Chroniques écarlates (18)

Flammes

Yuggoth releva soudain la tête, songeur.

Cela faisait déjà plusieurs minutes que les Saigneurs Ecarlates suivaient en silence le long couloir lugubre qui les menait vers le cœur de la forteresse de Naxxramass, toujours sans rencontrer âme qui vive.
Il regardait, quelques mètres devant lui, les ailes blanches d’Ivy, la régicide, celle qui avait abattu la Dame Noire sous l’influence de Kel’Thuzad.
Bien que la pitié soit devenue étrangère à son cœur depuis son retour parmi ceux qui s’étaient un temps appelés les Réprouvés, il comprenait ce que devait ressentir la démoniste.
Lui aussi avait, malgré lui, basculé au service du Nécromancien, et bien qu’il ait lui-même déjà visité plusieurs fois la Nécropole, il était incapable de se remémorer le chemin qui menait au sanctuaire du maître des lieux.

Tout ce qu’il savait…
C’était que sa soif de vengeance allait enfin être assouvie.

Il savait qu’ils allaient immanquablement croiser celui qui lui avait ôté la vie, et qui était à l’origine de son passage au service de la Dame Noire.

Tout à ses souvenirs amers, Yuggoth ne perçut pas immédiatement le changement qui s’était opéré dans l’air.
La progression des Saigneurs Ecarlates au détour des labyrinthiques couloirs déserts de Naxxramass n’avait pas cessé, et pourtant…
Il y avait quelque chose de différent.

En voyant la buée commencer progressivement à se matérialiser sous le souffle de ses compagnons mortels, Yuggoth comprit que la température commençait lentement à baisser.
Il ne s’était pas trompé, songea-t-il avec une froide détermination.

La rencontre n’allait pas tarder.

Soudain, une sensation nouvelle le traversa, comme un éclair.
L’Oeil.

En repassant dans le camp des Saigneurs Ecarlates grâce à la magie vaudoue des trolls, Yuggoth avait involontairement occulté l’œil de vision qu’il avait laissé en patrouille dans les plaines des terres de l’est, plus exactement dans la forêt voisine de l’autre objectif de Kel’Thuzad : la cité de Lune d’Argent.
Et l’œil venait de se rappeler à son souvenir, lui envoyant la vision d’un spectacle qu’il ne comprit tout d’abord pas : les troupes mortes-vivantes qui assiégeaient jusque-là la forteresse des elfes semblaient abandonner la bataille pour se diriger… Vers l’Ouest.
Avec un frisson, Yuggoth reconnut les deux hommes qui ouvraient la marche, imposant une allure rapide à leurs troupes, deux anciens membres des Saigneurs Ecarlates, eux aussi : Wodo et Zarlok…

Que se passait-il ???

Et soudain, il comprit.

Le combat contre Ivy n’était pas passé inaperçu.
Loin de là.
Les troupes de Kel’Thuzad revenaient à Naxxramass.

Alarmé, le démoniste ouvrit la bouche pour prévenir ses compagnons…

Et c’est alors que le couloir fut d’un seul coup noyé d’une explosion de fumée verte et étouffante, occultant toute vision.

Yuggoth vit ses compagnons pris d’horribles quintes de toux. De par leur nature, seuls les morts-vivants n’étaient pas incommodés, mais la fumée était si épaisse qu’il était impossible de distinguer quoi que ce soit, même pour eux.
A l’aveuglette, Yuggoth s’avança, à la recherche de la source de l’attaque surprise. Parmi le vacarme environnant, il entendait la voix de Sapristi, entre deux quintes de toux, tenter de canaliser les sortilèges de protection de groupe, tandis que de leur côté, les nouveaux venus des Saigneurs Ecarlates, les paladins Arràgon et Oniri, incantaient le plus rapidement possible leurs mots de purification.
A tâtons, plus par chance que parce qu’il l’avait réellement cherché, Yuggoth réussit à s’approcher de Farfadet, plié en deux par la douleur, tandis qu’Ivy, alarmée, lui offrait de ses ailes blanches la meilleure protection dont elle était capable. Elle non plus ne semblait pas incommodée par le gaz, mais elle était en revanche totalement impuissante face à la souffrance de ses compagnons. D’un geste anxieux, elle désigna à Yuggoth les grilles qui s’étaient ouvertes dans les murs pour déverser le gaz mortel dans le piège qu’était devenu ce couloir.
Un cri d’alerte retentit derrière eux, poussé par Ouch : trois créatures massives les attaquaient par l’arrière, des Abominations !
D’instinct, tous se tournèrent vers la menace pour y faire face, malgré leur handicap.
Farfadet tenta de se relever péniblement, soutenu par son épouse. Yuggoth, qui s’était lui aussi tourné vers l’arrière de leur groupe, sentit soudain une présence dans leur dos.

Transpercé par une horreur glacée, le démoniste se retourna, en même temps qu’Ivy qui avait perçu le danger. Voyant sa femme tourner le dos à leurs agresseurs, Farfadet pivota lui aussi sur ses talons.

Devant eux se tenait une silhouette encapuchonnée, muette et immobile.
Yuggoth eut une horrible impression de déjà-vu… Et pourtant, cette aura étrange n’était pas celle de son Maître, comme il l’avait un instant supposé.
Elle avait quelque chose d’indéfinissable… Elle contenait à la fois des parcelles de vie et de mort, mais n’avait cependant pas grand-chose à voir avec l’aura de la non-vie qui les animait tous… Yuggoth n’avait jamais rien ressenti de pareil.
Il n’avait pas remarqué, à ses côtés, Ivy qui ouvrait de grands yeux bleus horrifiés.
« Non… » murmura-t-elle avec angoisse.

Derrière eux, le combat faisait rage entre les Saigneurs Ecarlates lourdement handicapés par le gaz qui emplissait toujours le couloir et leurs monstrueux adversaires. Nul autre qu’Ivy, Yuggoth et Farfadet n’avait perçu cette deuxième menace.
Une voix de femme s’éleva doucement.
« Ivy… »
L’intéressée, visiblement paralysée de stupeur et d’horreur, ne put répondre.
Farfadet, réalisant que c’était une fois de plus son épouse qui était la véritable cible de l’attaque, se releva d’un bond et se jeta sur la silhouette encapuchonnée, refusant d’admettre que son épouse lui soit à nouveau volée alors qu’il venait enfin de la retrouver.
Levant le glaive que lui avait confié Yashna pour remplacer la Quel’Serrar brisée, l’orc, arrivé à hauteur de l’ennemie, voulut l’abattre sur elle.
Sans même relever la tête, celle-ci bloqua la lame de la main droite, tandis que la gauche, d’un violent coup de poing plus rapide que l’attaque d’un serpent, frappait violemment Farfadet au plexus, lui coupant le souffle. Le guerrier, sous le choc, tomba à terre en crachant son sang.
Aussitôt, comme si elle n’avait attendu que cela, la femme agrippa Farfadet, inconscient, par le col et le releva avec une force herculéenne.

Ni Ivy ni Yuggoth n’avaient eu le temps de réagir, lorsqu’un trait d’ombre fusa de derrière eux, touchant la femme à l’épaule en déchirant la soutane qui la dissimulait. Sheogorath venait de les rejoindre, et toisait l’assaillante avec intérêt de ses yeux froids et calculateurs.
Celle-ci ne parut cependant pas souffrir énormément de l’assaut, et se redressa immédiatement sans avoir le moins du monde lâché Farfadet. Son visage était toujours dissimulé par sa large capuche. Un étrange éclair métallique, à l’endroit où le trait de Sheogorath avait brûlé ses chairs, attira l’attention de Yuggoth lorsqu’elle bougea.
« Je vais t’enseigner ce qu’est la véritable douleur, Ivy. » dit l’inconnue, de la même voix calme et étrangement douce.
Ivy semblait avoir perdu l’usage de la parole.

« C’est loin d’être fini. » dit à nouveau leur ennemie.

Puis, elle disparut en une seconde dans un éclair lumineux, emportant Farfadet avec elle.

Ivy hurla.

[Naxxramass]

Les Saigneurs Ecarlates ne s’étaient toujours pas remis de l’attaque surprise dont ils avaient été victimes, ni de l’enlèvement de leur chef.
Yuggoth et Sheogorath (même si ce dernier, comme à son habitude, s’était muré dans un silence sarcastique) avaient tous deux parfaitement compris qu’Ivy, ravagée de désespoir, connaissait celle qui les avait agressés. Néanmoins, la démoniste aux ailes de cygne refusait obstinément de s’expliquer, et avait imposé au groupe d’aventuriers une allure forcée beaucoup plus rapide et imprudente, tant elle n’avait de cesse de retrouver son époux.
Si les autres n’avaient pas, de mauvaise grâce, accepté de la suivre si imprudemment, il était évident qu’elle serait partie seule au cœur du dédale de la forteresse.
Mais les autres (dont les rares qui avaient vu de leurs yeux sa maléfique sœur jumelle) savaient que ce serait là pur suicide.
Le deuxième argument qui avait achevé de les convaincre de hâter le pas avait été la déclaration de Yuggoth, qui avait affirmé avec conviction que d’autres forces se rapprochaient à grande vitesse de Naxxramass.

Les Saigneurs Ecarlates avaient donc repris la marche, non sans avoir recommandé à leurs voleurs de bien surveiller les couloirs, à l’affût d’éventuels autres pièges.
Mais si Ivy semblait pour l’heure incapable de raisonner de manière sereine, ce n’était pas le cas de tous.
Le coup d’œil que Yuggoth avait échangé avec Fichtres lui avait confirmé que le vieux tauren, inquiet, songeait à la même chose que lui.
Lorsqu’on voyait ce qu’Ivy était devenue en ayant été prise par le Fléau (même si une part d’elle-même avait fini par se libérer de l’esclavage de Kel’Thuzad)…

Il devenait urgent de retrouver Farfadet avant qu’il n’arrive quelque chose d’épouvantable.

[Ailleurs, dans la forteresse de Naxxramass]

Farfadet ouvrit péniblement les yeux.
Il essaya de bouger, sans succès. Des liens l’entravaient.
Il se trouvait, sans trop savoir comment, attaché debout dans ce qui semblait être une sorte de sarcophage de verre.
Il tenta péniblement de se souvenir.
Le couloir… Le piège de gaz… La femme !!!
Où étaient ses compagnons ? S’en étaient-ils sortis ?

Et Ivy ???

Soudain, des pas retentirent dans le silence mortel de la pièce. Il vit apparaître dans son champ de vision la sinistre silhouette qui les avait attaqués dans le couloir… Et qui, visiblement, l’avait enlevé.
La mystérieuse inconnue le regarda un long moment sans bouger, sourde à ses exclamations de rage et à ses questions. Lorsqu’elle enleva enfin la capuche qui lui dissimulait le visage, Farfadet ne put réprimer un gémissement, à la fois horrifié et consterné.
Finalement, c’était loin d’être une inconnue, songea-t-il avec horreur.
Il connaissait cette femme.
Celle que son épouse avait si longtemps poursuivie de sa vengeance.
Celle qui était à l’origine de la première mort d’Ivy, et qu’il l’avait indirectement condamnée à son statut de morte-vivante.
Sa meilleure amie.
« Démétria… » murmura-t-il.

Le regard de la femme croisa celui de Farfadet. Il y avait quelque chose d’étrange dans ce regard, songea immédiatement Farfadet, habitué à la lueur fantomatique jaune qui habitait autrefois le regard des Réprouvés.
D’un geste, Démétria releva une mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux. Le mouvement dévoila un étrange reflet mécanique au niveau du torse de la morte-vivante, qui attira immédiatement l’attention du guerrier. Elle semblait porter quelque chose… Une sorte de machine, au niveau du torse. Qu’est-ce que…
Ses réflexions furent interrompues par une voix.
« Elle est belle, n’est-ce pas ? demanda subitement la voix d’Ivy. C’est le dernier cadeau de mon Maître… »
Après une seconde, Farfadet comprit.
L’autre Ivy, celle qui portait les ailes noires, entra tranquillement dans son champ de vision. Elle se plaça au côté de Démétria, qui s’inclina respectueusement.
« Je te présente Misswar, ma dame de compagnie, dit doucement l’Ivy noire, avec un rire cruel, tandis que ses ailes de chauve-souris se déployaient avec aisance dans son dos.
Farfadet éprouva un frisson d’horreur et de désespoir mêlés devant le spectacle des deux anciennes amies, devenues ennemies, et qui semblaient s’être réconciliées sous la sinistre bannière du Fléau.
« Misswar ? répéta-t-il sans comprendre. Mais… C’est Démétria ! Ivy… Qu’est-ce que… »
Ivy marqua un temps d’arrêt, visiblement surprise de découvrir que Farfadet connaissait le visage de son ex-amie. Démétria, de son côté, ne cilla pas.
Puis, Ivy, se reprenant, secoua la tête avec un sourire mauvais.
« C’est vrai, répondit-elle. Misswar est Démétria… Mais pas seulement.
- Je ne comprends pas ! Ivy !!! Comment peux-tu… »
Ivy, sans répondre, leva les yeux vers le dessus du sarcophage de verre et désigna la direction à Farfadet de l’index. Elle arborait un air faussement rassurant… Mais la lueur sanglante et menaçante dans ses yeux faisait mentir son visage. Derrière elle, le visage de Misswar-Démétria était impénétrable.
Farfadet regarda à son tour le haut du sarcophage, découvrant avec horreur que l’extrémité était parsemée d’aiguilles qui dégouttaient d’un fluide verdâtre, reliées à des tuyaux qui sortaient du sarcophage pour se diriger il ne savait où.

« Ne t’inquiètes pas, Farfadet, dit doucement l’Ivy noire. Bientôt, tu vas comprendre. »

[Naxxramass]

Le sombre couloir déboucha soudain sur un escalier de pierre d’au moins deux cents marches, qui s’enfonçait profondément dans les bas-fonds de la Nécropole.
Les côtés de l’escalier étaient ornés de statues grimaçantes de gargouilles grandeur nature, que les aventuriers ne s’attardèrent que très peu à observer.
Il faisait extrêmement froid, ici. Elerin frissonna, tentant sans succès de se réchauffer, lorsque son regard se posa distraitement sur le crâne de l’une des gargouilles.
Etrange, songea-t-elle. Elle avait l’impression bizarre… Que celle-ci la regardait.

Non, réalisa-t-elle soudain.
Ce n’était pas qu’une impression !!!
Elle voulut pousser un cri d’alerte, mais un jet de flammes la coupa dans son élan, faisant exploser la tête de la gargouille avec fracas. Les autres créatures, car elles en étaient bien, quittèrent également leur trompeuse apparence de statue pour se ruer sur les aventuriers… Mais explosèrent à leur tour avec des piaillements aigus.
Les Saigneurs Ecarlates mirent un instant à réaliser ce qui s’était passé.

Ce n’est qu’en voyant les mains encore fumantes de Yuggoth qu’ils comprirent à quelle vitesse avait réagi le démoniste.
Celui-ci avait un air encore plus sombre qu’à l’accoutumée.
Son regard était obstinément fixé sur l’arche de pierre qui terminait l’escalier, et s’ouvrait sur une vaste salle emplie d’obscurité.
Sans attendre ses compagnons qui ne s’étaient pas encore remis de leur surprise, il s’avança sous l’arche de pierre. Ceux-ci le suivirent, avec appréhension.
Lorsqu’ils furent tous entrés dans la salle, une herse tomba brutalement derrière eux. Tous se retournèrent, surpris, sauf un.
Yuggoth, à nouveau.

La salle s’éclaira subitement d’une vague lueur bleutée.

La vaste pièce circulaire était jonchée d’ossements et d’armes rouillées, et surplombée d’une balustrade aux ornements ouvragés et compliqués. On aurait presque dit… qu’il s’agissait d’une sorte d’arène.
Un homme se trouvait au centre de celle-ci, toisant le groupe d’aventuriers de ses yeux froids.
Sa robe violette et or tranchait sur ses longs cheveux, entièrement blancs. Il se dégageait de lui une impression de puissance hors du commun. Et jamais les héros n’avaient rencontré une aura aussi froide.
Comme si…
Comme si cet homme n’avait pas d’âme.

Le silence qui régnait dans la pièce fut bientôt brisé.
« Je savais que nous nous retrouverions, Noth. » murmura Yuggoth, sans quitter l’homme des yeux.
Celui-ci ne répondit pas, se contentant de fixer Yuggoth. Il semblait n’avoir d’yeux que pour lui.

« Qui… Qui est-ce ? demanda Elerin, observant l’individu qui leur faisait face avec méfiance.
- Noth. Mon Maître. » répondit Yuggoth d’une voix mortellement calme.


Un instant passa, dans le plus grand silence.
Tous comprenaient que le combat qui les attendait allait revêtir une grande importance pour le démoniste.

« Continuez, dit calmement Yuggoth. Je vais m’occuper de lui.
- Es-tu devenu fou ? s’écria Elerin. Nous n’allons pas te laisser seul contre lui !!! Nous ne…
- Il a raison, coupa doucement le vieux mage Osiatus, d’une voix faible mais au ton assuré. Nous n’avons pas de temps à perdre ici. Nous devons retrouver Farfadet ! ajouta-t-il en lançant un regard en direction d’Ivy, qui les regardait, toujours bouleversée.
- Parce que vous croyez qu’il va nous laisser passer sans rien faire ? » demanda soudain Sheogorath, d’un ton moqueur, en montrant leur nouvel adversaire d’un geste de la tête.
Yuggoth, pendant l’échange, avait continué à fixer son Maître, sans même un regard pour ses alliés.
« Oui, répondit-il d’une voix glacée. Nous avons des comptes à régler, lui et moi. »

Après un moment, Looping acquiesça, de mauvaise grâce.
« Très bien Yuggoth. Nous allons continuer. Fais attention à toi… Et rejoins-nous dès que tu le pourras. »
Le démoniste lui jeta un rapide regard, sans pour autant bouger d’un cil.

« Ne vous inquiétez pas pour moi, répondit-il de la même voix mortellement calme. Dépêchez-vous. »

Avec hésitation, en jetant des coups d’œil inquiets à leur ennemi tandis qu’ils le contournaient, les héros continuèrent leur chemin à toute allure, Ivy en tête.
Noth ne leur accorda même pas un regard. Il resta complètement immobile jusqu’à ce que tous aient disparu dans l’obscurité du tunnel qui se trouvait derrière lui.

« Nous allons pouvoir enfin régler nos comptes, dit Yuggoth une fois qu’il fut seul face à Noth.
- Oui, répondit celui-ci. De toutes façons, tes compagnons ne perdent rien pour attendre. D’autres serviteurs du Maître les attendent plus loin.
- Je leur fais confiance, rétorqua le démoniste. Ils détruiront le Maître de Naxxramass !
- Tu n’as pas changé, dit Noth en secouant la tête. Toujours optimiste… »

Le serviteur du Fléau haussa les épaules, avant de lever la main. Une flamme bleue commença à y brûler.

« Comté-de-Darrow est tombée il y a longtemps déjà… Je vais t’envoyer rejoindre les morts pour lesquels tu as déjà donné ta vie !!! »

[Naxxramass]

La bataille faisait rage depuis plusieurs minutes entre Yuggoth et Noth, et pourtant aucun des deux combattants ne paraissait capable de prendre sérieusement l’avantage sur son adversaire.

Yuggoth, qui n’avait rien oublié de sa première mort (comme la plupart de ses frères et sœurs morts-vivants), voyait se répéter le combat durant lequel il avait perdu la vie. Mais cette fois, il ne se laisserait pas arrêter par les sentiments qu’il avait éprouvés pour l’homme qui lui avait tout appris.

Noth devait le sentir, d’ailleurs, car il cessa soudain ses attaques de glaces pour dire d’une voix sombre :
« Tu as changé, Yuggoth. Il y a beaucoup de haine et de rage en toi, à présent. »
Pour toute réponse, le démoniste projeta un petit météore enflammé en direction de son ennemi, que celui-ci évita d’un geste souple de la tête. Le projectile s’écrasa avec fracas sur le mur derrière lui, dans une gerbe de flammes.
« Et tu es aussi devenu plus fort. » ajouta-t-il.

Ce faisant, Noth projeta en direction du sol un rayon de glace qui s’enfonça dans les profondeurs de la pierre. Avant que Yuggoth n’ait pu réagir, des piques de glace jaillirent brutalement du sol sous ses pieds, le transperçant de part en part. Le démoniste sentit le sang lui remonter dans la bouche, mais n’y prêta aucune attention. Au contraire, ignorant la douleur et les blessures, il projeta de toutes ses forces un rayon de flammes qui transperça violemment la poitrine de son adversaire.
Noth grimaça et, perdant sa concentration, dissipa les pieux gelés qui empalaient son ex-disciple.
« Oui, reprit-il d’une voix sourde, tu as fais beaucoup de progrès. »

A son tour, il cracha du sang, laissant une flaque rouge vif par terre.
Soudain, des anneaux de glace s’élevèrent autour de lui en vibrant.
« Je ne croyais pas que j’en arriverais là, mais… Je vais avoir besoin d’aide. »

D’un seul coup, Noth disparut, tandis que les anneaux de glace s’écrasaient au sol avec un tintement cristallin.
Surpris, Yuggoth le chercha du regard, pour le retrouver au bout d’un instant sur la balustrade qui dominait le lieu de leur combat.

Le sorcier toisa un instant son adversaire, avant de tonner :
« Levez-vous, soldats ! Levez-vous et combattez une fois encore !!! »

Inquiet, Yuggoth vit alors les ossements qui parsemaient la scène se mettre à frémir, puis à se reconstituer. Rapidement, des chairs décomposées se ressoudèrent autour des os poussiéreux, et bientôt des bras cadavériques saisirent les armes abandonnées qui jonchaient le sol.
En seulement quelques secondes, Yuggoth se retrouva complètement encerclé par une armée de cadavres pourrissants qui le considéraient avec malveillance.

Mais ce n’est pas cela qui l’avait frappé d’horreur.
L’une des créatures, qui semblait se tenir avec un port beaucoup plus altier que ses congénères, tourna vers Yuggoth son crâne grimaçant encore recouvert d’une chair verdâtre mangée par les vers.
Un feulement étrange et guttural sortit de sa gorge.
« Yuggoth… » dit-elle.
Et pour cause.
Elle le connaissait bien.
Yuggoth venait de reconnaître son ancien compagnon, le valeureux Joseph Redpath.

« Regarde ce que sont devenus ceux que tu as voulu sauver !!! tonna Noth du haut du balcon. Comprends-tu maintenant la futilité de ton obstination ??? »
Yuggoth, muet d’horreur de découvrir le funeste destin de ses compagnons d’infortune, tous relevés dans les rangs du Fléau, ne répondit pas, mais deux nouvelles flammes brillèrent dans ses mains. Il releva la tête vers son ancien maître, une lueur de défi dans les yeux.
Enfin, il articula, lentement, en pesant chaque mot :
« Autrefois, vous m’avez gelé… Aujourd’hui, c’est à mon tour de vous réduire en cendres ! »

Noth le toisa un moment de ses yeux froids, avant d’ajouter :
« A ton aise. Il est temps de mettre un point final à l’histoire de Comté-de-Darrow. »

[Naxxramass]

Les nouveaux assaillants encerclaient Yuggoth de toutes parts. Le cercle enflammé qu’il avait invoqué autour de lui pour se mettre hors de portée avait beau brûler d’un feu d’enfer, il ne décourageait pas pour autant ses anciens compagnons, dont les âmes avaient de toutes façons été tellement torturées que la douleur physique était pour elles un soulagement.

Et pourtant, malgré toute la haine qui brûlait dans le cœur de Yuggoth, malgré la rage qui le tenaillait de découvrir quel funeste destin avait frappé ses compagnons…
Il ne pouvait se résoudre à affronter ceux qui avaient combattu si courageusement à ses côtés.
Non…
Tout était la faute de Noth !!!

Il pouvait encore accepter de tomber sous les coups de ses anciens alliés…
Mais le responsable de cette tragédie irait en enfer avec lui !!!

D’un geste décidé, Yuggoth concentra toute sa rage dans sa main droite. Un globe enflammé s’y matérialisa sous les yeux inexpressifs des esclaves de Noth, qui brûlait aussi ardemment que le soleil. Le feu paraissait presque liquide tant il était intense, et Yuggoth sentit que sa main elle-même prenait feu... Mais il était bien au-delà de la douleur. C’était véritablement la mort qu’il tenait dans le creux de sa main, toute la haine et la fureur de destruction que son cœur avait accumulées envers Noth durant tout ce temps.
D’un geste vif, il rompit sa barrière de flammes et projeta le globe en fusion en direction de son adversaire, ignorant tous les autres, sentant une joie sauvage en voyant le visage médusé de Noth fixer le projectile qui fonçait vers lui. Il sentait à peine les coups violents des serviteurs du sorcier qui pleuvaient à présent sur lui.
Il cracha un long jet de sang presque pâteux. Son corps ne résistait visiblement pas à l’invocation d’une telle puissance de destruction. Il n’en avait sans doute plus pour longtemps.

C’est alors que l’impensable se produisit.
D’un bond prodigieux, la goule qui avait autrefois été Joseph Redpath s’interposa entre Noth et le trait mortel de Yuggoth.
Celui-ci poussa un cri de rage désespérée en voyant le projectile enflammer son ancien compagnon, qui, sous le contrôle du Fléau, s’était sacrifié pour sauver son maître. Redpath, vaporisé en un instant par les flammes infernales, se transforma en un tas de cendres noirâtres à l’odeur insoutenable.
Le globe enflammé n’avait cependant pas disparu, et continua sa course vers Noth. Celui-ci, d’un geste purement réflexe, souffla un cône de froid qui réussit à ralentir le tir de Yuggoth, sans pour autant l’arrêter complètement. Le mage hurla lorsque le feu le brûla grièvement, mais Yuggoth avait déjà compris que son attaque ultime avait échoué. Noth était blessé, certes, mais l’intervention de Redpath lui avait épargné une mort abominable.

Cependant, malgré la douleur et l’épuisement qui ravageaient son corps ressuscité, Yuggoth avait lu sur le visage de Noth, lorsque Redpath s’était interposé, une surprise si franche et si totale qu’elle ne pouvait avoir qu’une seule explication : c’était de sa propre volonté, et non de celle du sorcier, que Redpath avait essuyé le feu destiné à Noth…
Il tomba à genoux, à bout de forces, tandis que du haut du balcon, Noth se relevait péniblement.
Autour du jeune démoniste, les esclaves du sorcier s’étaient figés, semblant attendre quelque chose. Yuggoth tenta de relever la tête. Sa vision se troublait.

« Souviens-toi… »
« Aide-nous… »
« Il faut que tu t’en souviennes… »
« Ce jour-là… »

Un chorus de voix fantomatiques se mêlait dans l’esprit de Yuggoth. Des voix qu’il avait entendues, lorsqu’il défendait son village avec ses amis.
Tous lui parlaient, le soutenant de leur mieux, le suppliant de se rappeler de quelque chose qu’il avait oublié.
Il ne comprenait pas.
Puis, une autre voix lui parla.

« Il ne mérite pas ça. »
Le temps parut soudain s’arrêter. Devant ses yeux flottait le spectre de Joseph Redpath.
« Qu’est-ce que tu veux dire ??? » s’écria Yuggoth, comme dans un rêve.
Le spectre sourit tristement.
« Souviens-toi de ce funeste jour. Souviens-toi de ce que tu as vu… sans le comprendre.
- Noth n’est pas responsable de ses actes… Ne comprends-tu pas ce qu’il a fait pour toi ???
- Il m’a tué !!! Il vous a tous tués !!!
- Non, c’est faux, répondit Redpath d’une voix grave. Noth n’a été que l’instrument de notre chute… Et il a tout fait pour te sauver.
- Quoi ??? rugit Yuggoth, ulcéré.
- Souviens-toi, Yuggoth. Regarde… » coupa le fantôme, implacable.

Subitement, Yuggoth, inexplicablement, se retrouva à Comté-de-Darrow, lors du siège du village par les forces du Fléau. Il comprit qu’il allait revivre les dernières secondes du combat qui l’avait opposé à son maître.
Redpath et lui, dans cette vision qui ne pouvait être qu’un rêve, se trouvaient à côté de Noth, qui projetait vers un Yuggoth plus jeune (et vivant) son souffle de glace.

« Oui, mon serviteur, résonna la voix de Kel’Thuzad. Lorsque votre cœur ne battra plus, vous accèderez enfin au véritable pouvoir. »
Yuggoth reconnut là les derniers mots qu’il avait entendus avant de mourir.
Et vit alors ce qu’il n’avait jamais vu jusque-là.

Noth pleurait.

« Comprends-tu, à présent ??? » résonna la voix de Redpath derrière lui, tandis qu’il contemplait la vision de Noth, qui luttait désespérément pour reprendre le contrôle de lui-même… Sans succès. Il ressentit le désespoir de son maître, juste avant que le Nécromancien ne gèle définitivement son cœur.
Et il comprit que tout ce temps, sa haine ne s’était pas focalisée sur le véritable responsable de la tragique destinée de Comté-de-Darrow.
Le jeune démoniste se tourna vers le fantôme de Redpath, qui le regarda et dit d’une voix grave et solennelle :
« Noth a voulu t’épargner ce qui nous est arrivé… Et c’est le seul moyen qui lui restait. Jusqu’au bout, il a voulu t’épargner la torture de l’esclavage du Fléau. Que tu ne commettes pas les mêmes erreurs que lui. »

Yuggoth se releva. Soudain, la vision s’estompa, et il se retrouva dans la salle de Naxxramass, encerclé par les serviteurs de Noth. Il regarda en direction du balcon, vers Noth qui s’était redressé et se préparait à nouveau à l’attaque.
La voix de Redpath résonna une dernière fois dans son esprit.
« Libère-le, Yuggoth. Libère-les tous.

Tu es leur seul espoir de rédemption. »

Yuggoth se releva.
Un changement fondamental venait de s’opérer en lui.

Une autre voix résonna à son tour , couvrant même le chœur de celles de ses compagnons de Comté-de-Darrow.
Une voix douce et majestueuse, que le démoniste reconnut immédiatement.

« Yuggoth… chuchota la Reine des Réprouvés.
Tu as compris que ta vengeance ne t’apporterait pas la victoire…
Et tu as su oublier ton désir de revanche, par amour pour celui qui t’a tout appris…

Souviens-toi, Yuggoth…
Même si notre cœur ne bat plus…
Nous ne devons jamais oublier ce que nous avons été.

Je suis très fière de toi…

A présent, il est temps de libérer Noth de l’esclavage qui l’a torturé si longtemps.
Déchaîne toute ta puissance !!! »


Sans dire un mot, le jeune démoniste point ses pouces et ses index en triangle devant sa poitrine.
Le Pyroclasme.
Une attaque si dévastatrice que même les meilleurs mages du feu ne la maîtrisaient pas complètement.
Et pourtant, Yuggoth n’avait pas peur.
La rage, la haine avaient totalement disparu de son cœur, à présent.
Il se sentait complètement apaisé.

Noth, de son côté, avait reconnu le signe incantatoire de son ancien élève et le regardait avec incrédulité.
« Qu’est-ce que tu fais ??? s’écria-t-il du haut du balcon. Tu ne… »
Yuggoth ne répondit pas. Il se contenta de relever la tête vers Noth…
Et lui sourit.

« Arrête !!! cria Noth, affolé. Tu ne peux pas invoquer le Pyroclasme !!! Comment pourrais-tu le maîtriser ??? »
- Je n’ai pas dis que je le maîtriserais, répondit Yuggoth d’une voix douce et sereine. Mais je dois vous libérer… Tous. Et vous savez que c’est le seul moyen… Car c’est ce que vous avez voulu faire pour moi. »
Noth, interdit, se figea, comme s’il se rappelait soudain de quelque chose.
Dans la salle en contrebas, tous les serviteurs de Noth, les anciens compagnons de Yuggoth, ceux pour qui il avait autrefois donné sa vie, s’agenouillèrent respectueusement devant celui-ci, attendant la salvation qu’ils avaient tant désirée.

Le jeune démoniste ferma les yeux… et libéra le Pyroclasme.

En un instant, tous les cadavres réanimés de ses compagnons se volatilisèrent, encore plus rapidement que Redpath quelques minutes auparavant. En une seconde, la salle fut littéralement noyée dans un feu blanc et or, qui enflamma tout et fit même fondre en partie la pierre des murs. La température devint insoutenable, comme si Yuggoth et Noth se trouvaient au cœur même de l’enfer.
Dans un réflexe désespéré, mû par son appartenance au Fléau, Noth s’entoura d’une gigantesque gangue de froid, tentant malgré tout de repousser l’attaque démentielle qu’avait libéré son élève.
Yuggoth, réouvrit les yeux pour voir le souffle de froid, de plus en plus faible, qui maintenait Noth hors des flammes.
Le sorcier était concentré de toute sa puissance pour repousser l’assaut… Et puis soudain, son regard croisa celui de son élève.

Et il sourit.

« Merci… » dit-il doucement.

Puis, il baissa le bras, cessant toute résistance.

Les flammes noyèrent la salle toute entière.

Noth gisait à terre, incapable de se relever.
Le Pyroclasme de Yuggoth l’avait définitivement brisé. Il respirait de plus en plus difficilement, et pourtant… Il se sentait heureux.
Enfin, la chaleur était revenue dans son cœur. Une chaleur mille fois plus puissante même que celle que Yuggoth avait déchaînée pour en finir avec lui.
Enfin…
Le sceau du Nécromancien avait enfin été brisé.

Des larmes lui montèrent aux yeux, pour la première fois depuis si longtemps.
Yuggoth…
Il était si fier de son élève.
Yuggoth avait réussi à résister à la corruption, là où Noth avait échoué, s’étant orgueilleusement cru suffisamment fort pour tromper Kel’Thuzad en infiltrant volontairement le Culte des Damnés…

Noth avait été l’un des premiers magiciens à s’apercevoir de l’apparition d’énergies malsaines un peu partout sur la surface d’Azeroth, et il avait le premier fait le rapprochement avec les horribles travaux de Kel’Thuzad, qui avait finalement été démasqué. Malheureusement, la mystérieuse disparition de celui-ci avait pris l’Académie de vitesse, et nul n’avait plus entendu parler du ténébreux mage. Mais, à la grande inquiétude de Noth, les auras maléfiques qui tourbillonnaient toujours parmi les étoiles ne laissaient pas l’ombre d’un doute : quelque chose continuait à œuvrer dans l’ombre…
Avec la découverte des premiers acolytes du terrible Culte des Damnés, Noth avait compris que ce quelque chose, quel qu’il fût, était passé à l’action... Et il s’était rapidement rendu compte que le seul moyen d’identifier leur adversaire serait d’infiltrer lui-même le camp ennemi, quitte à lui prêter une allégeance de façade. Il avait caché son projet à tous, car il savait fort bien que ses compagnons, et surtout son jeune protégé, l’auraient supplié de n’en rien faire.
Malheureusement, il s’était lourdement trompé sur plusieurs choses : l’origine du mal qui contrôlait le Culte des Damnés, l’étendue du pouvoir de Kel’Thuzad, qu’il avait eu l’horrible surprise de croiser à nouveau, et son propre attrait pour le pouvoir…
Et cela l’avait conduit à sa perte. Noth s’était laissé séduire par la puissance de destruction et la connaissance impie qui étaient à sa portée… Et il avait payé cette erreur très cher.

Il était devenu l’esclave de Kel’Thuzad, et avait sous son emprise participé à des actes abominables.
Mais plus que tout, il ne s’était jamais pardonné d’avoir tué son élève, en cette funeste journée, à Comté-de-Darrow.
Ce jour-là, devant l’atroce épreuve, tout son corps, tout son esprit avait tenté une dernière fois de se rebeller contre l’autorité de Kel’Thuzad… Mais c’était peine perdue, il l’avait rapidement compris. Alors, juste avant que l’étau de glace qui broyait son cœur n’annihile définitivement sa volonté…
Noth avait lancé le Tombeau de glace sur Yuggoth, pour en finir.
Yuggoth était mort, certes…
Mais il ne serait jamais l’esclave du Nécromancien, comme lui, Noth, allait le rester pour l’éternité, en paiement de ses crimes.
Tout aurait pu, aurait dû, en rester là.
Au moins, Yuggoth n’aurait pas à assister à la destruction du monde par les armées du roi-liche. Il ne payerait pas pour les erreurs de son maître.

Malheureusement, une autre personne s’en était mêlée. La reine banshee, Sylvanas Windrunner.
Il ne savait comment, elle avait réussi à ramener Yuggoth dans ses rangs.
Sur le moment, en apprenant la présence de son élève parmi les Réprouvés qui avaient rejoint le Fléau suite à la chute de la Dame Noire, Noth, l’ancien Noth, s’était réveillé pendant une seconde… Mais Kel’Thuzad, surpris et agacé de cette résurgence de son côté humain, avait à nouveau renforcé son emprise gelée sur lui.

Emprise qui venait enfin de disparaître définitivement. Car aujourd’hui, Yuggoth, à lui seul, l’avait libéré de l’esclavage, et l’avait définitivement réduit à l’impuissance, lui qui était devenu l’un des meilleurs serviteurs de Kel’Thuzad.
Oh, comme il était fier de son élève…

Lors de leur combat, Noth avait dit à Yuggoth qu’il était presque devenu son égal…
Et à présent, voilà qu’il l’avait dépassé… Et de loin.
Noth, malgré tous ses efforts, n’avait jamais pu même invoquer un Pyroclasme, même au faîte de sa puissance.

Dans son agonie, Noth réussit à sourire. Peu importait qu’on le considère comme un traître, même si ses intentions originelles étaient bonnes…
Il savait que rien ne pourrait racheter ce qu’il avait fait… Mais à présent, il avait confiance. Enfin.
Yuggoth et ses compagnons allaient détruire Kel’Thuzad et ses serviteurs.
Il en était certain.

Sans pour autant parvenir à se redresser, il lança d’une voix faible à Yuggoth, qui, toujours debout, le regardait sans dire un mot :
« Je ne suis plus ton maître, à présent, Yuggoth… Tu m’as dépassé. Tu as su puiser en toi, dans les sentiments qui habitent toujours ton cœur, la force de me terrasser, moi à qui la puissance impie de Kel’Thuzad a été confiée…
Tu as finalement appris la seule leçon que je n’ai pu retenir.
Ne l’oublie jamais…

Je suis heureux…
Je sais maintenant que Kel’Thuzad va tomber.
Tous mes vœux vous accompagnent, héros.

Yuggoth…
J’aurais tant voulu t’éviter tout cela….
Pardonne-moi…
Pardonne-moi… Mon fils. »

Un dernier frisson le parcourut.
Il tenta de relever la tête, sans succès.
Soudain, il eut l’étrange impression que quelqu’un se penchait sur lui. Il ne pouvait que se tromper, et pourtant… Il aurait juré voir la silhouette d’une femme aux yeux d’argent, une reine vêtue d’une longue robe noire, accroupie près de lui pour lui caresser doucement la joue.
Dans son cœur, la chaleur salvatrice parut emplir le monde, et noyer tout.

« Cette chaleur… J’avais oublié… » murmura-t-il.
Il ferma les yeux en souriant.

Oui…
Malgré toutes ses erreurs…

Avec de tels héros pour le défendre…
Un jour, l’avenir serait à nouveau radieux pour le monde d’Azeroth.

[Plus loin, dans Naxxramass]

Les Saigneurs Ecarlates avançaient rapidement le long de lugubres couloirs, évoluant le plus silencieusement possible au sein de l’hostile forteresse du Nécromancien.
Soudain, une exclamation étranglée de désespoir résonna dans le couloir.
Looping, surpris, s’arrêta et se tourna vers celle qui venait de la pousser.
Talnya, les yeux emplis de stupeur et d’une indicible tristesse, considérait, les larmes aux yeux, une minuscule flammèche orange-jaune qui voletait lentement autour d’elle. Au bout d’un moment, la petite flamme se posa délicatement dans la paume de la main de la jeune trollesse.
Ses yeux se voilèrent de larmes tandis que ses lèvres commençaient à trembler.

https://www.youtube.com/watch?v=vUeDJ-Uhnxk
Theme : Seiji Yokoyama – Aria of the Three

« Non… murmura-t-elle.
- Une flamme… ici ? Par ce froid ? demanda Yashna, interloqué. Qu’est-ce que… »
A côté de Talnya, Elerin venait elle aussi de comprendre la tragédie qui venait d’avoir lieu. Son cœur venait de s’emplir d’un froid intense, elle qui, grâce au rituel vaudou du vieux Vol’Jin, avait harmonisé son âme à celle du vaillant Yuggoth pour le libérer de l’emprise de Kel’Thuzad. Comme Talnya, ses yeux s’emplirent de larmes.
« Il est venu nous dire au revoir. » dit doucement Osiatus, interrompant le guerrier, en posant la main sur l’épaule de sa protégée. Elle tourna les yeux vers lui. Le visage du vieux mage était grave et solennel. Dans la main de Talnya, la flammèche brilla soudain un peu plus fort, comme si elle acquiesçait.
A leur tour, les visages des lanceurs de sorts s’éclairèrent de la même sinistre compréhension qui avait envahi Talnya et Osiatus.
« Qu’est-ce que cela signifie ? » demanda Looping, qui, frappé lui aussi d’un horrible pressentiment, avait peur de comprendre où voulaient en venir ses compagnons.
- Son énergie a transcendé la mort pour revenir… C’est incroyable… souffla Etanol, d’un ton empreint à la fois de respect et de chagrin.
- Qu’est-ce que tu veux dire ? Que s’est-il passé ??? » redemanda le guerrier. Il aurait souhaité ne jamais avoir à poser cette question.
Ce fut finalement Elerin qui lui répondit.
« Tu n’as pas compris, Looping ? demanda-t-elle d’une voix brisée. Yuggoth… a perdu la vie.
- Que… Tu veux dire… Que Noth a gagné ? demanda Yashna, horrifié.
- Non, répondit Osiatus en secouant la tête.

Yuggoth a terrassé son adversaire…
Mais il n’a jamais eu l’intention de sortir vivant de ce combat. » ajouta-t-il d’une voix sombre.

Après un instant, tandis que tous prenaient conscience de la tragique nouvelle, le mage continua, du même ton triste et solennel.
« Yuggoth a compris que le temps nous était compté. Il a choisi de sacrifier sa vie pour que nous puissions atteindre le Nécromancien avant que ses armées ne nous rattrapent.

Il savait qu’il n’avait aucune chance de nous rejoindre.

Et cette flamme… Son dernier souffle de vie… C’est son dernier message d’espoir à notre intention. » ajouta-t-il tandis que la flammèche quittait la paume de Talnya pour s’élever vers le ciel.

Tous regardèrent en silence, brisés de chagrin, la minuscule flamme disparaître progressivement à leurs yeux tout en continuant à s’élever dans les airs.

Lorsque la dernière parcelle de l’âme de Yuggoth se fut volatilisée, Looping crispa les poings de rage.
A nouveau, un valeureux combattant était tombé pour que le monde ait une chance de vivre.

« Bien des âmes courageuses ont donné leur vie dans cette guerre qui nous oppose à Kel’Thuzad. Mais pas un de ces héros ne sera oublié. Les générations futures chanteront leurs louanges !!! » dit Fichtres d’une voix solennelle, tremblante d’émotion, dans le silence qui s’était installé. Sa voix résonna étrangement dans les lugubres couloirs glacés de la citadelle.

Looping releva la tête. Son regard était empreint d’une résolution furieuse.

« En route, dit-il simplement. Maintenant, nous avons un ami de plus à venger.»

Toujours debout malgré les mortelles blessures que lui avait infligé son Maître sous l’influence maléfique du Fléau, Yuggoth contemplait avec respect le cadavre de celui qui lui avait tout appris.

Il songea à ses amis, les Saigneurs Ecarlates, sur qui reposaient à présent tous les espoirs du monde.
Sans doute avaient-ils maintenant compris qu’ils ne le reverraient jamais.
Il espérait simplement que le répit qu’il leur avait offert en affrontant Noth seul leur permettrait de prendre de vitesse les forces de Wodo et de ses sbires possédés par Kel’Thuzad.

Même d’ici, il pouvait sentir leurs auras noires qui s’approchaient de la forteresse. C’était sûr, maintenant : l’ennemi avait compris ce qui se passait à Naxxramass.
Quand à Ivy… Il ne fallait pas qu’elle s’inquiète.
Elle avait raison : Farfadet était toujours en vie. Il le sentait.

Malheureusement, Yuggoth, lui, ne pourrait rien faire de plus pour ses compagnons.

Il reporta les yeux sur le corps inerte de son mentor.
A présent, toute la haine et toute la rage qu’il avait accumulées pendant toutes ces années l’avaient quitté.
Enfin, il avait compris ce que Noth avait essayé de faire pour lui.

« Maître, songea-t-il.
Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours voulu vous ressembler. Avoir été votre élève a été pour moi le plus grand des honneurs.
Et malgré les terribles erreurs que vous avez commises, je ne pourrai jamais oublier que vous avez été jusqu’à donner votre vie pour m’enseigner l’ultime leçon. Vous avez voulu croire en mes compagnons et moi pour racheter vos fautes et celles de ceux qui, comme vous, ont été dupés par le Nécromancien. »

La chaleur dans la salle était devenue infernale. Les vêtements de Yuggoth commençaient à roussir.
Le démoniste sourit.

« Vous pouvez partir en paix, Maître Noth. » murmura-t-il doucement, en jetant un regard distrait au feu qui l’encerclait complètement. Il ne ressentait plus aucune douleur. Seule une joie paisible avait envahi son cœur, occultant toute souffrance. Malgré la chaleur, des larmes roulèrent sur ses joues.

« Les Saigneurs Ecarlates, j’en suis sûr, triompheront de Kel’Thuzad, reprit-il sereinement, indifférent aux flammes qui embrasaient maintenant son corps.
Mais…
Contrairement à ce que vous pensiez…

C’est ensemble, depuis l’autre monde, que nous assisterons à leur victoire.


Saigneurs Ecarlates…
Tout repose désormais entre vos mains. Ne vous retournez pas…
Le temps presse.

Adieu, mes amis.


Attendez-moi, Maître…
J’arrive. »

Il s’effondra, tandis que le feu noyait toute la salle dans sa robe de destruction purificatrice.

[A SUIVRE…]

preum's

Ma mamoureuse elle déchire tout

la chanson douce fait tout moi je dit

Sympa, bravo

youpi!!

Comme dirait le fils de mon patron qui approche ses 15 ans...
Tu déchire !
Ca déboite !

C'est trop top




Comme d'hab

t'es trop forte chef et je suis trop fort aussi


P.S. ouinnn ouinnn trop triste la fin