroyable, le mal à l’état pur.
La Liche n’en revenait pas.
Jamais un tel concentré de rage, de haine et de folie n’était venu à lui auparavant. Mais bizarrement, cette force inconnue et dévastatrice semblait dormir dans le corps d’un des membres de ce groupe… Oui, il ne se trompait pas. Dans le corps de cette jeune démoniste Réprouvée, qu’il voyait mentalement, par les yeux de Sheogorath, cheminer prudemment avec ses compagnons en direction de l’ancienne cité humaine de Stratholme, inconsciente du pouvoir qui était le sien.
Seuls ses sens aiguisés par des années de pratique des pires magies noires lui avaient permis de déceler cette terrifiante entité qui se cachait au fond du cœur de… Non, c’était impossible !!!
Si le cœur de Kel’Thuzad ne s’était pas arrêté depuis longtemps de battre, il l’aurait fait en cet instant.

Cette jeune fille, maintenant morte-vivante, il la connaissait depuis longtemps.
Ivy…

Le Nécromancien regardait cheminer la jeune femme et ses compagnons le long de la route de Stratholme. Ainsi, elle aussi était passée au service de la Dame Noire, comme bien d’autres héros avant elle…
Avec son propre passage au service du Roi-Liche et son accession aux magies nécromantiques, Kel’Thuzad avait progressivement oublié tous ses sentiments humains, même si la fascination qu’il éprouvait pour la belle magicienne avait été le dernier et le plus difficile à abandonner.
Aujourd’hui, il voyait d’un œil critique, presque moqueur, l’affection qu’il avait pu éprouver pour elle. Les sentiments humains étaient si éphémères qu’ils en devenaient pathétiques.
Toutefois, il comprenait d’un seul coup bien mieux pourquoi cette jeune fille l’avait tant fasciné.
Ce pouvoir…
Même si à l’époque, il n’avait pu s’en apercevoir…
Il était maintenant certain que c’était cela, et uniquement cela, qui l’avait attiré.

Il avait un instant sondé les pensées de son agent, Sheogorath. Non… Celui-ci ne percevait pas à quel point Ivy était… intéressante.

Un tel pouvoir en sommeil ne pouvait signifier qu’une seule chose, avait-il songé tandis qu’il épiait le groupe d’aventuriers, inconscients du piège dans lequel ils s’enfonçaient.
Elle était l’une des Elues de la Prophétie.

Excellent, avait-il songé. Ramener Ivy de son côté, c’était faire d’une pierre deux coups.
Il récupèrerait une alliée décisive dans la bataille pour la domination des mondes…

… et flatterait l’ego de son ancienne vie humaine en dominant enfin celle qu’il n’avait jamais pu posséder.

L’échec de Sheogorath face à la Dame Noire l’avait profondément contrarié. Manifestement, le démoniste avait surestimé ses propres ressources.
Toutefois, sans trop savoir pourquoi, guidé par son instinct plus que par sa raison, Kel’Thuzad était intervenu pour dévier l’attaque finale de Sylvanas (sans que celle-ci ne s’en doute, bien entendu) et sauver son serviteur d’un bannissement définitif dans la dimension parallèle dans laquelle la reine autoproclamée des Réprouvés avait tenté de l’envoyer. Peut-être la soif de vengeance et de pouvoir du démoniste lui rappelait-il ce qu’il avait été autrefois…
Toujours était-il qu’il pouvait encore servir.

Le Maître de Naxxramass avait donc récupéré Sheogorath in extremis, et l’avait envoyé en Outreterre poursuivre sa quête de puissance.
Mal lui en avait pris.
Il ne savait encore comment, le démoniste avait très rapidement développé une telle puissance mentale qu’il avait mystérieusement réussi à échapper au lien qui le rattachait à Kel’Thuzad, et à briser toute liaison psychique entre eux. Kel’Thuzad se refusait à croire que son serviteur lui avait joué le même tour que Sylvanas à Arthas, mais c’était effectivement le cas.

Du moins, c’est ce qu’il croyait.

Kel’Thuzad avait plus d’un tour dans son sac, et Sheogorath se trompait lourdement s’il croyait pouvoir le quitter aussi facilement.
Les immenses pouvoirs du Lieutenant d’Arthas lui avaient en effet permis de conserver un lien ténu avec son ancien serviteur, bien que Sheogorath en ignorât l’existence. Dans les rares moments où le démoniste ne baissait pas sa garde, ou dans certains instants de grande émotion, Kel’Thuzad était à nouveau capable de voir par les yeux de Sheogorath et d’accéder à une certaine part de son esprit. Il avait ainsi découvert l’existence de l’étrange gantelet qui remplaçait sa main perdue. Il n’avait pu en déterminer ni l’origine, ni les véritables pouvoirs… Mais il semblait être à l’origine de l’évasion du démoniste des rangs du Fléau.

C’est également ainsi que l’hideuse transformation d’Ivy à la Main de Tyr ne lui avait pas échappé, comme elle n’avait pas échappé à Sheogorath qui avait assisté à la scène.
Pour la première fois, il avait vu avec une joie sauvage la force maléfique en action, qui s’était temporairement éveillée, appelée sans doute par les sentiments de vengeance qui animaient Ivy face à son adversaire, son ancienne amie Démétria.
Avec un sourire sardonique, il avait constaté que Sheogorath, en observant sa vieille rivale, était arrivé à la même conclusion que lui quelques semaines auparavant : Ivy avait son rôle dans la Prophétie. Mais le prétentieux démoniste se trompait visiblement sur le rôle qu’elle était censée y jouer… Ce qui lui laissait pas mal d’avance quant à ses propres projets.
Il devenait vital qu’Ivy passe à son service. Elle remplacerait avantageusement Sheogorath, une fois que le mal se serait complètement réveillé en elle. Toutefois, il devait se montrer très prudent. Il avait affaire à une entité d’une puissance incalculable. Le moindre faux pas serait fatal.

Après l’épisode de la Main de Tyr, Kel’Thuzad avait perdu de vue sa future esclave, tout simplement parce que Sheogorath s’était exilé en quelque endroit reculé où la Liche n’arrivait pas à avoir accès à son esprit.
Mais une nouvelle fois, le démoniste lui avait involontairement été d’une aide précieuse.
Il avait retrouvé le contact avec lui, les Saigneurs Ecarlates et sa précieuse Ivy, alors que ceux-ci s’étaient imprudemment enfoncés dans la forteresse de Blackrock. Kel’Thuzad avait alors pu assister, invisible, au legs de l’Héritage des Rouges au guerrier orc du nom de… Farfadet.
Jusque-là, l’orc, bien qu’affublé d’un nom légèrement ridicule, n’avait pas spécialement attiré l’attention du Nécromancien. Mais la scène à laquelle il avait assisté par les yeux de Sheogorath avait éveillé de lointains souvenirs dans l’esprit de l’ancien mage. Il s’était subitement remémoré le jour où il avait commencé à entendre la voix de son Maître. Il revenait ce jour-là de Southshore… Ivy venait de rencontrer ce pathétique paladin qu’elle allait par la suite épouser…
Mais Kel’Thuzad, guidé par la voix du Maître, avait fini par découvrir, grâce à de puissants sortilèges, que la mémoire qu’il avait des évènements de ce jour-là avaient été altérée. Il se souvenait de Farfadet, oui… Il l’avait vu se servir d’un pouvoir absolument ahurissant face à… qui ? quoi ? Impossible de s’en rappeler. Mais… De ce fait, comment pouvait-il avoir par le passé déjà utilisé ce qui ne pouvait être à l’évidence que l’Héritage des Rouges qui venait de lui être légué ?
Kel’Thuzad le découvrirait aisément si Farfadet rejoignait les rangs des morts-vivants.
Disposer d’un tel combattant dans ses rangs serait assurément un avantage précieux, d’autant qu’il était fort curieux de connaître toute l’étendue du pouvoir des Dragons Rouges. D’autre part, Farfadet était également, par un étrange concours de circonstances, devenu l’époux d’Ivy, ce qui permettrait de mieux la contrôler si l’orc passait à son service. Car il ne savait pourquoi, une certaine part de la morte-vivante (et même de sa jumelle maléfique qui avait fini par faire son apparition) semblait encore éprouver un sincère (et naïf) attachement pour le guerrier.

Oui… Il devenait également très important que Farfadet devienne l’instrument du Fléau.

La suite des évènements lui avait, comme toujours, donné raison.
Farfadet s’était montré plein de ressources, et le pouvoir des Dragons Rouges, qui avait en un instant ruiné les projets de Vol Chromatique de Nefarian, Seigneur du Vol Noir, s’était également avéré des plus impressionnants.

Ironiquement, c’était Ivy elle-même qui avait involontairement donné à Kel’Thuzad l’opportunité qu’il attendait pour l’attirer dans les rangs du Fléau : elle avait un instant libéré ses véritables pouvoirs (réduisant du même coup à néant les suppositions de Sheogorath à son égard, et le laissant face à des dizaines de questions sans réponse) et sacrifié sa vie pour sauver ses compagnons et son époux, dans un dernier élan de sentiments humains.

Pathétique.

Mais c’était néanmoins l’occasion qu’il espérait : il n’avait pas été difficile de la ramener à la non-vie, et le vide dans lequel elle avait sombré avait troublé son cœur et son esprit. Les efforts de Kel’Thuzad avaient été couronnés de succès : l’entité maléfique en elle s’était enfin réveillée pour prendre le dessus sur la femme qu’elle avait été jusque-là…

Mais Kel’Thuzad ne pouvait se permettre de tout miser sur une seule de ses esclaves. La rébellion de Sheogorath le lui avait prouvé.
Peu après la mort d’Ivy face à Nefarian, les serviteurs de Kel’Thuzad lui avaient rapporté qu’une expédition Réprouvée était partie en direction de l’extrême sud du continent de Kalimdor. Quelques gargouilles lui avaient suffi pour épier de loin la progression de ce groupe qui cheminait dans la plus grande discrétion. Visiblement, Sylvanas préparait quelque chose… Mais ne souhaitait pas que le reste de la Horde s’en mêle.
Lorsque le groupe, mené par un voleur du nom de Wodo (l’un de ceux qui avaient participé à la chute de Nefarian, nota la liche), était entré dans le désert de Sillithus, Kel’Thuzad avait compris quel était le but de l’expédition.
Et, scrutant l’esprit du guerrier grâce à sa magie noire, il avait également compris qui était réellement Wodo… Et ce qu’il venait chercher en ces lieux maudits.

Ceci étant, il n’avait qu’une connaissance imparfaite de l’empire Qiraji.
Ou plutôt…

Lui et sa maudite maîtresse semblaient ignorer ce qui se cachait réellement dans l’ombre des Empereurs Jumeaux des Qirajis.

Malgré le risque que représentait l’ouverture des portes d’Ahn Qiraj, Kel’Thuzad avait laissé faire Wodo et ses compagnons. C’était jouer un jeu dangereux, certes, mais il savait aussi que c’était là une opportunité quasi miraculeuse de mettre enfin la main sur un des morceaux de l’Atiesh, qu’il savait gardé par les Empereurs Jumeaux.
D’une main de maître, il avait épié la progression des morts-vivants de Sylvanas au sein de la cité maudite d’Ahn Qiraj, tandis qu’il envoyait dans le même temps sa nouvelle protégée, Ivy, forte de ses nouveaux pouvoirs destructeurs, s’infiltrer en Undercity pour y défier son ancienne maîtresse. Elle l’avait facilement réduite à l’impuissance et ramenée à Naxxramass. Kel’Thuzad avait par conséquent pu imposer son propre contrôle aux Réprouvés, qui avaient donc (enfin !) rebasculé au service du Fléau.

La séparation d’Ivy en deux entités distinctes avait été la cerise sur le gâteau de ce plan mûrement réfléchi. Il s’attendait bien à ce qu’une confrontation avec son époux, qu’elle n’avait visiblement cessé d’aimer malgré tout au fond de son cœur, provoque quelque chose en elle. Le phénomène de scission l’avait au départ surpris, mais il en avait rapidement compris les avantages : il avait par ce biais purgé son esclave des dernières chaînes qui entravaient son incroyable pouvoir de destruction. Et celle-ci avait repris son véritable nom : Solaris…
Enfin, Kel’Thuzad avait fini par découvrir quelque chose d’extrêmement intéressant lorsque les Saigneurs Ecarlates étaient entrés dans sa forteresse.
Il avait cru que Knakette avait laissé la base d’Atiesh en sécurité (relative) à Lune d’Argent… Mais il avait parfaitement reconnu le rayonnement de l’artefact lorsque la druidesse avait posé le pied dans la Citadelle.
Il avait immédiatement ordonné à Wodo et ses armées de se replier vers Naxxramass pour en finir avec les Saigneurs Ecarlates (d’autant que les Trolls des forêts, ces créatures inférieures, semblaient avoir choisi ce moment pour attaquer Lune d’Argent, fait dont se moquait totalement le Nécromancien)… Et récupérer le dernier morceau d’Atiesh.
Dans quelques heures tout au plus, le Bâton des Gardiens serait entre ses mains.

Oui… Tout cela était réellement parfait.

A quelques détails près, cependant.
Quelques…
Quelques fausses notes, on pouvait dire cela.

La fuite de cette damnée tauren, pour commencer. Kel’Thuzad n’aurait jamais pensé qu’elle réussirait à échapper à Wodo et ses compagnons et à se réfugier dans les ruines de l’ancienne Lune d’Argent. Contretemps fâcheux et imprévu.
Kel’Thuzad avait immédiatement ordonné que soit assiégée l’orgueilleuse cité elfe, qui avait péniblement survécu au premier assaut du Fléau, quelques années plus tôt, lorsque le Seigneur Arthas l’avait quasiment rasée pour atteindre le Puits de Soleil (et ainsi offrir à Kel’Thuzad sa renaissance en tant qu’archiliche au service du Roi-Liche). Quelle perte de temps !!!
Sans cette maudite druidesse, Atiesh serait entre ses mains depuis longtemps déjà.

L’irruption des Saigneurs Ecarlates à Lune d’Argent, ensuite.
Le début de leur combat désespéré contre les forces du Fléau l’avait d’abord plus diverti que contrarié. Ce n’était pas la première fois, dans sa longue vie, que le Nécromancien avait affaire à des imbéciles qui se prenaient pour des héros, même s’ils avaient déjà réussi à vaincre Nefarian. Grâce à Ivy, même s’ils semblaient l’avoir oublié.
Toutefois, les Saigneurs Ecarlates avaient rapidement cessé de l’amuser. Notamment lorsqu’ils avaient réussi l’exploit d’arracher aux mains du Nécromancien le contrôle de quelques-uns des Réprouvés, ceux-là même qui faisaient autrefois partie de leur guilde.
Et il y avait aussi le fait qu’ils avaient, par il ne savait quel miracle, réussi à défaire Ivy devant Stratholme. Inexplicablement, ils avaient réussi là où Sylvanas elle-même avait échoué. Certes, comme il l’avait déjà dit, cela s’était retourné à son avantage puisque Solaris s’était désolidarisée d’Ivy, mais…
Le fait que personne ne les ait encore arrêtés était préoccupant.
Et le fait qu’un seul d’entre eux ait suffi pour défaire l’un de ses plus puissants lieutenants, même en y laissant la vie…
Egalement.

Pour couronner le tout, l’attentat contre Thrall avait échoué. Son espionne la plus habile, qui avait suivi de loin Ouch dans sa tentative meurtrière, lui avait rapporté cette mauvaise nouvelle peu avant que les anciens compagnons d’Ivy n’arrivent en Azeroth et ne découvrent Undercity déserte. Malgré toute son habileté, l’assassin n’avait pu venir à bout du chef de guerre orc. Kel’Thuzad, de rage, avait failli exécuter la messagère sur le moment… Mais s’était finalement abstenu.
Thrall ne perdait rien pour attendre… Et avec sa mort, la belle cohésion de la Horde, déjà diminuée par la révolte des Réprouvés, ne serait plus qu’un souvenir en quelques semaines.
Ce n’était qu’une question de temps avant que la Horde ne tombe, maintenant que la Dame Noire était entre ses mains.

Kel’Thuzad jeta un coup d’œil distrait à Sylvanas Windrunner, crucifiée à l’un des murs de la salle du trône de Naxxramass. Ses yeux d’argent n’avaient rien perdu de leur vivacité, mais le sang sombre qui s’écoulait lentement de ses plaies ne lui laissait pas l’ombre d’une échappatoire.
Contrairement à ce que tous semblaient penser (sauf Ouch peut-être… le Faucheur, avait-il noté, faisait souvent preuve d’une intuition redoutable ; c’était un des points qui le faisait d’autant plus regretter d’avoir perdu le contrôle du terrible assassin), Sylvanas était toujours en vie… Mais elle s’affaiblissait à chaque instant. Pourtant, malgré son mutisme, son regard brillait toujours de cette lueur sauvage et insolente qui avait toujours animé la traîtresse. Peut-être le Maître lui-même se chargerait-il de l’impudente qui l’avait défié.

Et puis, il lui restait encore deux adversaires à surveiller.
Sheogorath, pour commencer. Il n’était plus guère à présent qu’une agaçante épine dans le pied de Kel’Thuzad, puisque Solaris avait largement le potentiel pour le vaincre… Mais la révolte de celui qui avait été l’un de ses serviteurs les plus machiavéliques lui restait en travers de la gorge, même si le fait de pouvoir surveiller les Saigneurs Ecarlates par le biais du lien mental qu’il avait malgré tout conservé avec son ancien esclave était un avantage indéniable.

Et puis, il y avait aussi l’Ivy blanche, dernier écho de l’ancienne Ivy. Une fois qu’elle serait tombée, il ne resterait que Solaris… Et les dernières entraves à son pouvoir s’estomperaient enfin.
Il était certain que la démoniste aux yeux rouges saurait se charger elle-même de sa sœur jumelle aux ailes de cygne…
Mais il commença néanmoins à réfléchir à une manière d’en finir avec elle si sa diabolique apprentie se trouvait mise en échec.

Juste au cas où.

[Naxxramass, Aile des Assemblages]

Les Saigneurs Ecarlates avaient repris leur marche dans les lugubres couloirs de la forteresse, rage et tristesse au cœur.
Nul n’avait oublié la dernière flammèche de vie de Yuggoth, qui était venue leur renouveler tout l’espoir que le monde mettait aujourd’hui en eux, avant de s’éteindre.
Animés de cette fureur sacrée, les héros avaient repris leur chemin, et les rares créatures qui avaient tenté de s’opposer à eux n’avaient pas fait long feu. Et pourtant, l’opposition restait étrangement faible, par rapport à ce qu’elle aurait dû être tandis qu’ils s’enfonçaient de plus en plus loin dans la forteresse.
Même un gigantesque chien réanimé et recousu de toutes parts, résultat de quelque grotesque expérience de réanimation perpétrée sans doute par les sbires du terrible Maître des lieux, n’avait tenu que deux ou trois minutes avant de s’effondrer, vaincu par la rage qui animait à présent le groupe d’aventuriers.
A la mort de cette créature aberrante, la grille métallique que semblait garder le monstre s’était relevée avec un grincement rouillé. D’un seul coup, les voix gémissantes qui résonnaient de temps à autre dans les couloirs lugubres de Naxxramass s’étaient faites plus fortes, comme si les malheureuses victimes qui les poussaient étaient soudain plus proches.
Empruntant le passage qui leur était désigné avec méfiance, les Saigneurs Ecarlates avaient débouché dans un grand hall, au plafond presque trop haut pour se situer dans la forteresse. Plusieurs mètres devant eux, un gigantesque colosse de chair, bien plus grand que les abominations qu’ils avaient affrontées jusque-là, se tenait devant eux, les considérant d’un œil vide de toute intelligence. Derrière lui, une nouvelle grille rouillée s’était ouverte, et semblait ouvrir un passage vers une immense salle baignée d’une lueur verdâtre. Des bruits de machines et de soufflerie s’échappaient également du passage.
« Nous arrivons, commenta simplement Sheogorath.
- Où ça ? demanda Looping avec méfiance.
- Dans la Salle de Réanimation. » répondit distraitement le démoniste.
Une réponse qui n’en était pas vraiment une.

Une voix résonna soudain, le dispensant d’explications complémentaires.
Une voix que tous reconnurent. Ivy poussa un gémissement.

« Enfin vous voilà, retentit la voix, horriblement joyeuse, de l’autre Ivy. Entrez vite !!! J’ai tellement hâte de jouer à nouveau… »

Les héros se regardèrent avec méfiance.
« C’est un piège, souffla Etanol.
- Evidemment, rétorqua Oniri, cinglante. Et depuis quand est-ce un problème ?
- Nous sommes tombés dans un piège depuis que nous sommes entrés à Naxxramass, reprit lentement Amongzedeath. Un peu plus ou un peu moins… En attendant, il va falloir se débarrasser de ce monstre pour passer. » ajouta-t-il en désignant le colosse qui se dirigeait d’un pas pesant vers eux.
Sheogorath haussa les épaules, puis tourna la tête vers leur ennemi. Ses yeux flamboyèrent un instant d’une lueur violette. D’un seul coup, la créature se figea. Un sourd grondement écœurant se fit entendre, tandis que le monstre semblait imploser. Les coutures grossières qui retenaient ensemble ses membres recousus se défirent, et ses tripes se répandirent à terre avec un atroce grouillement. Le géant mugit avant de s’effondrer, inerte, au milieu de ses entrailles fumantes.
Sheogorath se retourna vers ses alliés, horrifiés malgré eux.
« On y va ? » demanda-t-il simplement.

Looping acquiesça avec dégoût.
« Oui, répondit-il. Soyez prudents, tous ! rappela-t-il à ses alliés résolus.

Cette fois-ci, elle ne nous fera pas de cadeau. » ajouta-t-il d’un air sombre en regardant l’Ivy aux ailes blanches.

Traversant l’écœurante mare des entrailles du colosse de chair, les héros entrèrent l’un après l’autre dans la Salle de Réanimation.

Lorsque les aventuriers débouchèrent enfin dans la salle, ce fut pour y découvrir un spectacle des plus étranges.

Ivy, la Némésis aux ailes de chauve-souris et aux yeux de sang, se tenait seule, les bras tranquillement croisés sur sa poitrine, au milieu d’une vaste salle au plancher de pierres surélevé. Elle était vêtue d’une somptueuse robe noire ornée de pierres précieuses et de crânes grimaçants, et ses ailes noires majestueusement dressées derrière elles la faisaient plus que jamais ressembler à un ange déchu, d’une beauté envoûtante mais mortelle. Tout autour de la pièce, des bassins bouillonnants regorgeaient d’un acide verdâtre qui dégageait des fumées âcres et nauséabondes.
Mais bien plus que la présence de la mauvaise moitié de la démoniste, c’était l’environnement qui avait saisi les aventuriers dès leur entrée.
Partout où se portait leur regard, des machines compliquées, des électrodes géantes, des tuyaux de plomb, des machineries complexes emplissaient le paysage. Loin derrière, de gigantesques coffres semblables à des cercueils démesurés s’alignaient les uns à côtés des autres. Le premier d’entre eux était ouvert, et un colosse de chairs recousues d’une taille aberrante se tenait là, adossé à la paroi de pierre, inerte. Il était encore bien plus grand que celui que Sheogorath venait de faire fondre quelques secondes plus tôt. Son regard était vide de de toute vie, comme si l’assemblage de cette chose n’avait pas été entièrement terminé.
La menace ne semblait pas immédiate, et bientôt une autre machine attira l’attention des compagnons. Un double sarcophage de verre, devant lequel se tenait une morte-vivante aux cheveux noirs que les héros ne reconnurent pas immédiatement, surplombait la scène, tandis que la machine qui semblait alimenter cet étrange assemblage ronronnait avec fracas. Les aventuriers virent avec horreur leur compagnon Farfadet, qui gisait inconscient dans l’un des sarcophages, percé de toutes parts par des aiguilles qui semblaient lui injecter des liquides inconnus. Dans l’autre sarcophage se tenait ce qui semblait être le cadavre d’un orc, lui aussi perforé des mêmes seringues qui transperçaient le corps inerte de Farfadet.
Devant la double prison de verre, la morte-vivante inconnue surveillait avec attention les Saigneurs Ecarlates, mais semblait bien plus préoccupée par le tableau de commandes compliquées devant lequel elle se tenait. De toute évidences, c’était elle qui surveillait le bon déroulement des tortures que subissait le guerrier orc. Toutefois, les héros avaient noté une chose étonnante, en un tel endroit : les pupilles spectrales de l’inconnue n’étaient pas jaunes, comme celle de la quasi-totalité des morts-vivants, ni même rouges comme celle de l’Ivy maléfique…
Mais d’un vert blafard et malade.
L’Ivy blanche, aux côtés de Sapristi, poussa un gémissement plaintif.
« Démétria… » murmura-t-elle tout bas.

La surprise de cette découverte avait presque occulté la présence de sa jumelle maléfique, qui continuait à toiser les aventuriers, un sourire cruel aux lèvres.
Sheogorath, le premier, s’avança pour faire face à celle qui l’avait vaincu avant qu’ils ne pénètrent dans la forteresse. Son regard habituellement moqueur ne luisait plus que d’une intense concentration. Pour la première fois peut-être depuis sa mystérieuse accession aux extraordinaires pouvoirs qui étaient à présent les siens, le démoniste semblait considérer son adversaire comme digne d’attention.

« Vous êtes arrivés juste un peu trop tôt, ricana l’Ivy aux yeux de sang.
- Un peu trop tôt pour quoi, Ivy ??? Qu’est-ce que tu as fais ??? » s’écria Looping, n’y tenant plus.
Celle-ci tourna son regard de braises vers lui. Son sourire avait subitement disparu.
« Ne m’appelle pas ainsi, misérable, dit-elle en détachant chaque syllabe. Ce n’est pas mon nom, et cela ne l’a jamais été !!!
- Que… Qu’est-ce que tu dis ??? s’exclama l’Ivy aux yeux bleus, sans comprendre.
- Solaris. »

Tous s’interrompirent, stupéfaits. Même l’Ivy aux yeux rouges semblait surprise. Tous se tournèrent vers celui qui venait de parler.
Sheogorath.

Bien entendu.

Après un moment, Ivy-Solaris reprit lentement, visiblement intriguée.
« Tu sais bien des choses sur moi, Sheogorath… Comment as-tu pu… »
Mais seul le silence hostile du démoniste lui répondit. La démoniste déchue finit par hausser les épaules.
« A ton aise, murmura-t-elle. Lorsque vous serez morts, tout cela n’aura plus d’importance. »

« Le problème, reprit-elle pensivement en se mettant à déambuler tranquillement devant ses adversaires, c’est que, comme je le disais, vous arrivez un peu trop tôt.
Combien de temps encore, Misswar ? » demanda-t-elle soudain, en se tournant vers la morte-vivante devant les sarcophages, se désintéressant ostensiblement des Saigneurs Ecarlates. Personne ne semblait avoir remarqué à quel point Arràgon, Oniri et Etanol avaient été frappés de stupeur en entendant ce nom.

« Quelles minutes encore, Maîtresse, répondit celle-ci d’une voix douce, mais que tous entendirent cependant.
- Je vois, répondit Ivy-Solaris en souriant. Comme je me doute que vous n’aurez pas la patience d’attendre…
- D’attendre quoi ??? coupa Ivy d’une voix stridente.
- Mais… le réveil de notre époux, ma chère, répondit sa jumelle avec un sourire sadique.
Ou du moins… reprit-elle tandis qu’Ivy blêmissait, ce qu’il en reste.

Son côté noir. »

Les déclarations d’Ivy-Solaris avaient frappé les Saigneurs Ecarlates d’horreur et de stupéfaction.
« Qu’est-ce que tu racontes ??? s’écria Ivy, alarmée. Tu… »

Le rire moqueur de sa sœur jumelle l’interrompit, avant que celle-ci ne reporte son attention vers Sheogorath. Le démoniste n’avait pas fait un mouvement, mais son regard brillant trahissait son intérêt croissant pour les paroles d’Ivy la Noire.
« Oui, Sheogorath, reprit celle-ci avec un sourire carnassier. Le Maître a bien progressé depuis ta trahison… Même sans ton aide, il a réussi à séparer les âmes des vivants. Après tout, il s’agit seulement de pousser plus loin le concept du fragment d’âme… Misswar en est la preuve… « vivante », ricana-t-elle.
- Misswar… murmura Oniri. Est-ce…
- Oui, jeune elfe, répondit Ivy-Solaris avec une joie sauvage, en s’adressant à la jeune paladin. Il est possible que vous connaissiez ce nom. C’était celui de l’elfe que j’ai tué, avant d’enfermer son âme dans le corps de ma suivante, ajouta-t-elle en désignant distraitement la morte-vivante aux yeux verts qui surveillait la scène en silence, dans l’attitude respectueuse d’une esclave en attente d’ordres.
- Tu as tué Misswar ??? s’étrangla Oniri, prise de rage. Mais il…
- Un conseil, jeune fille, coupa Ivy d’une voix moqueuse, en levant l’index comme pour sermonner la jeune elfe : habitue-toi à dire « elle » pour parler de votre ancien compagnon.

Enfin, si cela peut te rassurer, tu n’auras plus à t’en souvenir lorsque tu seras morte. » ajouta-t-elle d’un ton sinistre.

Les Saigneurs Ecarlates allaient d’horrible surprise en épouvantable révélation. Ils venaient non seulement de découvrir que Sheogorath avait été l’un des serviteurs de Kel’Thuzad, et voilà maintenant qu’ils apprenaient que le pouvoir de Kel’Thuzad était encore bien plus grand que ce qu’ils avaient pu imaginer dans leurs cauchemars les plus atroces !
Seul au milieu de l’agitation grandissante de ses compagnons, Sheogorath paraissait avoir conservé un calme glacé, et c’est sur lui que l’Ivy noire reporta son attention.

« Mais j’ai poussé bien plus loin les projets du Maître, reprit-elle avec satisfaction.
- Ne relever que le côté noir d’une âme, coupa Sheogorath d’une voix froide. C’est… intéressant.
- N’est-ce pas ? demanda-t-elle malicieusement, avec un sourire qui découvrit des dents qui étaient presque des crocs.
- Mais alors… C’est ainsi qu’Ivy est devenue… ces deux… commença Looping.
- Non, coupa Sheogorath de la même voix froide, sans quitter Ivy-Solaris des yeux.

Ivy et Solaris se sont séparées… Mais même elle ne sait pas comment cela a pu arriver. »

Le sourire de l’Ivy noire disparut d’un seul coup, comme si Sheogorath l’avait giflée.
« Parce que tu le sais, toi, peut-être ??? cria-t-elle, soudain furieuse.
- Je commence à en avoir une vague idée, répondit doucement le démoniste.
- Silence !!! cria-t-elle. Misswar !!! Active Thaddius !!! »

Les Saigneurs Ecarlates tournèrent la tête assez vite vers la morte-vivante pour la voir activer une manette sur son tableau de contrôle.
Un grondement de tonnerre emplit la salle, tandis que l’air se chargeait d’électricité.

Soudain, une voix désincarnée résonna dans la pièce.
« JE… DOIS… OBEIR !!! »

Lorsqu’une lueur jaune s’alluma dans les yeux du monstre de chairs qui se tenait jusque-là inanimé au fond de la pièce, et qu’il commença à bouger avec des mouvements saccadés, les Saigneurs Ecarlates comprirent avec effroi ce qu’Ivy-Solaris avait prévu pour les faire « patienter »…

Les héros regardaient avec inquiétude le gigantesque monstre qui se dirigeait maladroitement vers eux. Ivy-Solaris s’était tranquillement envolée pour aller s’installer aux côtés de sa suivante, Misswar, afin de jouir du spectacle de ce qu’elle espérait être le dernier combat des Saigneurs Ecarlates. On lisait sur son délicat visage aux yeux de sang une joie presque enfantine, mêlée de la curiosité qui la dévorait de voir comment sa créature allait se débrouiller face à ces combattants aguerris.
Misswar, de son côté, semblait se désintéresser totalement du sort des Saigneurs Ecarlates, n’ayant d’yeux que pour Farfadet, toujours enfermé dans sa prison de verre.

Plus bas, les combattants se préparaient à l’assaut. Les éclairs d’électricité qui parcouraient les chairs décomposées du monstre crépitaient à intervalles irréguliers, n’annonçant que de mauvaises nouvelles aux aventuriers.
Seul devant le reste de ses compagnons, Sheogorath leva soudain la main pour faire signe aux autres de se figer. Ses yeux flamboyèrent à nouveau de la même lueur violette qui avait été fatale au monstre qui gardait la Salle de Réanimation.
A nouveau, l’écœurant spectacle de décomposition se répéta, et les aventuriers virent avec soulagement les coutures du monstre qui lâchaient les unes après les autres.
Sauf qu’elles se ressoudèrent aussitôt, tandis qu’une multitude d’éclairs jaillissait du corps du colosse pour frapper les aventuriers, les projetant violemment à terre.
Looping se releva péniblement, étourdi, pour voir Sheogorath, le côté droit du visage gravement brûlé par l’un des éclairs (et notant, au passage, que la chair carbonisée du démoniste se reformait déjà à l’endroit de sa blessure), secouer la tête avec stupéfaction. La voix moqueuse d’Ivy-Solaris résonna derrière eux, dans un rire strident.
« C’aurait été un peu trop facile, tu ne crois pas ??? »

Avec un reniflement de mépris, le démoniste projeta un violent trait d’ombre sur le monstre. Mais les éclairs qui enveloppaient celui-ci dévièrent inexplicablement le projectile, qui alla s’écraser dans l’un des bassins d’acides, faisant bouillonner un peu plus le liquide verdâtre et dégageant une fumée suffocante. Tous ceux qui tentèrent de l’imiter, que ce soit avec des projectiles physiques ou magiques, virent avec appréhension leurs attaques échouer de la même manière.
« Les champs électrostatiques de cette chose dévient les tirs !!! s’écria Etanol, éberlué.
- Merci, on avait remarqué ! » rétorqua Oniri d’un ton cassant. La jeune paladin empoigna son épée et se rua à l’assaut du monstre, Looping et Arràgon à ses côtés, rapidement rejoints par Ouch qui entreprit d’escalader le monstre avec une souplesse féline. Zigzaguant entre les pieds de Thaddius, les trois combattants lardèrent celui-ci de leur lames, jusqu’à trancher purement et simplement sa cheville gauche. Heureusement pour eux, la créature, bien qu’en apparence indestructible, se révélait lente et maladroite, et les trois héros purent sans peine éviter les tentatives de celle-ci pour les écraser de ses mains.
Le monstre, la cheville tranchée, vacilla… Mais ne tomba pas. Alors même qu’il allait perdre l’équilibre, les Saigneurs Ecarlates virent avec horreur des lanières de chair jaillir de son pied tranché, pour venir se ressouder à la jambe à laquelle il appartenait. En un instant, le monstre était à nouveau entier.
Plus haut, agrippé péniblement au monstre, Ouch se rendait compte que ses lames enduites des poisons les plus violents n’avaient pas plus d’effet sur Thaddius.
Médusé, Looping se figea, tandis que résonnait loin derrière eux le rire sadique d’Ivy-Solaris.
« Là, si quelqu’un a une idée, dit-il avec inquiétude… Je suis preneur. »
A nouveau, la créature projeta vers le groupe compact d’aventuriers une gerbe d’électricité. Tous eurent l’impression douloureuse d’être grillés vifs, et plusieurs d’entre eux ne purent pas se relever de cette deuxième attaque.
La situation était grave, songea Fichtres en se redressant lentement, pris au dépourvu. Non seulement leur adversaire semblait immunisé à toutes leurs attaques… Mais ses propres projections d’énergies semblaient croître en puissance à chaque coup qu’il recevait.

Une sirène retentit soudain, stridente, dans le vacarme de la pièce.
Ivy-Solaris, avec un sourire mauvais, jeta un coup d’œil vers le sarcophage qui emprisonnait Farfadet, avant de se tourner à nouveau vers les Saigneurs Ecarlates et de s’exclamer :
« Ne vous inquiétez pas, mes amis… Bientôt, Thaddius sera le cadet de vos soucis ! Le transfert est presque fini !!! »
Elle éclata à nouveau d’un rire diabolique.

Rire qui fut interrompu d’un seul coup, lorsqu’elle poussa un cri de douleur et de surprise mêlée.

Dame Solaris était une adversaire terrifiante.
Mais malgré les effarants pouvoirs dont elle était dotée, elle souffrait de la même faiblesse que tous les puissants : une trop grande confiance en soi.
En particulier, elle avait fait la même erreur que le Seigneur Kel’Thuzad : tous deux avaient cru que leur emprise sur Misswar était totale.

Or, ça n’était pas le cas. Du moins…
Pas tout le temps.

Misswar elle-même ne savait pas pourquoi.
Mais elle se doutait que cela devait avoir un rapport avec le corps qu’elle habitait à présent. A moins que ce ne soit là l’un des points faibles de l’étrange expérience dont elle avait été la malheureuse victime.

Mais aujourd’hui, en voyant les Saigneurs Ecarlates…
Elle avait reconnu certains d’entre eux.
Les membres de son ancien peuple.
Le jeune Etanol, le seigneur Arràgon…
Et Oniri, la fille de la Matriarche…
La fille de Lionness.

Et en même temps, elle avait été assaillie des souvenirs de celle dont elle habitait le corps… Démétria…
Et Démétria, malgré tout ce qui les avait opposées, était horrifiée de voir ce qu’Ivy était devenue.

Torturée, déchirée entre les souvenirs des deux entités qui la harcelaient d’un côté, et son besoin d’obéir aux ordres de sa Maîtresse, Misswar avait tenté de résister, de plus en plus difficilement, à l’appel des âmes qui vivaient en elles.
Et le résultat était là.

Elle n’avait pu supporter de voir la fille de Lionness en danger.
Ni de voir Ivy, la bonne moitié d’Ivy, lutter désespérément contre l’invincible Thaddius.

Et le seul moyen de la sauver, c’était de détruire Dame Solaris…
La mauvaise Ivy.

Elle n’avait aucune chance d’y arriver…
Mais c’était ce qu’elle devait faire.

Tous s’étaient tournés vers Ivy-Solaris. Même Thaddius s’était figé, surpris de la perte de contrôle de sa Maîtresse maléfique.

Solaris gisait à terre, une fumée noire se dégageant de son aile gauche ensanglantée. Debout derrière elle, Misswar, ses yeux verts luisant plus que jamais dans la pénombre, la dominait de toute sa hauteur. Pour autant, ce que l’on pouvait lire dans le regard fantomatique de la suivante de Solaris n’était ni du triomphe, ni de la cruauté…
Mais de la détresse.
Elle venait de lever la main sur sa Maîtresse, et savait parfaitement qu’elle ne devait le succès de son attaque qu’au fait qu’elle avait pris l’Ivy aux yeux rouges par surprise.
Même elle, pourtant pourvue de pouvoirs surpuissants conférés par les enseignements de Kel’Thuzad, n’avait aucune chance face à la démoniste aux ailes de chauve-souris.

Ivy-Solaris, à terre, tourna son regard de braises vers son esclave, aussi vive qu’un serpent.
« Tu vas me payer ça. » gronda-t-elle. Pour autant, la surprise n’était pas présente dans sa voix. On aurait presque dit qu’elle s’attendait à une trahison de ce genre.
D’un bond souple et élégant, elle se remit sur pieds, et se tourna face à Misswar, la noyant dans l’ombre menaçante de ses ailes noires. Celle-ci ne recula pas, se contentant de soutenir en silence le regard brûlant de sa Maîtresse avec la même intensité.
Solaris fit un pas en direction de Misswar, sans que celle-ci n’esquisse le moindre mouvement. Au-dessus de la scène, la sirène continuait à retentir de plus en plus fort, annonçant la fin du transfert d’âmes initié par la démoniste maléfique… Et par là même, l’imminence de la mort de Farfadet.
« Les résurgences de Démétria sont plus fortes que je ne le pensais, murmura Solaris d’une voix douce, comme si elle se parlait à elle-même. J’arrangerai ce problème, et tu redeviendras toi-même. En attendant, reprit-elle à l’intention de Misswar en souriant d’un air cruel, je vais te faire payer cher cette pitoyable tentative d’assassinat !!!
- Vous tuer ? Ca n’était pas mon intention, répondit celle-ci d’une voix neutre.
- Qu’est-ce que tu dis ? demanda Solaris, dont le sourire s’était soudain figé.
- Je veux juste vous empêcher de faire encore plus de mal. » répondit Misswar.
Et soudain, ce fut la démoniste aux yeux verts qui se mit à sourire, d’un air rusé. Sans quitter son ancienne Maîtresse des yeux, elle leva la main.
Pas vers Solaris.

Vers le sarcophage de Farfadet.

Les yeux de sang de Solaris s’écarquillèrent sous l’effet de la surprise. Elle venait de comprendre. « NOOOOOOON !!! » hurla-t-elle.

Le trait d’ombre de Misswar pulvérisa le verre du sarcophage qui emprisonnait Farfadet dans une onde de choc titanesque. Le corps inerte du guerrier tomba à terre, se libérant des aiguilles qui le transperçaient. Les tuyaux, arrachés à leur cible, se mirent à projeter frénétiquement en tous sens les produits fumants qu’ils injectaient jusque-là à l’époux d’Ivy.
Par une réaction en chaîne, les machines reliées au sarcophage détruit s’emballèrent à leur tour, jusqu’à ce que commence à se dégager de leurs engrenages une fumée épaisse et noire, de mauvaise augure. A son tour, ce fut le verre du deuxième sarcophage qui se brisa, laissant échapper le cadavre de celui qui aurait été le réceptacle de Farfadet au service du Fléau.
Ivy-Solaris, un rictus de désespoir et de rage mêlées sur le visage, contemplait la destruction de ses plus précieuses expériences, incapable de bouger. Elle tremblait presque de fureur de voir tout son travail partir en fumée. Plus bas, les Saigneurs Ecarlates n’avaient rien perdu de la scène, et tous sentaient l’énergie colossale qui était en train de s’accumuler autour de la jumelle maléfique d’Ivy.
Les yeux de Solaris s’embrasèrent d’un feu d’enfer.
« Misswar… » grinça-t-elle entre ses dents serrées.
D’un seul coup, elle projeta sur son ancienne esclave un véritable mur de flammes, qui enveloppa totalement celle qui avait osé la défier. Mue par un réflexe désespéré, celle-ci se protégea de son mieux, sa longue robe se déchirant partiellement sous le souffle de l’attaque et révélant une partie de l’étrange araignée de métal qui enserrait son torse. La vue de cet objet provoqua un profond malaise parmi les Saigneurs Ecarlates impuissants, qui n’avaient jamais rencontré un tel appareil. Misswar n’était décidément pas une morte-vivante comme les autres.
Balayée par le souffle de l’attaque de Solaris, Misswar fut projetée contre le mur de pierres au fond de la pièce, dans lequel elle s’incrusta profondément. Ivy-Solaris se dirigea lentement vers elle, une haine brûlante dans le regard. Arrivée à son niveau, elle leva à nouveau la main, tandis que Misswar continuait à la fixer de ses yeux verts avec la même résolution silencieuse, malgré le sang qui coulait de ses blessures.
Et soudain, la démoniste aux ailes de chauve-souris se figea, les yeux écarquillés.
« Impossible… s’exclama-t-elle.

Il est toujours vivant ??? »

D’un bond, elle se retourna vers le corps de Farfadet, qui gisait toujours au sol.

En un battement d’ailes, Ivy-Solaris fut sur Farfadet, et l’empoigna d’une main, le soulevant de terre comme s’il ne pesait pas plus qu’un fétu de paille.
Aucun doute n’était possible : le guerrier poussa un gémissement de douleur.
A nouveau, les yeux de l’Ivy noire s’embrasèrent.
« Très bien, dit-elle d’une voix sombre. Puisqu’il faut tout faire soi-même… ».
Elle leva une main aux ongles effilés comme des griffes, prête à lui transpercer directement le cœur pour en finir une fois pour toutes.
Un sourire empreint de folie se dessina sur ses lèvres.

La main de Solaris fila vers le cœur de Farfadet, ongles en avant… Lorsque le coup frappa la démoniste noire au visage, lui faisant perdre l’équilibre et la forçant à lâcher le guerrier, qui tomba au sol…
Et fut péniblement rattrapé par Ivy la Blanche.

La démoniste, voyant son époux en danger de mort, n’avait pu se contenir et, battant furieusement de ses ailes de cygne, s’était ruée à l’assaut de sa propre Némésis, pour la frapper en plein visage à l’instant même où celle-ci allait arracher le cœur de Farfadet.
Faible, épuisée, elle se tenait cependant résolument face à sa sœur jumelle, offrant de son corps le meilleur rempart possible à son époux inconscient.

Ivy-Solaris, étourdie, qui avait été projetée à plusieurs mètres sous l’impact, se releva lentement. Elle essuya le revers de sa bouche, observant sans y croire le mince filet de sang qui en coulait. Puis elle tourna son regard de braises vers sa sœur aux ailes blanches.
« Idiote, murmura-t-elle d’une voix lourde de menaces. Tu n’aurais jamais dû faire ça. »

Sans répondre, avec dans ses yeux bleus la même résolution infaillible de protéger Farfadet à tout prix, Ivy se mit en posture de combat, ses mains brillantes d’énergie crépitante.

Après un instant, Solaris haussa les épaules.
« Je n’ai plus rien à faire ici. Vous l’aurez voulu. »

Elle baissa les yeux vers Thaddius, qui s’était totalement figé, privé des ordres de sa Maîtresse par l’interruption de Misswar.

« Thaddius, dit-elle d’une voix lente. Autodestruction. »

Les yeux du colosse se mirent à luire, tandis que des charges d’électricité se mirent à parcourir tout son corps. Un vent violent se leva dans toute la pièce, comme un tourbillon dont le monstre aurait été le centre. Plusieurs débris massifs des machines détruites furent arrachés au sol et se mirent à tournoyer dans la pièce, manquant de blesser grièvement plusieurs des héros.
« MOUREZ !!! » tonna-t-il d’une voix désincarnée.

Tous les Saigneurs Ecarlates se tournèrent vers la nouvelle menace.
« Qu’est-ce qui se passe ??? cria Elerin dans le vacarme.
- Ca se complique… murmura Sheogorath entre ses dents.
- Elle a enclenché l’autodestruction de Thaddius !!! cria Misswar, qui s’était péniblement relevée, à l’intention des aventuriers. Vous devez à tout prix détruire son cœur avant qu’il n’entre en surcharge !!! »

Solaris tourna à nouveau son regard de sang vers son ancienne suivante.
« Toi, siffla-t-elle. Je t’avais presque oubliée.
- Laisse-la tranquille !!! cria Ivy. C’est à moi que tu as des comptes à rendre !!! »

Solaris sourit méchamment, puis haussa les épaules et se retourna vers sa jumelle.
« A ton aise, ma sœur, répondit-elle. Ainsi, j’en finirai avec toi pendant que le monstre que nous avons construit ensemble s’occupera de tes amis. »

En contrebas, les Saigneurs Ecarlates n’en menaient pas large. Leurs plus terribles attaques entamaient à peine le corps du géant, dont les chairs se reformaient aussi vite que les coups les entaillaient. Impossible, dans ces conditions, d’atteindre le cœur du monstre !
Seules les attaques surpuissantes de Sheogorath, qu’il portait directement au niveau du poitrail du monstre, semblaient, peu à peu, en éroder la résistance … Mais tous étaient conscients, au vu des éclairs de plus en plus dangereux qui claquaient partout autour de Thaddius, ravageant complètement la pièce et brûlant grièvement les combattants, que même en unissant toutes leurs forces, ils n’arriveraient pas à bout de lui avant la fin du fatidique compte à rebours qui s’égrenait sous leurs yeux.

Solaris leva la main. Une petite boule d’énergie noire s’y forma, qu’elle souffla du bout des lèvres, tel un baiser de mort, en direction de sa sœur jumelle, qui faisait toujours rempart de son corps à Farfadet.
« Adieu, Ivy. » murmura-t-elle.

La déflagration qui enveloppa Ivy lorsque le projectile de Solaris la frappa ridiculisa même la puissance du cyclone que provoquait l’autodestruction de Thaddius.

Mais le sourire triomphant de la démoniste aux yeux rouges s’effaça brutalement lorsque la fumée de l’explosion, balayée rapidement par les vents violents qui régnaient dans la pièce, se dissipa.
Ce n’était pas Ivy qui avait reçu le projectile.

Un horrible instant, Solaris crut véritablement que Farfadet s’était relevé pour, à son tour, protéger son épouse de la mort…
Mais c’était un autre orc qui s’était interposé. Un orc qui, inexplicablement, ressemblait furieusement à Farfadet, de par son attitude, à tel point que cela ne pouvait être une coïncidence.
Un orc au même regard fantomatique que celui de Misswar… Mais d’un bleu étrange, pas très éloigné de celui des yeux d’Ivy.

Un orc qu’elle ne connaissait pas…
Enfin, pas vraiment.

Jusque-là, elle ne l’avait vu que mort.
Dans l’autre sarcophage.

« Félicitations, Maîtresse, résonna la voix de Misswar derrière elle. Votre expérience est un succès.
- Qu’est-ce que… commença Solaris.
- Vous lui aviez donné un nom, je crois ? reprit Misswar d’une voix implacable. Alors je me dois de vous informer…

Que Kharneos est éveillé et opérationnel. »

Tandis qu’Ivy contemplait, éberluée, le renfort inattendu qui venait sans doute de lui sauver la vie en prenant de plein fouet une attaque qui l’aurait sans doute tuée, Solaris se tourna vers Misswar, les mains crispées dans un spasme de colère.
« Pauvre folle… s’écria-t-elle, folle de rage. Qu’est-ce que tu as fait ??? »

La démoniste aux yeux verts soutint le regard furieux de sa Maîtresse.
« J’ai accompli vos ordres, ma Dame, répondit-elle d’une voix douce. Kharneos a hérité du côté noir de l’âme de Farfadet, et de ses techniques, comme vous le souhaitiez.

Le seul problème, continua-t-elle tandis qu’un léger sourire naissait sur son visage, c’est que même le mal qui vit en Farfadet ne pourra jamais lever la main sur Ivy. »

Avec un hurlement de dépit, Solaris leva la main en direction de son ancienne dame de compagnie, déchaînant sur elle un véritable barrage de traits d’ombre qui projetèrent brutalement celle-ci à terre, arrachant de multiples lambeaux de chairs à son corps réanimé.
Les yeux de la démoniste aux ailes noires étaient un brasier où brûlait un feu sorti droit de l’enfer.

« Vous allez me le payer… TOUS !!! » cria-t-elle d’une voix stridente.

Puis, elle jeta un œil vers sa création, Thaddius, parcouru d’éclairs de plus en plus nombreux, voyant les Saigneurs Ecarlates qui continuaient à s’acharner sur le monstre avec l’énergie du désespoir.
Avec un rictus de rage, elle regarda ensuite Misswar, celle qui l’avait si ignominieusement trahie alors qu’elle croyait avoir une emprise totale sur elle, qui gisait à terre, grièvement brûlée.
Enfin, elle regarda sa jumelle avec haine, elle qui protégeait Farfadet, elle-même protégée par Kharneos, qui semblait attendre que Solaris fasse le moindre mouvement.

« Très bien, finit-elle par dire. Je n’ai plus de temps à perdre avec vous. »
Un dernier coup d’œil désigna à Ivy les Saigneurs Ecarlates, en contrebas, et la terrible lutte qu’ils avaient engagée.
Un sourire mauvais naquit sur les lèvres de Solaris.
« Vous êtes déjà morts. »

Elle leva la main, et un cercle énergétique verdâtre apparut à ses pieds.
D’un seul coup, elle disparut, dans un dernier éclat de rire diabolique.

Ivy éprouva malgré elle un sentiment de soulagement en voyant disparaître sa jumelle.
Instantanément, elle se retourna vers Farfadet, toujours inconscient, ne sachant que faire pour lui venir en aide, et par-dessus tout consciente que tout ce qui était arrivé à son époux et à ses compagnons…
Etait sa faute.
Des larmes désespérées brillèrent à nouveau dans ses yeux bleus.

« Ce n’est pas ta faute. » résonna soudain une voix derrière elle.
Elle se retourna, sans pour autant lâcher son époux.
Kharneos se tenait penché sur elle, une lueur indéchiffrable dans son regard éthéré.
« C’est Solaris la responsable, pas toi. Reprends-toi, Ivy. Tes amis ont besoin de toi. »
Ivy ne trouva pas de réponse, et baissa à nouveau les yeux sur Farfadet.

« Kharneos… Amène-moi à lui… »
L’orc tourna vivement la tête vers Misswar, celle qui venait de parler. Elle tentait sans succès de se relever.
Il accourut pour l’aider, et la prenant dans ses bras, l’amena aux côtés d’Ivy et de Farfadet.
L’ancienne dame de compagnie de Solaris était grièvement blessée et semblait épuisée. L’appareil qui lui enserrait la poitrine se mit soudain à luire avec intensité, de même que ses yeux. Avec difficulté, elle porta la main au joyau qui ornait le centre de la machine et brillait de cette intense lumière verte, y arrachant subitement une boule verdâtre qui se mit à pulser doucement dans la paume de la démoniste. Ses compagnons la regardaient faire, fascinés.
Lentement, Misswar approcha la main de la poitrine de Farfadet, et tous virent la boule lumineuse pénétrer la poitrine du guerrier.
Un instant plus tard, celui-ci ouvrait les yeux.
« Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il péniblement.
- Plus tard, Farfadet… haleta Misswar. Vous devez détruire Thaddius avant qu’il ne soit trop tard… »
Entendant ces mots, Farfadet bondit maladroitement sur ses pieds.
Il jeta un coup d’œil en contrebas, comprenant instantanément dans quel péril se trouvaient ses compagnons.
« Yashna !!! » appela-t-il.
Plus bas, le tauren leva la tête, et reconnaissant le guerrier, acquiesça vivement. D’un geste souple, il dégaina une épée qu’il lança à Farfadet.
Celui-ci tendit la main… Mais ce fut Kharneos qui agrippa le premier le manche de l’arme.
Interloqué, Farfadet regarda celui qui avait été réanimé avec son aide involontaire.
« Il va te falloir une autre arme, Farfadet, dit tranquillement Kharneos, en le défiant presque du regard. Nous y allons ensemble. »
Yashna, qui avait suivi la scène malgré le tumulte du combat qui faisait toujours rage devant lui, lança une deuxième épée à Farfadet, qui l’attrapa à son tour du même geste assuré que Kharneos, sans quitter son vis-à-vis des yeux.
Puis, il acquiesça lentement..
« Très bien, dit-il. Allons-y. »
Les deux orcs, avec un rugissement de guerre étrangement synchronisé, se jetèrent dans le vide, lame en avant.
Ivy, qui s’était agenouillée à côté de Misswar pour mieux soutenir la démoniste épuisée, fut frappée de la similitude quasi surnaturelle des attaques des deux combattants.

Les lames des deux orcs, toujours étonnamment synchronisées même après une chute libre d’une bonne dizaine de mètres, entamèrent profondément la chair de Thaddius, ouvrant une balafre profonde qui, contrairement à toutes les entailles faites jusque là par les Saigneurs Ecarlates, ne put se ressouder instantanément. Les deux guerriers avaient de plus eu la présence d’esprit de viser la zone déjà gangrenée par les attaques massives de Sheogorath.
Pour la première fois, les combattants virent distinctement apparaître le cœur de Thaddius, un petit module métallique crépitant d’électricité. Le métal était chauffé à blanc, au bord de l’explosion. Subitement, les décharges d’électricité se déchaînèrent dans toute la salle, projetant les aventuriers à terre.
Seul Sheogorath avait réussi à rester debout malgré l’onde de choc. D’un seul coup, toute la chair de Thaddius s’effondra au sol dans un horrible grouillement, ne laissant plus que le cœur métallique de celui-ci qui lévitait au centre du violent vortex qui balayait toujours la pièce.
« Concentrez tous vos tirs sur le cœur !!! tonna le démoniste dans le tumulte. Maintenant !!!
- Nous risquons de le faire exploser !!! répliqua Etanol sur le même ton.
- Faites ce que je dis !!! » répondit Sheogorath en s’approchant péniblement du cœur, luttant contre de violents vents contraires.
Obéissant au démoniste, tous se relevèrent et s’appliquèrent à frapper la cible métallique de leurs plus puissantes attaques. Même Ivy et Misswar, du haut de la plate-forme, concentraient elles aussi leurs tirs épuisés vers la machine.
D’un seul coup, une lueur intense jaillit du cœur, fracturé par une dernière décharge massive d’énergie et de projectiles. Tous virent naître l’explosion qui allait tous les annihiler…

Jusqu’à ce que Sheogorath empoigne directement le cœur de sa main métallique, serrant de toutes ses forces la machine de mort pour étouffer de son mieux la titanesque explosion.
Une onde de choc phénoménale s’échappa malgré tout des poings du démoniste, brisant les arcades de pierre de la pièce et projetant à nouveau tout le monde au sol dans un fracas d’enfer.
Mais les efforts des Saigneurs Ecarlates n’avaient pas été vains.
La lueur enflammée qui avait envahi la pièce se mit à décliner lentement. Ceux qui avait malgré tout réussi à se relever purent voir Sheogorath, grièvement brûlé, qui restait malgré tout debout, sa main métallique rougeoyant tant elle venait d’étouffer une température infernale. Une horrible odeur de chairs brûlées avait empli la pièce… Et pourtant, les chairs carbonisées du démoniste commencèrent lentement à se reformer.
Pourtant, l’intense concentration qui brillait dans son regard implacable ne l’avait pas quitté, et il semblait tenir sur ses jambes avec difficulté.
Enfin, après plusieurs minutes à rester immobile, il finit par ouvrir la main, relâchant un tas de tôles noircies et inertes qui tombèrent au sol avec un bruit métallique.

Tout était enfin fini.

Quelque part au loin, tous crurent entendre un hurlement de rage et de frustration.
Le cri de fureur d’une femme.

De longues explications s’avéraient nécessaires, et ce n’est pas sans mal que les Saigneurs Ecarlates finirent par comprendre qui étaient les deux nouveaux venus parmi eux, Misswar et Kharneos.
Les elfes de sang étaient bouleversés de retrouver dans le corps d’une autre l’un de leurs anciens compagnons, qui de plus semblait n’avoir que peu de souvenirs de sa véritable vie passée. Ivy, de même, gardait le silence, désespérée de voir ce qui était arrivé à son ancienne amie… Mais là aussi, elle devait accepter que Misswar était une entité différente de la Démétria dont elle habitait maintenant le corps.
Mais plus que tout, c’était la présence de l’effrayante machine sur la poitrine de la démoniste aux yeux verts qui troublait au plus haut point les aventuriers.
Nombre d’entre eux continuaient à se méfier de Misswar. Elle avait beau avoir sauvé Farfadet, tous se souvenaient qu’Ivy-Solaris avait parlé d’une « résurgence » lorsque Misswar s’était rebellée contre sa maîtresse…
Ce qui signifiait qu’on ne savait toujours pas à qui obéissait réellement la Misswar que Kel’Thuzad avait créée.

Quant à Kharneos, il était considéré avec encore plus de défiance que Misswar. Il était le produit d’une expérience d’Ivy-Solaris dont même Misswar ne connaissait pas toutes les implications ni les conséquences, et, ne possédant aucun souvenir propre à part certains qui s’avéraient en réalité être ceux de Farfadet, Kharneos ne leur était pas d’une grande aide pour expliquer lui-même d’où il venait.
Misswar avait agi d’instinct, sans doute effectivement poussée par une impulsion soudaine de l’ancienne Démétria, mais même elle devait admettre qu’elle n’avait aucune idée des conséquences réelles de la création de Kharneos. Tout ce qu’elle savait, dit-elle d’un ton suppliant, en regardant à la fois Ivy et Farfadet, c’était que Kharneos était dorénavant…
Le jumeau de Farfadet.

Les regards sombres qui accueillirent ces paroles ne laissaient que peu d’ambiguïté quant aux sentiments des Saigneurs Ecarlates à l’encontre de Kharneos. Farfadet, en particulier, considérait son « frère » avec hostilité.
Tous avaient en tête le dernier exemple connu de gémellité auxquelles ils avaient eu affaire.
Et l’effrayante séparation de la démoniaque Solaris d’avec Ivy n’était pas de bonne augure.

Fichtres, dans cette situation, tentait de prendre du recul.

Une fois de plus, il se trouvait conforté dans sa méfiance envers les démonistes.
Ivy…
Misswar…
Sheogorath…

Il était certain que tous trois en savaient bien plus que ce qu’ils voulaient en révéler.

Toutefois, l’exemple du sacrifice héroïque de Yuggoth était là pour prouver que tous les démonistes n’étaient pas forcément corrompus au même point par les puissances qu’ils manipulaient.

Et malgré tout ce que sa sœur Solaris avait faite (d’ailleurs, songeait-il, comment Sheogorath connaissait-il ce nom étrange que l’Ivy noire semblait avoir pris ?), le vieux tauren voulait croire qu’Ivy, celle qui se tenait à leurs côtés, affichant un désespoir grandissant au fur et à mesure des macabres découvertes qu’ils faisaient au sein de la forteresse de Naxxramass, que cette Ivy-là servait les forces du Bien.

Fichtres croisa le doux regard bleu de la démoniste. Seule la supplique muette qu’il y lut, noyée dans les larmes de la belle démoniste, le convainquit malgré lui de garder le silence.
Ivy ne voulait à aucun prix que Farfadet s’inquiète pour elle.

Car lui seul avait noté un fait extrêmement inquiétant : l’aile gauche de l’Ivy blanche portait maintenant une trace de brûlure ensanglantée.

Exactement à l’endroit, semblait-il, où le projectile de Misswar avait frappé sa jumelle, Solaris.

Kharneos ne comprenait pas.
Selon ce qu’avait dit Misswar aux Saigneurs Ecarlates, il était mort depuis longtemps déjà… Et quelque chose était venu le tirer du Néant.
Contrairement à Misswar, dans le corps de laquelle cohabitaient deux âmes torturées, Kharneos, lui, était une enveloppe vide, dotée d’une âme tronquée par le terrible procédé qui l’avait amené à renaître.
Il n’avait aucun souvenir de sa vie passée, sa véritable vie, et pourtant il savait maintenant manier les armes avec dextérité de manière totalement instinctive, sans que qui que ce soit ne lui ait enseigné la moindre chose…
Du moins, pour le peu qu’il en savait.

Il regarda encore une fois Farfadet.
Celui qui avait soi-disant insufflé contre son gré l’essence vitale nécessaire à la renaissance de Kharneos.
Un seul sentiment dominait son cœur et son esprit.
La jalousie.

La jalousie de voir Ivy au bras de Farfadet.

Car à ce qu’il semblait, Kharneos n’avait pas hérité du guerrier que ses techniques de combat.
Lui aussi était amoureux d’Ivy.
En admettant que l’amour signifie quelque chose pour lui, ce dont il n’était même pas sûr.
Mais c’était l’unique chose à laquelle il pouvait encore se raccrocher.
L’espoir d’être autre chose qu’une enveloppe vide, sans émotions, sans existence, sans but.

« Tu te trompes. Il y a encore autre chose. »

Kharneos dressa l’oreille.
Quelle était cette voix ? Elle lui rappelait quelqu’un, sans qu’il sache qui.
Etait-ce là aussi une part des souvenirs de son frère ennemi ?

« Personne d’autre que toi ne m’entend, Kharneos, dit la voix d’un ton tranquille. Ne prends donc pas cet air stupide. Pense seulement tes mots et je les entendrai.
- Qui êtes-vous ??? demanda l’orc mort-vivant en pensée.
- Qui je suis n’a que peu d’importance, répondit la voix. Je suis venu t’offrir… Quelque chose qui te donnera un jour l’opportunité de reprendre Ivy.
- Un jour ? demanda-t-il sans comprendre.
- Oui, reprit la voix avec satisfaction. Aujourd’hui, il est trop tôt. Tu ne maîtrises pas encore ce que tu es, surtout face à Farfadet. Mais un jour… Tu seras prêt.
- Ce que je suis ? répéta Kharneos sans comprendre.
- Tu es le reflet maléfique de l’Héritier du Vol Rouge, Kharneos. Une puissance sans bornes est entre tes mains, à présent, et tu dois apprendre à l’apprivoiser. Car si Farfadet est devenu le fils de Vaelastrasz, tu es par conséquent devenu mon Héritier… Mon fils, en somme. J’attends ce moment depuis si longtemps…
- Votre… Votre fils ? Mais… Qui êtes-vous ? lança l’orc, totalement perdu.
- Je suis celui que ton jumeau et son épouse maudite ont déjà vaincu par le passé. Et à travers toi, je vais enfin pouvoir exercer ma vengeance sur ce monde !!!

Je suis Nefarian, et toi Kharneos, tu es maintenant l’Héritier du Vol Noir !!! »

L’esprit de Kharneos se remplit du rire hideux de son père adoptif.

Ce rire qui lui suggérait qu’il existait une autre alternative à sa vie.
Il pouvait également la vouer…

A la haine.

[???]

Ysera la Verte dressa la tête.
Il y avait quelque chose d’anormal.

Elle avait suivi les valeureux Saigneurs Ecarlates depuis leur arrivée en Azeroth, et frémi avec eux devant les terrifiants dangers qu’ils avaient bravés pour pénétrer la forteresse de Naxxramass.

Le retour de la Tourmentée, puis sa séparation en deux entités distinctes, l’inquiétait au plus haut point, même si c’était là la manifestation la plus logique de son statut si particulier.
Peut-être le monde serait-il sauvé, si Ivy parvenait à se débarrasser définitivement de Solaris… Mais c’était quasiment impossible. Solaris, en se désolidarisant d’Ivy, était maintenant capable de déchaîner l’incommensurable pouvoir de destruction qui brûlait en elle, et cette fois le frein d’Ivy ne fonctionnerait pas.
Oui…
Le destin du monde semblait bien sombre, songea-t-elle.

Malgré tout, elle se raccrochait à l’infime espoir que représentaient les Saigneurs Ecarlates. Elle voulait croire en eux.
Elle espérait de tout son cœur qu’ils réussiraient là où elle-même n’avait pas le droit d’intervenir.

Le Prince consort du Vol Rouge, Korialstrasz, se matérialisa soudain à ses côtés.

« Vous l’avez senti, vous aussi, Majesté ? » demanda-t-il, alarmé.
Elle tourna ses yeux d’or emplis d’inquiétude vers lui.
« Oui, répondit-elle doucement.
- Qu’est-ce que c’était ? demanda le Dragon Rouge. Cette aura maléfique… C’était comme si…
- Oui, mon ami, coupa l’Aspect du Vol Vert. Comme si le Vol Noir se manifestait à nouveau.
- Mais… Deathwing ? Il serait…
- Non, répondit pensivement Ysera. Cette aura… est celle de l’un de ses fils. Un fils que nous connaissons tous… Pour notre plus grand malheur. »
Korialstrasz mit un moment à digérer l’information.
Puis, il finit par articuler, horrifié :
« Nefarian ??? Mais c’est impossible !!! Il est mort !!! »

La Matriarche Verte retourna son regard sur les Saigneurs Ecarlates, dans la vision brouillée qui scintillait devant eux.
Elle porta toute son attention sur le nouveau venu parmi ces héros.
Kharneos, celui qui avait été artificiellement créé par l’essence de Farfadet, l’Héritier du Vol Rouge.

« On dit que l’amour peut accomplir des miracles, dit-elle en détachant chaque mot devant un Korialstrasz plus que troublé. Mais…

Je crains que la haine ne le puisse également. »

Elle seule, en tant que Maîtresse du Rêve, voyait distinctement les deux ailes rouges spectrales qui flamboyaient dans le dos de Farfadet…

Et les deux ailes identiques, mais d’un noir sinistre, qui flottaient derrière celui de Kharneos.

[A SUIVRE…]

une jet épique noir a souhait,que dire d'autre,il n'y a rien a ajouter,si ce n'est que je vais peut etre m'y métres aussi........ histoire de taurens....sur conflit de horde,bien joué Ivy...

Lut et kiffer comme dab cheers

Invité

ah bas ma Ivy là tux sux!!....joli prémices pour mon entrée en puissance *touss*touss* Razz

avec l'avènement de l'extention Razz

Bizz' dédicasse à touah !

ps: l'essence de farfadet....*touss*touss* c'est recherché j'y aurai pas pensé Razz

mais j'attend ta suite farfaronesque !!

mourf la suite et comme toujours un régale study

Toutes ces cabrioles pour épater la galerie...
Halalalalaa... les DK....C'est ca quand on a pas le talent !!
Inutile de dire que toutes ces fanfaronades ont amusé looping qui mangeait tranquillement des pop corn pendant le combat pret a bondir et a invoquer du fin font des entrailles de nul par une arme redoutable pour couper des rondelles de saucisson entre deux pop corn!

Sinon , que dire...
Plus serieusement , belle intégration du DK et préparation a la suite de ton histoire qui se déroulera surement a cataclism, ou pas !
Quel imagination !!
Magnifique.
Quel Tallent cet Ivy !! Chroniques écarlates (19) Icon_cheers

Top

Quel talent Ivy!!!!

bounce

quel talent, y a rien à rajouter study

Allé plus que trois chapitres et j'ai rattrapé mon retard

Very Happy

» Chroniques Ecarlates (04)
» Chroniques écarlates (20)
» Chroniques Ecarlates (05)
» Chroniques écarlates (21)
» Chroniques Ecarlates (06)