Chroniques écarlates (16)

Deux

Theme : Within Temptation feat. Keith Caputo – What have you done
https://www.youtube.com/watch?v=gEgXDhiayz4


Farfadet, mortifié, se lança sur sa bien-aimée Ivy, l’arme à la main.
Celle qu’il avait laissée, quelques heures plus tôt (et également quelques années plus tôt, lui soufflait son esprit désorienté), sous la protection d’un autre, se dressait à présent devant lui, avec la ferme intention de l’éliminer, comme elle avait déjà visiblement massacré leurs compagnons des Saigneurs Ecarlates.
Comment était-ce possible ? se lamentait-il intérieurement. Comment la situation avait-elle pu dégénérer à ce point ?
Il avait cru que l’épreuve qu’il avait dû traverser dans les Grottes du Temps aux côtés de Chronormu et d’Erozion était la pire torture qui soit…
Mais il découvrait avec accablement que cela n’était rien à côté de l’épouvantable choix qui s’offrait maintenant à lui.

Malheureusement, songeait-il, il n’y avait pas d’alternative. Ivy, en rejoignant le camp de Kel’Thuzad, était devenue une menace bien trop dangereuse pour pouvoir rester en vie. Les corps de leurs amis qui jonchaient le champ de bataille en étaient une preuve plus que suffisante.

Les avait-elle tous tués à elle seule ? se demanda soudain Farfadet, se raccrochant à un minuscule rayon d’espoir. N’avait-elle pas été aidée ? Etait-elle vraiment une menace si terrible ? N’y avait-t-il pas moyen de l’épargner ?
En proie à ce doute affreux, Farfadet fit décrire à la Quel’Serrar un arc de cercle mortel en direction de la tête de sa femme.

Le choc fut bref, puissant et inattendu. Farfadet regarda son épée, incrédule. Ivy avait arrêté la course vengeresse de la lame elfique en en attrapant le tranchant d’une main !
« Tu hésites, mon cœur, ricana Ivy. Tu retiens tes coups. C’est dommage. J’aurais espéré qu’un fier guerrier comme toi aurait choisi de m’éliminer le plus vite possible, tant qu’il le pouvait. »
Ivy repoussa soudain la Quel’Serrar, et lança un trait de l’ombre à bout portant sur son mari, le projetant dans le mur une dizaine de mètres plus loin.
Farfadet, sonné, se releva pourtant, encore stupéfait de la puissance de la démoniste déchue. Une lame qui ne l’avait jamais trahi ! Comment était-ce possible ? Comment son épouse avait-elle pu bloquer l’attaque… à main nue ???
« Je vais te laisser une dernière chance, ajouta-telle en souriant méchamment. Frappe ! Je ne me défendrai pas. » dit-elle en tendant le cou, offrant ainsi sa gorge à son adversaire.
Ses yeux rouges pétillaient d’une joie sauvage. La jeune femme semblait s’amuser énormément.


Le guerrier se prépara à nouveau à l’attaque.
Non, elle n’avait pas été aidée, songea-t-il tandis qu’une nouvelle lame de désespoir lui traversait le cœur. Sa résurrection par Kel’Thuzad lui avait conféré de terrifiants pouvoirs… Elle semblait encore plus dangereuse que l’entité qui s’était réveillée en elle en cette funeste nuit, à la Main de Tyr, plusieurs mois auparavant.
Et c’était donc uniquement elle la responsable de la mort de ses compagnons. Même si au travers d’elle, c’était Kel’Thuzad le véritable ennemi.
Farfadet croyait même l’entendre rire de lui, devant l’horrible dilemme qu’il lui infligeait.


« Oh, une dernière chose, mon amour, si cela peut te motiver un peu plus... N’espère pas pouvoir ressusciter nos amis tant que je serai en vie, ajouta-t-elle négligemment.
- Que veux-tu dire ? demanda Farfadet, très pâle d’un seul coup.
- Simplement que leur âme m’appartient, désormais, dit la démoniste qui sortit de sa tenue un de ses fragments d’âme. Dis bonjour à Sapristi ! Ou plutôt… A ce qu’il en reste. », ricana-t-elle, jouant avec le fragment qui renfermait la dernière parcelle de l’âme de la prêtresse trolle.
Le joyau lança un triste éclat violet dans la lumière faiblissante du jour.

Ce dernier coup du sort acheva de décider Farfadet. Il mourait d’envie de croire qu’elle bluffait… Mais savait que ce n’était pas le cas.
Son esprit tourmenté ne cessait de bondir entre les deux images qu’il avait de son épouse.
La jeune fille innocente et pleine de vie qu’il avait quittée après le terrible combat contre les forces du Vol Infini…
Et la morte-vivante aux yeux sanglants qui se dressait maintenant devant lui en ricanant, dont la beauté glaciale n’avait plus d’égale que sa cruauté.

Oui…
Le farouche guerrier avait pris sa décision.
Dusse-t-il le regretter jusqu’à la fin de ses jours, Ivy allait retourner là d’où elle n’aurait jamais dû revenir… Une seconde fois.

« Je vois que tu t’es finalement décidé, mon chéri. Approche ! » s’exclama la démoniste d’un ton joyeux, tandis qu’un vent glacial balayait la scène, faisant virevolter la cape d’Ivy autour d’elle.

Arràgon tentait péniblement de se redresser.

Quelle adversaire terrifiante ! songeait-il avec effroi.
Il n’arrivait pas à concevoir comment une simple morte-vivante pouvait posséder une puissance de feu aussi colossale, ni maîtriser des techniques perdues depuis si longtemps par le peuple des elfes.
Il réussit à se mettre à genoux en grimaçant de douleur.
Il le savait, il ne devait sa survie (très temporaire, il en avait peur) qu’à son statut si particulier. Toutefois, même « avant », il aurait été totalement impuissant face à un tel déferlement d’énergies maléfiques.
Lorsqu’il aperçut le guerrier orc debout face à la démoniste, la stupéfaction lui ôta tout mot de la bouche, gelant jusqu’à ses pensées pendant quelques instants.
Malgré le chaos de la situation, il avait immédiatement compris qui était ce nouveau venu qui affrontait Ivy en combat singulier : le fameux Farfadet avait enfin fait son apparition.
Mais ce n’était pas cela qui l’avait frappé de stupeur.

L’orc tenait en main une arme qu’il aurait cru ne jamais revoir.
Et celle-ci, qui rayonnait d’une manière que seul Arràgon pouvait ressentir, ne laissait aucun doute.

« La Quel’Serrar… » murmura-t-il, ébahi.
Comment l’arme avait pu se retrouver entre les mains d’un orc, voilà qui était un mystère. Mais là n’était pas l’important.

Il le sentait…
Enfin, la dernière lame qu’il avait forgée avait trouvé son maître.
Le paladin ne s’attendait certes pas à découvrir en un jour si funeste celui qui saurait manier la dernière épée qu’il avait créée…
Dans son autre vie.
Subitement, et contre toute attente, un espoir fou envahit son cœur.

Si Farfadet était bel et bien entré en résonance avec la Haute Lame…
Alors même Ivy ne pourrait pas l’arrêter.

[Terres fantômes, au même moment]

La jeune chasseuse leva la tête, songeuse.

Cela faisait bien des lunes qu’elle s’était aventurée, seule, sur ces contrées corrompues, ravagées par l’inlassable guerre des vivants contre les morts.
Elle avait réussi à survivre, comme son père le lui avait appris, avec l’aide de son fidèle loup blanc apprivoisé, Yotsuba, au milieu d’un conflit qui ne la concernait pas.
Seul comptait ce que le vieux Al’Tabim, Celui-Qui-Voit-Tout, lui avait révélé, à elle.
La Traqueuse.

Elle avait mis très longtemps à suivre la piste de sa cible… L’une des plus terribles menaces qui aient jamais pesé sur son peuple.
Et enfin, elle sentait qu’elle touchait au but.

A côté d’elle, Yotsuba s’était figé, en attente des ordres de sa maîtresse.
Elle sentait cependant que l’animal était loin d’être rassuré. Et comme elle le comprenait !
Cet endroit empestait la mort.

Cela étant, il n’était pas surprenant que ce soit ici que l’Adversaire ait choisi de se terrer.

Au loin, plus au Nord, elle entendait les clameurs d’un combat enragé. En tendant l’oreille, elle comprit. Des explosions, des bruits de roches…
La ville de ceux qui avaient chassé son peuple de ces terres devait être attaquée.
Elle eut un léger sourire moqueur.
Enfin, quelqu’un rendait aux Elfes maudits la monnaie de leur pièce !

Soudain, un rayonnement qu’elle n’aurait jamais pu concevoir de rencontrer ici se fit sentir.
Elle prit quelques instants pour se concentrer.

Non, il n’y avait pas d’erreur possible.
Son père était là-bas.

Que diable Vol’Jin le Vénérable pouvait-il faire à Lune d’Argent, la cité qui était une insulte vivante à son peuple ?
Que s’était-il passé depuis son départ ? Le Chasseur des Ombres était-il prisonnier des Elfes ???

Il y avait si longtemps qu’elle avait quitté son père… Depuis que sa quête avait commencé, elle n’avait plus donné signe de vie à quiconque.

Il fallait qu’elle en ait le cœur net.
Elle reviendrait ici dès que possible. Son rôle de Traqueuse était encore plus important que la vie de son père, certes… Mais elle ne pourrait se pardonner de l’avoir abandonné à ces misérables sous-êtres aux yeux verts et aux oreilles pointues.
En dépit même de ce que Vol’Jin leur avait fait, à elle et à sa mère.

L’angoisse au cœur, Azena se dirigea au pas de course vers le Nord, vers les clameurs du combat…
Vers son père.

Arràgon regardait, fasciné, la trajectoire sifflante de la Quel’Serrar, dont l’arc de cercle mortel allait finir sa course au plus profond de la gorge d’Ivy. Le tranchant effilé de la Haute Lame brillait de mille feux.
Lorsque l’arme frappa sa cible, un éclair éblouissant le força à détourner un instant les yeux.

Mais le bruit métallique qui retentit à cet instant ne ressemblait pas du tout à ce que l’elfe s’attendait à entendre.
Posant à nouveau les yeux sur Farfadet et son arme resplendissante, le paladin sentit la terreur s’immiscer dans son cœur.

Le guerrier, stupéfait, contemplait sans y croire la poignée de la Haute Lame, seul morceau de l’arme qui lui restait en main.
Le reste de l’épée gisait à terre, inerte. Le feu qui l’habitait s’était subitement éteint.

« C’est… impossible… » murmura Arràgon.

La Quel’Serrar avait été brisée.

Non !!! songeait Farfadet.
Cette lame avait même transpercé les écailles du terrible Nefarian ! Comment avait-elle pu se briser ???

Toujours paralysé par la stupéfaction, Farfadet leva les yeux sur sa femme, horrifié.
Il ne pouvait y croire, et pourtant c’était la réalité : la lame de Farfadet venait de se briser sur de sinistres ailes grises membraneuses, pareilles à celles des chauves-souris, qui avaient soudain fait leur apparition dans le dos de sa compagne, et dont elle venait de se faire un bouclier pour intercepter la trajectoire de l’épée.

Avec une grimace de douleur, Ivy se redressa, redéployant ses ailes autour d’elle avec aisance, comme si elle les avait toujours possédées.
La gauche, celle qui avait heurté et brisé la lame du guerrier, projeta une longue gerbe de sang autour d’elle. Ivy regarda un instant le sang qui coulait de la blessure de son aile, puis reporta son attention sur son époux.

« Aïe. » commenta-t-elle simplement.

Elle avait cependant abandonné le ton faussement espiègle qu’elle arborait depuis le début du combat.
A présent, elle voulait en finir.


« Je n’aurais jamais cru que tu souhaiterais réellement ma mort, mon amour, reprit-elle d’une voix sombre.
Cela m’arrange, en fait. » ajouta-t-elle en faisant un pas vers lui.
L’ombre de ses ailes menaçantes se projeta sur Farfadet, toujours incapable du moindre geste, effaré de voir ce qu’Ivy était devenue.

« Je n’en aurai que moins de remords à t’éliminer. »

Elle leva sa main, qui se mit à briller d’une lugubre lueur violette.

« Tu vas rejoindre les autres…
Et tout sera fini. » reprit-elle doucement, presque tendrement.

[Terres fantômes]

Lioness chevauchait à bride abattue. Bucéphale, son destrier consacré, filait comme le vent, peu incommodé par la présence pourtant inhabituelle de deux cavalières.
Cramponnée à la paladin, Solarian avait de plus en plus de mal à garder conscience. Il n’y avait pas un instant à perdre.
L’éloignement de la Flèche de Solfurie, combiné à l’harassant combat auquel elles avaient participé à la Chapelle de l’Espoir de Lumière, étaient sur le point d’avoir raison des dernières forces de la valeureuse astromancienne. C’était ce qui avait poussé Lioness à quitter le camp de l’Aube d’Argent en toute hâte, confiant temporairement Teela à la surveillance du Duc Nicholas Zverenhoff.
« Courage, mon amie, murmura-t-elle. Nous ne sommes plus très loin. ».

Elle savait déjà qu’il lui faudrait à nouveau passer la barrière des morts-vivants qui assiégeaient Lune d’Argent sans perdre une seule seconde… Mais elle comptait sur le lien qu’elle partageait avec sa sœur Liadrin pour que celle-ci perçoive son arrivée assez rapidement pour leur ouvrir les portes.
Pari risqué, certes, chose que Dame Lioness, qui préférait de loin la réflexion à l’action précipitée, avait en horreur…
Mais à situation désespérée, solution désespérée.

Un mouvement sur sa droite attira subitement son attention.
Ses réflexes furent suffisamment prompts pour dévier la flèche qui filait vers la tête de Solarian d’un revers de son gantelet blindé… Mais pas assez pour empêcher Bucéphale de se cabrer, les projetant toutes deux à terre avec violence.
Lioness concentra immédiatement sa force télékinésique afin d’amortir le choc pour l’astromancienne, pour qui même cette simple chute aurait pu se révéler mortelle, vu l’état de grande faiblesse dans laquelle elle se trouvait.
L’attention ainsi monopolisée, la Matriarche ne vit pas l’ombre se jeter sur elle. Avant qu’elle n’ait pu esquisser le moindre geste vers son marteau, une lame pesait sur sa gorge.

« Qu’avez-vous fait de lui ??? » murmura son assaillante.
Etourdie, Lioness ne sut que répondre.
Certes, elle avait compris à quel peuple appartenait son adversaire, dont les plumes tribales pendaient le long de ses tresses jusqu’à lui chatouiller le nez.
Une trollesse.

Il ne manquait plus que cela, songea-t-elle avec dépit.
C’était bien le moment de tomber sur une trollesse dissidente. Sans doute l’une des exilées qui avaient refusé l’entrée des Elfes de Sang dans la Horde, et qui avaient préféré quitter leur patrie que d’accepter leurs anciens ennemis dans leurs rangs.

« Qu’avez-vous fait de Vol’Jin ? » répéta la trollesse, en appuyant davantage sur la lame.

D’un coup d’œil rapide, Lioness vit un loup de près de deux mètres, aux aguets, au pelage aussi blanc que la neige de la vallée d’Alterac, qui toisait Solarian, toujours inanimée.
Une chasseuse, donc, songea la paladin. En revanche, comment savait-elle…

« Vol’Jin… est à Lune d’Argent. » répondit-elle dans un souffle.

Aussitôt, la lame se fit plus lourde sur sa gorge.
« Ne me dis pas ce que je sais déjà, oreilles pointues, répondit son assaillante avec mépris. Pourquoi l’avoir capturé ? Que voulez-vous de lui ??? »
Lioness, malgré les efforts de la trollesse, agrippa la lame de la main et commença à la repousser. Le sang coula dans sa paume, et elle serra les dents.
Enfin, elle finit par se dégager suffisamment pour expédier un violent coup de pied dans l’abdomen de la chasseuse accroupie sur elle. Mais celle-ci, agile comme un chat, esquiva le coup et bondit en arrière.
D’un bond, Lioness se redressa elle aussi et la fusilla du regard, sans pour autant perdre de vue le loup, qui s’était ramassé sur lui-même, visiblement prêt à se jeter sur elle au moindre signe de sa maîtresse.

Les deux femmes s’observèrent un long moment sans rien dire, chacune à l’affût du plus petit mouvement de l’autre.
Puis, la Matriarche finit par répondre.
« Nous n’avons pas capturé Vol’Jin, dit-elle avec fermeté. Il est venu de son plein gré à Lune d’Argent pour…
- De son plein gré ? coupa la trollesse avec méfiance. Impossible. Comment…
- Nous sommes à présent dans le même camp, que tu l’acceptes ou non, peau-verte, répliqua immédiatement la Matriarche, alarmée par le fait que Solarian n’avait toujours pas bougé. Je n’ai pas le temps de…
- Dans le même camp ??? » s’exclama la chasseuse, interloquée.

Lioness, de par son affinité à la Lumière, savait généralement lorsqu’on lui mentait ou non. L’étonnement qui s’était peint sur le visage de son ennemie n’était pas feint. La paladin réalisa subitement qu’elle se trouvait peut-être en présence de la seule membre du peuple troll qui ignorait totalement de quoi elle parlait.
Où diable avait pu être cette femme pour ne pas savoir que les Elfes avaient rejoint la Horde ?

Peu importait pour l’instant, songea-t-elle. La situation était trop grave pour parler politique avec une inconnue.
« Suis-moi à Lune d’Argent, dit Lioness avec fermeté. Tu y trouveras le Chasseur des ombres… Et il t’expliquera bien des choses qui semblent t’échapper pour l’heure. »
La chasseuse hésita un moment avant de répondre, continuant à toiser la Matriarche avec méfiance.

« Il y a une guerre là-bas, répondit-elle lentement, comme si elle tentait de se convaincre elle-même en même temps qu’elle parlait. Dans quoi veux-tu m’entraîner ?
- C’est une des choses que Vol’Jin pourra t’expliquer en détail, répondit Lioness. Si tu veux le voir, suis-moi. Sinon, disparais de mon chemin !
- Je vais te suivre, oreilles pointues, répondit la trollesse après un silence. Et si tu m’as menti… Je te tuerai. »
Lioness, qui s’était ostensiblement détournée de la chasseuse pour relever Solarian toujours inconsciente, répondit sans se retourner, d’un ton de défi qui transparaissait habituellement beaucoup plus chez sa fille Oniri que chez elle :
« Tu essaieras sans doute, peau-verte. Y arriveras-tu, c’est une autre histoire. »

[Stratholme]

« Attends, Ivy !!! » résonna soudain une voix.

La démoniste se figea, la main levée. Un léger sourire flotta un instant sur ses lèvres, avant de s’évanouir. Ses ailes attirent furieusement l’air, soufflant un air glacé au visage de son époux.
Tout en elle indiquait la contrariété… Mais Farfadet lisait plus dans son regard rougeoyant une joie malsaine qu’une véritable surprise.

Dans le dos d’Ivy, sous les yeux d’un Farfadet stupéfait, le cadavre calciné de Sheogorath se relevait lentement.
Sans se retourner, la morte-vivante lança, avec un sourire cruel :
« Tiens ? Tu n’es toujours pas mort ? »

Le démoniste, sans répondre, se redressa complètement. Son corps, entièrement carbonisé, fumait encore de l’attaque démentielle qu’Ivy avait retournée contre lui. Et pourtant, même cela n’avait pu éteindre la flamme qui brûlait dans ses yeux. Sa main mécanique, toujours intacte malgré l’état du reste de son corps, lança une fois de plus son cliquetis sinistre.
« Des ailes démoniaques, murmura-t-il. C’est ça qui t’a protégée de la pluie de feu… J’aurais dû m’en douter. » commenta-t-il simplement, d’une voix sifflante et laborieuse. Son corps ravagé d’atroces brûlures commençait déjà à se régénérer à vue d’œil, observa Farfadet malgré la situation. Apparemment, l’étrange phénomène de guérison auquel ils avaient déjà pu assister dans la forteresse de l’Aile Noire, plusieurs mois plus tôt, avait gagné en vitesse chez le redoutable démoniste.

Sans pour autant se tourner vers lui, continuant à dévisager son époux, Ivy rit doucement, amusée.
« Surpris ? » demanda-t-elle, une joie sauvage faisant luire ses yeux rouges.
Sheogorath ne répondit pas immédiatement. Mais lorsqu’il le fit, le sourire de la démoniste se volatilisa d’un seul coup.

« Je te connais, murmura Sheogorath. Je t’ai déjà vue… Qui es-tu ? »
Tout à coup, ce fut plus qu’une grimace de contrariété et de surprise qui passa sur le visage d’Ivy. Ses ailes frémirent dans son dos.
Elle se retourna d’un bond, comme si son adversaire revenu (une fois de plus) d’entre les morts l’avait giflée.
« Quoi ??? répondit-elle, criant presque.
- Je t’ai déjà vue, là-bas, reprit le démoniste de la même voix épuisée, tandis que se peignait sur les visages d’Ivy et de Farfadet la même stupeur horrifiée. Tu n’es pas Ivy… Alors qui es-tu ?
- Qu’est-ce que tu… » commença-t-elle, sans réussir à finir sa phrase. Pour la première fois, Ivy semblait avoir perdu l’assurance qui ne l’avait pourtant pas quittée depuis le début du combat.
Devant le silence de son ennemie, Sheogorath réussit à son tour à sourire, de ce même air froid et hautain qui ne le quittait quasiment jamais. Mais l’intense lueur d’intérêt dans ses yeux n’avait pas changé.
« Fascinant, reprit-il d’une voix songeuse. Tu n’en as même pas conscience…
- Quoi ??? cria Ivy.
- Ce… Ce n’est pas… Ivy ??? » demanda Farfadet dans un souffle, refusant de voir s’embraser à nouveau l’espoir insensé qui venait de se rallumer dans son cœur.
Sheogorath lui jeta un coup d’œil perçant.
« Pas celle que tu as épousée, en tout cas, répondit-il d’un ton sec. Ivy est là, quelque part, enfermée à l’intérieur de ce corps… Mais pour l’instant, nous faisons face à la chose que tu as vue se réveiller face à Démétria.
- Démétria… Mais comment sais-tu que… commença l’orc.
- Moi aussi, j’étais à la Main de Tyr cette nuit-là, dit doucement le démoniste. J’ai vu le monstre qui vit en elle…
Et je savais qu’un jour, nous devrions lui faire face. » ajouta-t-il d’une voix sombre.

« Un monstre ? » demanda Ivy avec un sourire malveillant. « Est-ce ainsi que tu me vois, Sheogorath ? continua-t-elle, amusée. Et que dire de toi, tant que nous y sommes ? Toi qui n’œuvres que dans ton propre intérêt ? Crois-tu réellement que tes actes soient ceux d’un preux chevalier, d’un défenseur du Bien ??? »
Le démoniste ne répondit pas, mais son regard n’avait pas cillé devant la réponse de son ennemie.
Ivy se désintéressa de Farfadet et se retourna vers Sheogorath, ses ailes dressées derrière elle.
« Tu tiens décidément à périr avant Farfadet, reprit-elle avec mépris. Qu’il en soit ainsi. Que le plus maléfique de nous deux l’emporte ! »

Sans crier gare, Ivy projeta de la main gauche un torrent d’énergie noire sur Sheogorath, qui bloqua le rayon des deux mains. L’impact le fit reculer de plusieurs mètres, tandis qu’une bourrasque d’air déplacé par le choc arrachait plusieurs pierres aux restes des remparts de Stratholme.
La concentration la plus intense se lisait sur le visage de Sheogorath, alors qu’Ivy, de son côté, avait l’air de profondément s’ennuyer.
Elle projeta subitement sa main droite vers le sol. Un cercle blafard de couleur verte se matérialisa en un instant à ses pieds, juste avant qu’elle ne se volatilise. Surpris, Sheogorath se redressa, cherchant son adversaire. Lorsque la main d’Ivy lui perça le dos pour ressortir par sa poitrine, projetant une gigantesque gerbe de sang en tout sens, le démoniste se raidit.
« On dirait que tu avais raison, Sheogorath, murmura-t-elle à l’oreille du démoniste, tandis que ses ailes les entouraient tous deux comme pour les mettre à l’abri de regards indiscrets.
- Tu… es… articula lentement le démoniste, s’étouffant dans son sang.
- Un monstre, compléta-t-elle à voix si basse que seul Sheogorath l’entendit. Oui, peut-être bien. »
D’une secousse, Ivy se débarrassa du démoniste qui s’effondra lourdement face contre terre. Ivy lui jeta un coup d’œil distrait, avant de lisser ses longs cheveux blonds avec application, y laissant les traces du sang de Sheogorath qui ruisselait sur ses mains. Ses ailes battirent l’air avec élégance. Puis elle tourna à nouveau son regard de braises vers Farfadet, qui n’avait toujours pas bougé devant le terrifiant spectacle.

« Reprenons. » dit-elle doucement.
Elle leva la main vers lui, tandis qu’une lumière violette commençait à y pulser.
Lorsqu’elle projeta vers lui son rayon mortel, Farfadet n’arrivait toujours pas à esquisser le moindre mouvement. Les paroles de Sheogorath l’avaient troublé au plus haut point. Il ne savait pas s’il affrontait son épouse ou… Autre chose.
Le sang gicla lorsque le trait d’Ivy atteignit son but.

[Remparts de Lune d’Argent]

Azena, sans se l’avouer, était impressionnée.

L’elfe qu’elle avait rencontrée sur son chemin vers Vol’Jin était une puissante combattante, elle le découvrait à présent.

Elle l’avait suivie avec méfiance, incapable d’admettre qu’elles étaient à présent dans le même camp, comme celle-ci le prétendait. Cependant, de longues années de traque avaient appris à la chasseuse à se fier à ses intuitions, et malgré le mépris qu’elle éprouvait pour cette femme aux oreilles pointues, elle avait eu l’impression qu’elle lui disait la vérité.
En approchant de la capitale des elfes, Azena avait découvert les premières troupes mortes-vivantes qui assiégeaient la cité.
Les morts-vivants, avait-elle songé. Ces créatures n’avaient que peu de rapport avec sa mission, mais leur existence contre-nature avait toujours profondément gêné la jeune trollesse. Lorsque sa compagne elfe, une paladin d’après ce qu’elle avait dit, lui avait expliqué en quelques mots que certains d’entre eux étaient d’anciens membres de la Horde, Azena était une nouvelle fois tombée des nues. Comment Thrall, Cairne et Vol’Jin avaient-ils pu accepter de telles créatures parmi eux ?
Elle s’était décidément absentée bien longtemps…

L’elfe s’était avancée sur le haut de la colline qui surplombait les premières fortifications des assaillants, sans un seul regard pour la chasseuse. Yotsuba, sur lequel était maladroitement harnachée la compagne inconsciente de l’elfe, poussa un gémissement plaintif avant de regarder sa maîtresse d’un air inquiet.
Après quelques instants de silence, l’elfe avait finit par dire :
« Suis-moi. Et ne traîne pas. »
La réponse d’Azena ne s’était pas faite attendre.
« Je suis loin d’être une enfant, oreilles pointues, avait-elle craché avec mépris. Je ne crains pas les coups des revenants ! »
L’elfe avait tourné son regard vers elle. Malgré son courage, la chasseuse avait fait un pas en arrière, surprise.
Les yeux de sa compagne flamboyaient d’une intense lueur verte.
« Je le sais, avait répondu celle-ci. Mais eux non plus n’ont pas peur de toi. Alors que moi…
- Eh bien quoi, toi ? avait demandé Azena, retrouvant son aplomb.
- Je leur ai appris la peur. » avait calmement répondu l’elfe.

Sans laisser à la chasseuse le temps de répliquer, elle s’était ruée à l’assaut des lignes mortes-vivantes, sans même dégainer son arme. Effarée et cependant curieuse de voir comment les choses allaient tourner, la trollesse lui avait emboîté le pas, au même titre que Yotsuba.


Les premiers combattants morts-vivants virent arriver sur eux ces deux combattantes hétéroclites, affublées d’un loup qui faisait plus office de brancard pour une troisième elfe presque morte que de véritable adversaire.
L’un d’eux, un guerrier squelette de plus de deux mètres de haut, empoigna une gigantesque hache et se dirigea pesamment vers elles.
« Pauvres âmes, murmura l’elfe, dont les yeux verts flamboyaient toujours avec intensité. Il est temps de vous libérer de votre fardeau. »
Le monstre leva son arme sans que la paladin n’esquisse le moindre geste pour l’en empêcher. Derrière lui, plusieurs morts-vivants s’étaient regroupés, attendant que tombe le premier coup pour intervenir. La hache siffla en direction de la tête de la paladin, qui la regarda filer vers elle sans bouger.
Azena, mue par ses prodigieux réflexes, ne pouvait cependant rester sans réagir. En un éclair, six flèches avaient jailli de son carquois pour se planter violemment dans le crâne de la créature, malheureusement sans lui faire grand-mal ni briser son élan. La chasseuse jura intérieurement, anticipant déjà le bruit mou et écœurant que ferait la tête de l’elfe lorsque la hache s’y planterait avec violence.
Bruit qui n’arriva pas.

Azena écarquilla les yeux.
La hache de leur adversaire s’était figée à quelques centimètres du visage de l’elfe, incapable d’aller plus loin. Le monstre hurla de fureur et d’impuissance, tandis que la paladin le considérait calmement. Azena lisait un sentiment étrange dans ses yeux verts, un sentiment qui n’avait rien à faire en pareille situation : de la pitié.
Derrière lui, ses compagnons, incapables de réaliser le spectacle qu’ils avaient devant les yeux, se ruèrent eux aussi à l’assaut de la paladin, oubliant jusqu’à l’existence d’Azena.
Ceux-ci se heurtèrent à la même barrière invisible que le premier assaillant. Ils avaient beau s’y employer de toute leur rage, aucun n’arrivait à même effleurer la peau de l’elfe, qui les laissait attaquer, toujours sans réagir.
La paladin joignit les mains et inclina la tête, fermant les yeux tandis qu’elle murmurait : « Recevez le Pardon de la Matriarche. »
Sous les yeux d’Azena, un feu jaune extraordinairement lumineux et pur, presque blanc, jaillit en un instant du corps tout entier de l’elfe, enveloppant quelques secondes tous ses adversaires. Ceux-ci se figèrent en frissonnant, avant de tous s’effondrer simultanément, dans un cliquetis d’ossements et d’armures rouillées.

Soudain, la paladin releva la tête. Pour la première fois, ses traits jusque-là sereins se contractèrent d’inquiétude.
« Il va falloir courir, maintenant, lança-t-elle à Azena. D’autres arrivent… Et je ne pourrai pas tous les repousser. »
Azena redressa elle aussi la tête. Malgré les impressionnants pouvoirs de sa compagne, elle n’avait pas perdu de vue l’environnement dans lequel elles se trouvaient toutes deux. Certes, elle voyait d’autres morts-vivants qui se ruaient vers eux, alertés par les cris de leurs premiers assaillants, mais rien qui ne paraissait exceptionnellement menaçant. Et pourtant, ses sens de Traqueuse étaient en alerte. L’elfe avait raison. D’autres morts-vivants approchaient, et ils étaient animés d’une force maléfique bien plus puissante que ce qu’elles avaient rencontré jusque-là.
Azena emboîta le pas à l’elfe.

[Stratholme]

« Quoi ??? » s’écria Ivy, surprise.
Son rayon avait certes fait mouche… Mais Farfadet était indemne.

Fichtres, relevé par il ne savait quel miracle, s’était interposé entre les deux époux, et c’était son sang qui avait coulé. Sous le coup de la douleur qui l’avait transpercé, le vieux chaman s’écroula à genoux.
« Fichtres !!! » s’exclama Farfadet, stupéfait, en se précipitant vers son compagnon pour le soutenir. Le tauren lui jeta un coup d’œil reconnaissant, puis murmura dans un souffle, avant de perdre conscience :
« Ecoute… Ecoute-la… Elle pleure… »

Farfadet, perdu, désorienté, releva la tête vers Ivy, pour découvrir celle-ci en train de contempler fixement ses mains. Un instant, il crut lire sur son visage une expression qu’il ne reconnut pas immédiatement.

Le désespoir.

Soudain, inexplicablement, il sut ce dont Fichtres parlait.

Une seconde plus tard, Ivy s’était ressaisie, et toisait Farfadet, visiblement contrariée.
Elle ne s’attendait pas à ce que son époux soit toujours en vie.

Elle jeta un coup d’œil méprisant à Fichtres, qui avait à son tour protégé le guerrier de la mort.

« Très bien, siffla-t-elle. Puisque tout le monde s’obstine à vouloir s’interposer entre nous… »

En un éclair, elle se rua sur celui qu’elle avait épousé.
L’orc, cette fois encore, n’esquissa pas un mouvement. Son regard était subitement devenu étrangement serein.

Pourtant, songea Ivy avec un léger malaise, Farfadet n’avait plus l’air aussi perdu et indécis qu’auparavant. Comme si…
Comme s’il écoutait quelque chose qu’il était seul à entendre.

Les ongles de la jeune fille, effilés comme des poignards, se plantèrent avec violence dans la poitrine du guerrier, qui ne cilla pas. Il se contenta de fixer Ivy d’un regard paisible, soutenant sans peur le regard dément des yeux de sang de la démoniste.
« Tu es revenue pleine de rage et de haine, ma chérie. Alors pourquoi entends-je ton âme pleurer ? » demanda doucement l’orc.
- Mensonges !!! répondit Ivy, en montrant les dents, comme s’il l’avait giflée. C’est faux !!! »
« Je ne te crois pas. » murmura-t-il, indifférent au torrent de sang qui jaillissait de sa blessure. Ivy se figea, stupéfaite.
Avec douceur mais fermeté, il extirpa de son torse la main ensanglantée de la jeune femme, qui, étonnament, se laissa faire. Le jet de sang qui jaillit aussitôt de l’atroce blessure ne semblait les préoccuper ni l’un ni l’autre.
« Tu es toujours là, quelque part, reprit-il. Reviens, Ivy… Tu es la seule à pouvoir stopper ce massacre.
- TAIS-TOI !!! » hurla-t-elle, l’envoyant rouler à plusieurs mètres d’une secousse. Farfadet s’écroula à terre, incapable de se relever à nouveau, tandis que son sang rougissait les rares pavés encore intacts de la scène.

Ivy s’était soudain désintéressée de son époux. La belle démoniste n’était plus qu’un monstre grimaçant, dont les yeux flamboyaient de haine. Dans ses mains crispées, ses ongles avaient entamé sa propre chair, et son sang coulait à présent sur ses poignets, se mêlant à ceux de Farfadet et de ses autres victimes.
« Non !!! hurla-t-elle à nouveau d’une voix brisée. Je n’ai plus rien à voir avec elle !!! Je ne suis plus celle que vous avez connue !!! ».
Elle leva les yeux au ciel et poussa un cri inarticulé, empli de rage et de fureur… Et pourtant, tous ceux qui étaient encore conscients entendirent la détresse de sa voix.
Farfadet, qui s’était une fois encore péniblement redressé, fixait toujours sa bien-aimée.
Malgré l’hideuse teinte rouge qui hantait toujours son regard, il était indéniable que c’étaient bien des larmes qui venaient d’apparaître sur le visage de la démoniste.

[Remparts de Lune d’Argent]

Lioness était très inquiète.

Les remparts de Lune d’Argent avaient été durement mis à mal pendant son absence. Elle sentait les énergies des combattants de son peuple, toujours vivaces, derrière les murs de la cité des elfes… Mais les défenses de la citadelle s’affaiblissaient de plus en plus, sous les assauts répétés des morts-vivants.

Tandis qu’elle courait en direction de la porte principale de Lune d’Argent, ignorant totalement les créatures qui tentaient sans pouvoir ne serait-ce que l’effleurer de lui barrer le passage, Lioness vit une gerbe de feu et de pierres voler plusieurs dizaines de mètres au-dessus d’elle, pour s’écraser sur les remparts, dans un sourd grondement.
Des catapultes, songea-t-elle en jetant brièvement un œil sur l’endroit dont le projectile était parti. Ces morts-vivants étaient redoutablement organisés.
Derrière elle, l’étrange chasseuse qui l’avait attaquée quelques temps plus tôt la suivait avec résolution, ayant semblait-il (dieu merci) compris que Lune d’Argent serait au moins pour elle un asile temporaire. Son loup galopait à ses côtés, portant toujours l’infortunée Solarian qui n’avait toujours pas repris conscience.
Néanmoins, elle le craignait, cet asile ne serait que très temporaire, à ce rythme-là.
Elle espérait que les Saigneurs Ecarlates réussiraient rapidement à atteindre Naxxramass. Car ce n’était pas la présence de machines de guerre des morts-vivants qui inquiétaient le plus la Matriarche.
Elle sentait autour d’elle des énergies maléfiques bien plus puissantes que les misérables combattants qui essayaient sans succès de l’arrêter.
En un sens, Lioness était presque heureuse qu’Oniri lui ait désobéie. Au moins, elle avait Arràgon à ses côtés pour veiller sur elle. Le « paladin » saurait la protéger. Lioness savait qu’il ne révèlerait sa véritable identité que s’il n’y avait vraiment aucune autre solution, car cela attirerait immanquablement l’attention d’autres créatures malfaisantes… Elle espérait sincèrement qu’il puisse conserver secrètes les prodigieuses révélations qu’il avait faites ce jour-là, à Mortholme.


Lioness leva les yeux. Du haut de la Porte de Lune d’Argent, Liadrin surplombait la scène. Les deux sœurs reconnurent avec joie leurs auras, avant que la Matriarche de la Tour Ouest ne hurle à ses troupes d’entrouvrir le portail pour permettre à Lioness et ses compagnes de s’engouffrer à l’abri des murs de Lune d’Argent.
Ce faisant, Lioness n’avait cependant pas vu la menace. Elle ne comprit qu’en entendant Liadrin hurler « Attention !!! » tandis qu’une aura menaçante flamboyait soudain dans son dos.

Lioness se retourna d’un bond, pour découvrir la chasseuse trolle qui, ayant fait de son corps un rempart pour la paladin, se tenait le bras, couvert de sang et d’où dépassait le manche d’un poignard dont Lioness sentit immédiatement les rayonnements runiques. Devant elles se tenait le propriétaire de l’arme qui avait blessé la trollesse : un mort-vivant à l’air ténébreux, harnaché dans une sinistre armure luisante ornée de crânes grimaçants. Son visage était dissimulé par une capuche sombre qui lui recouvrait la tête entière. Seule ressortait de l’abysse noire qui lui tenait lieu de visage la lueur diabolique de son regard de damné. Dans la main gauche, il tenait le même poignard que celui qui était fiché dans le bras de la trollesse.
En voyant cette arme aux pulsations malsaines, Lioness comprit que la chasseuse lui avait vraisemblablement sauvé la vie : une telle lame aurait percé son aura sainte.
Une voix basse et menaçante sortit de la capuche noire.
« Où croyez-vous aller si vite ? »
Etrangement, les morts-vivants les avaient encerclées, mais ne semblaient plus vouloir les attaquer. Ils contemplaient l’agresseur en silence, avec un respect qui fit froid dans le dos à la paladin.

De son côté, la trollesse tentait d’arracher l’arme de son bras, serrant les dents sous l’effet de la douleur.
Un reflet métallique au niveau du poignard attira soudain l’attention de Lioness. En concentrant ses sens, elle distingua un fil d’acier fin comme un cheveu, qui reliait le manche de la lame aux mains de leur assaillant, et comprit avec horreur quelles techniques devait manier leur assaillant. Un Tisse-Acier !!! Lioness, l’une des rares elfes à avoir vu ces redoutables techniques de combat à l’œuvre, ne put s’empêcher de frémir, songeant aux carnages qu’elles avaient provoqué avant que le Haut Conseil ne décide de les interdire. Qui donc pouvait être leur adversaire pour maîtriser des secrets pareils ?
Et soudain, Lioness se rappela de la terrible histoire que leur avait contée la tauren Knakette, peu après l’arrivée des Saigneurs Ecarlates à Lune d’Argent.
Et elle sut qui était leur ennemi.
« Ainsi c’est toi, Wodo… » murmura-t-elle.
Le rire guttural du mort-vivant lui confirma qu’elle avait raison.

La réponse de la Matriarche ne se fit pas attendre. Ses yeux flamboyèrent lorsqu’elle brisa le fil d’acier en invoquant son feu sacré, à l’instant précis où le mort-vivant en face d’eux esquissait le geste de rappeler à lui son arme, ce qui aurait purement et simplement tranché le bras de la chasseuse en même temps.
Déséquilibré, le mort-vivant partit en arrière, laissant juste assez de temps à Lioness pour crier à sa compagne : « Vite !!! Entrez dans Lune d’Argent !!! Je vais essayer de le retenir !!! ».

La trollesse, heureusement, oublia un instant sa rivalité avec Lioness, comprenant que la situation était extrêmement grave, et obtempéra. Elle se rua vers la Porte de Lune d’Argent, évitant les griffes des morts-vivants qui tentaient sans succès de les agripper, elle, son loup et Solarian.
Lioness, de son côté, s’était retournée pour faire face au terrible voleur, l’ancien serviteur de Sylvanas Windrunner. Derrière lui, les rangs de ses soldats s’étaient resserrés et avançaient sur elle, menaçants. La paladin comprit qu’elle n’avait pas la moindre chance de s’en sortir.

Soudain, une explosion lumineuse éblouit tous les morts-vivants, qui hurlèrent de surprise et de colère.
Lioness, reconnaissant l’aura bienveillante de sa sœur, réagit en un éclair, passant elle aussi le barrage des morts-vivants tandis que du haut des remparts, Dame Liadrin faisait à son tour la démonstration de ses impressionnantes capacités à manier le Sceau de Lumière.
Wodo, aveuglé, lança au hasard le poignard qui lui restait avec un cri de fureur, refusant de voir sa proie lui échapper. L’arme frôla la tête de la paladin et se planta en vibrant dans le bois renforcé de la Porte de Lune d’Argent, juste avant que celle-ci ne se referme en toute hâte.

Sauvée ! songea Lioness avec soulagement, tentant de reprendre son souffle tandis que les soldats renforçaient de leur mieux les barricades érigées à la hâte.
Nombre d’entre eux regardaient d’un air peu amène la chasseuse trolle, qui les toisait elle-même avec défi. Lioness vit, un peu plus loin, deux soldats qui emportaient Solarian en direction de la Flèche.

Lioness, inquiète, voulut les suivre, mais la trollesse s’interposa.
Les deux femmes se défièrent un moment du regard, sans rien dire.
Puis, la chasseuse parla.

« Tu m’as sauvé la vie, elfe, dit-elle avec dignité. Moi, Azena, je ne l’oublierai pas. »
Lioness, qui connaissait quelques-unes des étranges coutumes des peuples trolls à force de les avoir combattus, savait que le nom d’un troll était extrêmement précieux pour lui. En fait, les trolls ne révélaient leurs noms qu’à ceux qu’ils considéraient comme de réels alliés.
D’un geste, elle cicatrisa la profonde blessure au bras de la chasseuse, puis esquissa le signe de paix des Elfes en s’inclinant légèrement. Elle répondit d’une voix empreinte de la même dignité que sa compagne :
« Sois la bienvenue à Lune d’Argent, chasseuse Azena. Je suis Dame Lioness, Matriarche de la Tour Est. Moi non plus, je n’oublierai pas que tu m’as aidée à sauver l’astromancienne Solarian.

Suis-moi, amie. Je vais te mener au Seigneur Vol’Jin. »

[Stratholme]

Ivy leva une main menaçante en direction de son époux, la faisant une nouvelle fois briller d’une maléfique lueur noire.
Mais soudain, elle se figea, paralysée de stupeur.

Farfadet, malgré le sang qui s’écoulait de sa blessure et sa conscience de plus en plus ténue des choses, entendit distinctement, outre les pleurs d’Ivy, de son Ivy, les voix de ses compagnons de lutte, ceux dont Ivy avait volé les âmes, qui chuchotaient à l’unisson :
« Non, Ivy… Ne fais pas ça… ».
Des volutes d’énergies se mirent à tourbillonner autour d’Ivy, qui semblait incapable de les maîtriser. Les voix et les sanglots de son autre moi résonnaient de plus en plus fort aux oreilles de Farfadet…

Mais subitement, Ivy, dans un suprême effort empli de haine, hurla brusquement : « ASSEZ !!! ». Ses yeux rouges flamboyèrent d’une lueur plus maléfique que jamais.
D’un seul coup, toutes les voix se turent et la démoniste se redressa. Elle semblait avoir repris totalement le contrôle d’elle-même, et se dirigea à nouveau vers son époux d’un pas menaçant.
Même Farfadet, qui n’était pourtant pas versé dans les arts magiques, sentit à quel point l’aura de son épouse adorée était redevenue noire.

« Cette fois-ci, mon amour… C’est la fin. » dit-elle d’une voix douce, en levant à nouveau la main en direction d’un Farfadet épuisé et à la limite de sombrer dans l’inconscience.
Le guerrier, sans répondre, leva les yeux vers elle, affrontant sans peur son regard de sang.

Un haut-le-cœur secoua soudain la démoniste, brisant sa concentration. Puis, un deuxième spasme lui arracha un gémissement étouffé.
Un troisième la mit à genoux.
Elle ouvrit la bouche, tentant d’aspirer un air qui ne venait pas, bloqué par les étranges convulsions qui tordaient son corps.

Ivy vomit soudain ce qui ressemblait à un caillot de sang, dans une crise de vomissements ensanglantés qui semblait ne jamais vouloir finir.
Farfadet, malgré sa faiblesse, se redressa devant ce spectacle, intrigué.
Il y avait quelque chose d’anormal.
Ce caillot était anormalement gros. Et… oui, il n’y avait pas de doute.
Il grandissait au contact de l’air.

Une lumière aveuglante illumina le champ de bataille pendant un instant.
Lorsque Farfadet put enfin distinguer à nouveau son adversaire, il crut défaillir.

Ivy était toujours à genoux, les yeux écarquillés, les traits déformés par la douleur et la surprise. Et à la place du caillot qu’Ivy avait recraché, se trouvait, gisant à terre, épuisée… une autre Ivy !!!
Le regard du guerrier sautait alternativement entre les deux jeunes femmes, incapable de réaliser l’inexplicable phénomène qui venait d’avoir lieu.
La même incrédulité se lisait sur le visage des deux jumelles, et pourtant Farfadet comprit immédiatement que les deux « sœurs » étaient aussi différentes que le jour et la nuit.
Les ailes de chauve-souris de l’ancienne Ivy, du gris membraneux qu’elles étaient, avaient maintenant viré à un sinistre noir d’ébène qui fit courir un frisson dans le dos de Farfadet. Ses yeux rouges reflétaient une âme encore plus noire et cruelle qu’auparavant.
La nouvelle venue, que l’Ivy aux yeux rouges avait recrachée, portait elle aussi des ailes… Bien qu’elles fussent couvertes de sang et repliées péniblement derrière elle, Farfadet fut malgré lui frappé par la beauté ténue et la délicatesse de ces ailes de… oui, de véritables ailes de cygne. Dans le regard de cette nouvelle Ivy, d’un bleu cristallin, il lisait la douleur et le désespoir de la jeune femme d’avoir donné naissance malgré elle au monstre qu’était sa sœur aux yeux de sang.

« Qu’est-ce que… » cracha péniblement l’Ivy noire, hors d’haleine. Elle voulut se redresser pour en finir avec ses adversaires, mais ses jambes la trahirent.
Avec une grimace de pure haine, elle se volatilisa avec un dernier hurlement de rage, laissant Farfadet seul avec ses compagnons inertes… et l’étrange nouvelle venue qui venait de faire son apparition.

[Au même moment, devant les remparts de Lune d’Argent]

Wodo avait rejoint l’arrière des lignes mortes-vivantes, furieux.
« Quel dommage qu’elles vous aient échappé, Seigneur, résonna la voix, discrète et respectueuse, de son second.
- Silence, Zarlok !!! tonna le voleur avec rage. Elles ne perdent rien pour attendre !
- Je le sais, Seigneur. Ne vous inquiétez pas, continua le prêtre d’une voix feutrée et apaisante, en s’inclinant. Bientôt, Lune d’Argent va tomber… Et nous reprendrons ce que la tauren nous a volé. »
Sans répondre, Wodo tourna brutalement les talons et se dirigea vers les lignes ouest.

Zarlok le regarda s’éloigner, puis reporta son attention sur la Porte de Lune d’Argent.
Un sourire mauvais s’élargit peu à peu sur son visage.
Il avait reconnu l’aura de la paladin qui avait réussi à échapper à Wodo.

« Lioness, murmura-t-il.
Comme on se retrouve. »

[Nécropole de Naxxramass]

L’Ivy noire, toujours en proie à d’atroces douleurs qui lui traversaient le corps comme autant de poignards empoisonnés, avait mis un long moment à rejoindre la salle du Trône de Naxxramass, incapable de comprendre quel était l’horrible phénomène qui l’avait déchirée en deux face à son ancien époux.
Depuis que celui-ci avait eu lieu, elle se sentait étrangement froide, comme s’il lui manquait quelque chose.
Mais, au-delà de sa douleur et de la rage d’avoir été vaincue, il y avait bien plus préoccupant : elle avait échoué à arrêter les Saigneurs Ecarlates.
Elle avait failli à la mission que lui avait confiée son Maître.

Elle fit irruption en titubant devant le Nécromancien, qui la regarda se jeter à ses pieds sans dire un mot, se contentant de la contempler avec une avidité effrayante. L’aura du Maître de Naxxramass, plus noire que la nuit, était indéchiffrable, même pour elle.

« Pardonnez-moi, Seigneur… J’ai… J’ai échoué… » gémit la démoniste déchue, agenouillée devant son Maître. Ses ailes noires étaient encore agitées des légers spasmes provoqués par sa crise de vomissements.

Dans un premier temps, seul le silence glacial de la Nécropole lui répondit. L’Ivy aux yeux rouges, n’osant relever la tête pour affronter le courroux du Maître, continua à contempler le sol, attendant la sanction… Attendant la mort.

Le rire malveillant de Kel’Thuzad la surprit d’autant plus.

« Au contraire, répondit-il calmement de sa voix glacée. Tout se passe comme prévu. »
Il esquissa un sourire carnassier.
« Tu es maintenant devenue plus forte que jamais. Tu t’es enfin débarrassée de ces absurdes sentiments que les vivants ont ancré en toi… et qui limitaient ton pouvoir. » dit-il avec satisfaction.

La démoniste réalisa soudain ce qui lui manquait depuis la traumatisante séparation dont elle avait été la victime. Oui…
Il lui manquait ses sentiments. Et elle n’entendait plus la voix de l’autre Ivy.
Logique, comprit-elle subitement.
Elle s’était débarrassée de tout cela, en même temps que de sa pathétique sœur jumelle.

« Nous pouvons maintenant passer à l’étape suivante. Ecoute-moi attentivement… Solaris. » continua l’archiliche en portant son attention sur un nouveau visiteur qui venait soudain de faire son entrée par l’un des vortex de la pièce.

L’Ivy noire releva la tête, intriguée. Le nom l’avait frappée.
« Solaris ??? » murmura-t-elle.
Elle ne savait pourquoi, ce nom évoquait pour elle de lointains souvenirs… Des images confuses et obscures.

« Il est enfin temps que tu saches qui tu es, jeune fille. » murmura le Nécromancien, en la fixant avec un sourire diabolique.

Le visiteur, de son côté, s’était avancé silencieusement avant de s’agenouiller lui aussi devant le nécromancien.
Il se releva lentement et toisa lui aussi l’Ivy noire, un sourire satisfait au coin des lèvres, tandis que celle-ci le dévisageait de ses yeux rouges, sans comprendre.

« Je te présente ton père, Solaris. » dit Kel’Thuzad d’une voix douce.

[A SUIVRE…]

Youpi la suite!! vite toujour aussi bien Ivy

Première phrase.. Lioness était très inquiète...

... et arrà il vient de se faire poutrer en protégeant oni!!!et vient de se relever et de se défaire de l'emprise du roi liche !!!il est de retour des ténèbres avec une arme sortie des fin-fond des abyss ....le healeur n'est plus!!!le chevalier Noir des SE vient de naitre !!!!===> allez fais moi ma RENAISSANCE !! (petite idée juste si sa peu t'aider à écrire une tome suplémentaire )



mais quel combat épique !!!